lundi 17 avril 2023

KROMA #4, de Lorenzo de Felici


J'avais gardé pour la bonne bouche la conclusion de Kroma dont le quatrième épisode est sorti Mercredi dernier. Il me semblait que cette série méritait une place à part dans mes critiques car Lorenzo de Felici m'a réellement impressionné pour son premier creator-owned. La conclusion est-elle à la hauteur ? Réponse sans spoilers
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Dans la Cité Pâle, Jun, un ami de feu Zet, assailli par des cauchemars, réclame au prêtre Makavi la vérité sur ce qui est arrivé à son apprenti. De son côté, en liberté depuis des mois maintenant, Kroma s'est faite accepter par les lézards géants de la montagne de cristal. Mais le fantôme de Zet continue de la hanter pour savoir quels sont ses projets. Elle trouve sa réponse lorsque Damog, le gardien du prêtre Makavi, resurgit et avec lui la violence qu'elle a jadis subie...


Lors de la sortie Mercredi dernier de ce quatrième et ultime chapitre, le site spécialisé d'infos sur les comics CBR (ex Comic Book Resources) a publié un article sur les comics auxquels il fallait prêter attention en incitant les lecteurs à se rattraper quand ils seraient publiés en recueils. Parmi les titres cités, on trouvait Kroma.


J'ignore, ne vérifiant pas les chiffres de vente, si Kroma s'est bien vendu, mais effectivement, quand le tradepaper back sera disponible (en vo) le 29 Mai prochain (pour le prix de 19,99 $ (ce qui est raisonnable pour un ouvrage de plus de 200 pages), il faudra que vous vous jetiez dessus - même si je ne doute pas qu'un éditeur français (certainement Delcourt) le traduise.


Si vous n'aviez pas lu Infinity 8 (série pour laquelle Lorenzo de Felici signa un album) ou Oblivion Song (la saga écrite par Robert Kirkman, qu'il retrouvera très bientôt pour une nouvelle série, Void Rivals, en Juin), Kroma va vous faire découvrir un auteur complet aux débuts bluffants.


Je ne vais spoiler le dénouement de Kroma, mais je l'ai trouvé très satisfaisant. Evidemment, j'en aurai bien pris un peu plus, histoire de développer quelques éléments, et, à mon avis, une suite aurait été intéressante, car la fin elle-même ouvre la voie à de nouvelles aventures pour l'héroïne et d'autres personnages. Mais en l'état, les quatre épisodes de Kroma forment un ensemble très cohérent, solide et abouti.

Ce qui étonne, c'est surtout la maturité de de Felici, même s'il a longuement mûri son projet et l'a considérablement fait évoluer avant de se lancer dans sa réalisation. On a pas souvent l'occasion de lire un récit aussi bien construit, avec un univers aussi fouillé, pour une première fois. Surtout, il n'est pas fréquent qu'un dessinateur, qui a travaillé avec un scénariste aguerri comme Kirkman, accouche d'une histoire qui ne doit rien à son collaborateur, ni dans le ton, ni dans le style.

Effectivement, Kroma n'a rien à voir avec Oblivion Song et évoque plutôt la fantasy, réfléchissant sur la croyance, le fanatisme, la vengeance, l'enfance avec une rare pertinence et une intensité peu commune. Le destin de cette jeune fille instrumentalisée par un religieux machiavélique afin de garder le contrôle d'une population enclavée est poignant et réserve un twist très bien amené

De Felici conduit son affaire avec une remarquable fluditié, sans se presser, afin que l'impact des révélations soit le plus puissant possible. Il y a aussi une sauvagerie dans ce récit initiatique, de la violence, mais jamais gratuite, jamais complaisante. En cela, l'artiste de démarque des tics que je reproche à Kirkman, qui succombe trop souvent à la tentation de raconter quelque chose en ne lésinant pas sur l'hémoglobine.

Kroma est aussi (surtout diront certains) une série visuellement splendide. Lorenzo de Felici y a mis tout son coeur et son talent en assumant dessin, encrage, colorisation - un investissement peu commun (qui renvoie à Catwoman : Lonely City, de Cliff Chiang, une autre grande réussite). Certes, cela aura valu à la série un retard conséquent puisque ce quatrième volet sort après plusieurs mois d'attente, où l'artiste a dû composer avec la finalisation de son histoire et le début de son travail sur sa prochaine production avec Kirkman. 

Mais l'attente en valait la peine, et tout est oublié quand on tourne les pages, somptueuses, de ce chapitre IV. De Felici ne s'est pas fait seulement plaisir, mais aura régalé les lecteurs, avec des planches sur lesquelles on s'attarde volontiers, pour en contempler les détails, les lumières, la palette, l'expressivité des personnages. La narration est maîtrisée, ce qui un autre pari gagné car le format des épisodes, plus fournis en nombre de pages (une cinquantaine par numéro), oblige à revoir le rythme interne par rapport aux floppies traditionnels d'une vintaine de planches.

Il n'est pas toujours bon de se sentir frustré par une bande dessinée, mais Kroma, en se terminant, convainc sur cette impression car on aurait simplement voulu que ça continue. Lorenzo de Felici a changé de dimension et désormais on a vraiment envie de lire ce qu'il produit - en souhaitant que Robert Kirkman soit à la hauteur pour leur futur projet.

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