Ce n'est pas parce que je n'ai pas aimé ses épisodes de Batman que je n'allais pas donner une seconde chance à Joshua Williamson, d'autant que son nouveau projet, publié au sein du Black Label de DC, était alléchant. Mini-série en quatre chapitres de 48 pages chacun, Rogues s'intéresse au sort des Lascars (Rogues en v.o.), ennemis emblématiques de Flash. Le récit se situe dix ans dans le futur, quand les malfrats ont pris leur retraite. Le tout est superbement mis en images par Leomacs, pour un résultat épatant.
Leonard Snart, anciennement connu sous l'alias de Captain Cold, vit désormais dans un mobil'home où il reçoit la visite de son agent de probation, qui s'assure qu'il file droit. La journée, il travaille dans une cartonnerie où ses employeurs, sous couvert d'une promotion, se moquent de lui.
Humilié, Snart n'en peut plus et ressort son arsenal. Il va voir sa soeur, Lisa, ex-Gloden Glider, elle aussi retirée eet devenue assistante sociale. Il parvient à la convaincre de l'aider à recruter un gang pour un coup fumant.
Le Charlatan, Bronze Tiger, Heatwave, Magenta, Heatwave et Golden Glider reforment les Lascars et Captain Cold leur explique son plan : voler la réserve d'or de Gorilla Grodd. Convaincus que c'est une mission-suicide, tous pensent à se défiler mais Snart insiste et les gagne à sa cause.
Reste à enrôler le dernier membre de la bande : le Maître des Miroirs. Mais celui-ci est en cure de désintoxication dans une clinique sous haute surveillance, et complètement assommé par les tranquillisants...
Si vous aimez les histoires de braqueurs avec un zeste de comédie, alors Rogues va vous combler comme moi. Car c'est une lecture jubilatoire que celle de ce premier épisode (sur quatre). Une très agréable surprise qui tranche avec les titres d'habitude plus sombres et sérieuses du Black Label de DC Comics.
Evacuons tout de suite le "dossier Joshua Williamson". Jusqu'à présent, je n'ai pas été conquis parce que j'ai lu de sa part. En même temps, l'honnêteté me force à reconnaître que je n'ai pas lu non plus beaucoup de ses histoires. Enfin, le bonhomme est en train de prendre une importance énorme chez DC qui lui a confié la tâche de structurer leur univers depuis quelques mois, à la suite de Scott Snyder.
Fort de tout cela, soit on zappe tout, capricieusement, de ce que produit Williamson, soit on s'entête un peu pour voir s'il va finir par proposer quelque chose qui me séduit. Quand j'avais entendu parler de cette mini-série, Rogues, dont j'avais parlé dans une entrée sur les News Comics, je m'étais dit que ce pourrait être une bonne petite histoire, d'autant qu'elle serait publié sur le Black Label, donc hors continuité.
Comme les "Elseworlds" d'autrefois, DC autorise ses auteurs à écrire des sujets alternatifs dans cette collection. Et souvent les scénaristes aiment explorer la temporalité, examiner ce que deviendraient les personnages si le temps passaait vraiment. L'exemple le plus célèbre reste Kingdom Come de Waid et Ross. Rogues n'a pas la même ambition mais s'inscrit dans ce mouvement.
On suit donc d'abord Leonard Snart/Captain Cold. Il y a dix ans de ça, lors d'une soirée dans un bar mal famé, il avait entendu parler d'une extraordinaire trésor gardé par Gorilla Grodd, de l'or à ne plus savoir quoi en faire mais que cet ennemi de Flash ne dépensait pas car il était plus attiré par le pouvoir que par l'argent. Aujourd'hui, Snart a vieilli et on devine, de manière habile, que sa chance a tourné : il habite dans un mobil'home et a fait de la prison, un agent de probation lui rend des visites à l'improviste pour s'assurer qu'il se tient tranquille. La journée, il travaille dans une cartonnerie de Central City où il reçoit même une promotion, avant d'entendre ses patrons se moquer de lui dans son dos.
Ces petites humiliations vont décider Snart à basculer à nouveau dans le grand banditisme et préparer le casse du siécle, en dérobant l'or de Gorilla Grodd. Williamson déroule son récit de manière très classique avec le recrutement de complices, eux-mêmes ayant subi les outrages du temps, s'étant rangé des voitures, plus ou moins résignés. Les portraits que le scénariste tire de ces anciens super-vilains est souvent drôle et cruel à la fois : Le Charlatan (Trickster en vo) se produit devant des mémés énamourés et a eu recours à la chirurgie esthétique pour gommer les traces du temps. Bronze Tiger donne des cours de self-défense. Magenta dépend de médicaments pour contrôler ses crises d'angoisse susceptibles de réveiller ses terribles pouvoirs magnétiques. Heatwave collabore à des arnaques à l'assurance en mettant le feu à des bâtiments. Golden Glider, la soeur de Snart, est assistante sociale. Et le Maître des Miroirs est dans une clinique où on l'a assommé avec des calmants.
Cette équipe de bras cassés veut se défiler quand elle apprend ce dans quoi Cold veut les entraîner, puis se ravise en pensant à la retraite dorée que leur offrirait ce magot inéspéré. On ne voit pas le temps passer et lorsque l'épisode s'achève, on a du mal à croire qu'on a englouti ses presque cinquante pages. Le pire, c'est que, sans doute, on a trouvé sympathique ce groupe de fripouilles, pas tellement pour eux-mêmes, mais parce qu'au fond, ils ne vont pas s'en prendre à des innocents (quoique les policiers venus les arrêter à la clinique...) mais à plus méchant qu'eux. Williamson est malin.
Mais Rogues ne serait pas aussi enthousiasmant sans son dessinateur. Leomacs n'est pas une vedette mais il a tout pour le devenir. Révélé en 2019 par la mni-série écrite par Joe Hill (le rejeton de Stephen King, à qui DC a donné son propre label), Basketful of Heads (une histoire délirante où une fille, poursuivie pas des malfrats, les décapite avec une hâche magique), Massimiliano Leonardo de son vrai nom est un dessinateur italien au talent énorme.
On peut observer, en passant, que de plus en plus d'artistes formés en Italie sont recrutés aux USA (comme Matteo Scalera, Matteo Buffagni, Gigi Cavenaggo, ou même Goran Parlov qui a été remarqué pour ses BD chez l'éditeur Bonelli). Ce n'est pas un hasard : tous ont de solides bases techniques, les fumetti sont une école exigeante où il faut tenir les délais, savoir dessiner, encrer, lettrer, coloriser, et s'adapter à tous types de récits (western, fantastique, polar...).
Leomacs n'a donc pas ce qu'on pourrait paresseusement appeler un style comics. C'est sans doute pour ça que jusqu'à présent il a surtout oeuvré sur des histoires horrifiques (comme Basketful of Heads) ou Rogues, qui aborde la figure du super-vilan de façon biaisée.
Son trait est précis et expressif, ses images sont détaillées avec des compositions parfaites. Son découpage est classique avec quelques moments plus étonnants (comme la planche ci-dessus où on voit Leonard et Lisa Snart évoluer dans une rue dans un mouvement décomposé mais dans une seule image). Les décors sont réalistes et fournis, chaque protagoniste a fait l'objet d'une étude fouillé pour qu'on sente l'âge qu'il a, à travers ses attitudes, les marques tu temps sur son visage. On peut situer que ces Lascars ont la cinquantaine, ce qui en fait des vétérans sans être des vieillards et qui justifient qu'ils ne soient pas trop entamés physiquement, notamment chez les deux femmes du groupe. Aller plus loin aurait été risqué car alors l'histoire aurait pu sombrer dans la caricature : il faut qu'on croie encore à leur efficacité, à leur dangerosité même.
Tout ça fait un excellent début. Le pitch est prometteur et Williamson accroche le lecteur avec beaucoup de maîtrise, on sent qu'il en a gardé sous le pied. Lemoacs est exceptionnel dans sa partie. Bref, ça sent très bon, même si les Rogues vont avoir fort à faire.
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