Mince alors ! C'est déjà fini ! Je n'avais pas fait gaffe en commençant à lire The Unbelievable Unteens que cette mini-série dérivée de Black Hammer ne comptait que quatre épisodes. Du coup, je termine ma lecture un peu frustré car j'en aurai voulu davantage. Mais, ceci mis à part, Jeff Lemire et Tyler Crook bouclent leur projet en beauté et font de cette histoire une des plus poignantes de l'univers Black Hammer.
Jack Sabbath ne peut se résoudre à perdre définitivement Snapdragon sur son lit d'hôpital dans le coma. Il franchit donc seul les portes de l'enfer, malgré les risques, pour défier le Spectre Blanc. Cependant, Straka, pris de remords, va chez Strobe et la convainc de reprendre du service pour leur amie.
Alors que Jack est repéré par le Spectre Blanc et essuie le feu de Snapdragon sous son emprise, Straka et Strobe s'introduisent dans la chambre d'hôpital où leur amie se trouve. Kid Boom les surprend mais ils parviennent à le persuader qu'il reste une chance de la sauver.
Unissant leurs pouvoirs, ils se déplacent jusqu'en enfer où ils viennent en aide à Jack Sabbath. les quatre Unbelievable Unteens rassemblent leurs forces pour attaquer le Spectre Blanc. Ils arrivent, en le mettant à terre, à briser l'emprise qu'il exerce sur Snapdragon.
A nouveau elle-même, Snapdragon ne veut plus quitter Jack Sabbath mais pour cela, elle doit le suivre dans l'au-delà. Straka, Strobe et Kid Boom font leur adieu à leur amie dans sa chambre d'hôpital, puis Straka repart auprès de sa famille. Strobe invite Kid Boom à prendre un verre chez elle.
Mon amour (quasi) immodéré pour tout ce qui touche au Black Hammer-verse m'a rendu distrait et c'est pour cela que je n'ai même pas pris la peine de compter combien d'épisodes compterait The Unbelievable Unteens quand j'en ai débuté la lecture. Ce seront donc quatre numéros, et puis c'est tout.
Je ne peux cacher une légère frustration car j'espérai plus, je pense que la série pouvait être plus longue sans problème car ses personnages, son histoire avaient un énorme potentiel. Mais, d'une certaine manière, c'est aussi là le signe que c'est une vraie bonne série car quand on veut plus, c'est qu'on n'est pas rassasié, que les auteurs ont fait le boulot, ont su nous accrocher.
Peut-être ai-je été aussi surpris parce que dans le dernier épisode en date de Black Hammer : Reborn, il était fait mention de la mort des Unbelievable Unteens (sans qu'il soit précisé dans quelles circosntances et en quelle année), donc je m'attendais à ce que Jeff Lemire raconte cette histoire jusqu'à ce tragique dénouement.
Mais en l'état, ça reste formidable et surtout très émouvant. Combien de séries, de scénaristes peuvent aujourd'hui boucler une série en quatre numéros sans que le lecteur ait l'impression que le dénouement soit précipité, que l'essentiel n'a pas été dit, ou que la conclusion soit tout simplement ratée ? Pas Jeff Lemire, pas avec The Unbelievable Unteens.
A bien des égards, le scénariste canadien réussit là un tour de force comparable à la mini-série Doctor Star & The Kingdom of the Lost Tomorrows, sa réinterprétation du Starman de DC Comics. Il s'agit d'un récit sur le deuil et le fait d'accepter la perte d'êtres chers. En s'inspirant cette fois des X-Men et de la saga du Phénix Noir avec le personnage tragique de Snapdragon (qui évoque aussi Raven des New Teen Titans), il était évident que ça n'allait pas bien finir.
Toutefois, Lemire s'est montré, comme souvent (toujours ?) astucieux en ne mettant pas Snapdragon sur le devant de la scène : pendant quatre épisodes, elle a été en retrait, le fantôme qui hantait cette intrigue, l'incarnation du drame de cette équipe de super-héros. C'est au travers du regard de ses acolytes qu'on a fait sa connaissance, à travers elle que les origines et le présent des Unbelievable Unteens nous sont parvenus. Il est donc logique que ce soit aussi à travers elle qu'on lise l'impact qu'elle a eu sur ses partenaires.
Il y a un romantisme fou dans cette petite série, avec Jack Sabbath, ce fantôme qui va jusqu'en enfer pour retrouver et sauver celle qu'il aime et ne peut se résoudre à laisser soit dans le coma dans une chambre d'hôpital, soit entre les griffes du Spectre Blanc. Ce romantisme s'élargit avec les anciens amants que furent Straka et Strobe et jusqu'aux amants en devenir que pourraient devenir Strobe et Kid Boom (car il est évident que Kid Boom a toujours été épris de Strobe, qu'il a jalousé Straka). Le sort de Snapdragon et Jack Sabbath évoque celui d'Orphée et Eurydice, sauf que Lemire accorde aux deux amoureux une issue moins triste. Tout en laissant leurs compagnons endeuillés.
Ce récit d'apprentissage est merveilleusement mis en images par Tyler Crook qui, cette fois, n'a plus à changer de style pour figurer des pages de comics jaunies et laisse libre cours à ses aquarelles pour une bataille infernale, littéralement. Les jaunes, les oranges, les rouges incendient chaque scène et contrastent violemment avec le gris dominant des moments sur Terre, dans l'appartement de Strobe ou dans la chambre d'hôpital.
Il est troublant de lire les pages dessinées par Crook juste après celles de Dustin Nguyen dans Robin & Batman, écrit également par Lemire. La même technique, mais pas le même résultat, le même scénariste, mais pas la même histoire.
En tout cas, cette technique de couleurs directes fait merveille là aussi. Elle contribue à ce mélange de fureur et de mélancolie dans laquelle toute la série baigne. Elle donne aux images une texture particulière que vient contrebalancer la simplicité du trait de Crook, presque naïf, comme quand il dessine les visages avec des points ronds pour les yeux. Tout ici est sobre, épuré, et en même temps superbement touchant, vibrant.
La collection de personnages de l'univers Black Hammer s'est enrichie en beauté avec ces Unbelievables Unteens, qui démontre une fois encore le génie de Jeff Lemire et le fait qu'il s'entoure toujours de l'artiste parfait, ici l'épatant Tyler Crook.
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