Pénultième chapitre de la saga Fear State, Batman #116 se rattrape un peu après avoir sombré au précédent épisode. On ne peut malgré tout pas s'empêcher de penser que James Tynion IV est passé à côté de son histoire, si prometteuse et finalement décevante dans son développement. D'aucuns diront qu'il avait déjà la tête ailleurs (du côté de chez Substack)... En revanche, la série récupère Jorge Jimenez au dessin pour la totalité des planches et ça, c'est une excellente nouvelle.
Ghost-Maker accueille à sa manière les forces du Magistrat qui pénètrent dans les bas-fonds de Gotham où se sont réfugiés le Collectif Insensé et Queen Ivy. Celle-ci, furieuse de leur intrusion et excédée qu'on ne la laisse pas en paix, décide de provoquer l'effondrement de Gotham.
Pendant ce temps, Molly Miracle et Batman courent dans les égoûts en remontant le signal de la Machine conçue par Maître WYze et désormais entre les mains de l'Epouvantail. Celui s'en prend à Molly pour obliger Batman à le suivre dans son repaire où il torture Sean Mahoney.
Alors que Jonathan Crane prépare l'acte final de son Etat de la Peur, il est abattu par Mahoney. Celui-ci, tel un illuminé, pense plus que jamais être la réponse au désordre de Gotham. Batman s'interpose et confie à Molly le soin d'éteindre la machine de Wyze.
Batman réussit, difficilement, à stopper Mahoney lorsqu'un tremblement de terre secoue les fondations du repaire de l'Epouvantail. Queen Ivy se déchaîne alors que Ghost-Maker a repéré des renforts envoyés par Simon Saint pour la tuer...
Pour la première fois dans la saga Fear State, on peut lire une mention explicite à l'event Future State, paru au début de cette année et qui montrait Gotham sous la coupe d'un nouveau régime paramilitaire, le Magistrat, mais aussi l'apparition du Next Batman et la résistance menée par Bruce Wayne, Catwoman et d'autres héros ou vilains.
C'est donc au détour d'un dialogue prononcé par l'Epouvantail que Future State est cité. Et cette citation pose les limites de Fear State qui a voulu jouer avec la possibilité de ce futur cuachemardesque tout en l'évitant, tout en prouvant que l'event DC de début 2021 n'était qu'un futur et pas le futur. C'est un étrange sentiment qui s'empare du lecteur alors, comme si l'éditeur l'avait baladé avant de, finalement, décider que, non, cette histoire ne prendrait pas une direction aussi radicale. Future State n'était donc pas un énorme spoiler pour Fear State, mais une probabilité narrative.
On cerne la limite alors et de Future State (qui n'a été qu'un cauchemar, un "Elseworld", un "What if.. ?") et de Fear State (qui nous a fait miroiter une conclusion radicale sans oser la franchir). James Tynion IV aurait-il été plus loin s'il avait choisi de rester le scénariste de Batman ? Ou s'est-il ravisé en songeant à son successeur ? Ou bien DC n'a-t-il jamais songé un instant à emprunter un tournant franchement culotté, vestige du projet 5G de Dan Didio (où les héros les plus emblématiques laissaient place à une nouvelle génération) ? On ne le saura sans doute jamais.
Alors puisqu'il faut en finir avec cette intrigue, qui était partie sur les chapeaux de roue, après l'arc The Cowardly Lot en guise de prélude, Tynion IV livre une pré-conclusion conventionnelle, à grands coups de baston, d'effondrement, de re-baston, de coup de théâtre téléphoné. Le folklore super-héroïque a repris tous ses droits et écrase toute velléité d'originalité, il faut que Batman gagne, que l'Epouvantail perde et que Sean Mahoney paie.
C'est dommage parce qu'au fond, ce que ça dit vraiment de la fin de run de Tynion IV, c'est que ce qu'il a apporté à la série se consume en temps réel. Gâgeons que ni Simon Saint, ni Sean Mahoney, et certainement avec eux Ghost-Maker, la Jardinière, Queen Ivy, ne lui survivra. En renonçant à Batman pour la liberté du creator-owned et du pactole offert par Substack, James Tynion IV a fait le choix de sacrifier rapidement tout ce qu'il avait ajouté à la série, personnages, intrigues, etc. Son plan sur trois ans n'est plus d'actualité, ne sera pas repris par le prochain scénariste de la série (visiblement), et à l'image de Queen Ivy qui veut provoquer l'effondrement de Gotham, Tynion va certainement sacrifier, enterrer son legs.
Là où d'autres auraient saisi l'occasion pour orchestrer un feu d'artifices, tout semble bien triste, peu inspiré ici. Le #117 clôturera non seulement Fear State mais un run voulu par DC pour balayer celui de Tom King (qui, lui, jusqu'au bout, malgré des longueurs, aura raconté pratiquement une seule histoire).
La bonne nouvelle, malgré tout, c'est que cette fois Jorge Jimenez dessine l'intégralité des planches de ce numéro, après avoir été aidé par Bengal il y a quinze jours. L'artiste fait bonne figure mais on sent qu'il tire la langue. Les décors sont expédiés, là où, auparavant, il épatait par la minutie avec laquelle il les représentait. Il ne se prive plus non plus d'enchaîner des splash-pages, comme pour avouer qu'il n'a plus assez d'énergie pour découper des scènes. C'est tape-à-l'oeil et efficace mais sans âme.
Soumis à un rythme effrayant, Jimenez n'est pas un surhomme capable de produire comme une machine (façon Mark Bagley, John Romita Jr). Lui aussi est victime de la drôle de manière dont DC a choisi de publier cet arc final de Tynion IV, comme s'ils étaient pressés de passer à autre chose. Et malheureusement, cela se paie sur la qualité graphique. Jimenez réussit quand même à s'en sortir très honorablement, mais qu'est-ce que ça aurait donné s'il avait pu avoir un mois entier entre chaque numéro.
Allez, rendez-vous dans quinze jours pour le baisser de rideau sur Fear State et l'ère Tynion IV. Sait-on jamais, peut-être que ça se terminera bravement ?
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