France. Zhang fait sauter un avion de ligne en vol. Alors que les secours se déploient sur le site du crash, Victor et Brigitta retrouvent Zhang pour lui proposer de participer au coup d'Etat qu'ils préparent contre Cordelia Moonstone et l'Ordre Magique...
Si vous êtes abonné, comme moi, à la newsletter de Mark Millar (seul canal par lequel il communique depuis son retrait de Twitter, le réseau social ne lui servant plus qu'à annoncer l'actualité du Millarworld), alors vous savez que The Magic Order est une série qui lui tient particulièrement à coeur. C'est la première histoire qu'il a développée après avoir vendu son label à Netflix et ses partenaires de la plateforme de streaming furent d'ailleurs étonnés qu'il veuille continuer à écrire des comics.
Plus encore que Jupiter's Legacy, The Magic Order est une saga pour laquelle le scénariste écossais voit loin, et pas seulement en termes de média (une adaptation en live action est toujours dans le tuyaux). Il a prévu d'en produire cinq volumes de six épisodes, et chacun sera illustré par un artiste différent (depuis que Olivier Coipel, qui avait dessiné les six épisodes du premier volume a choisi d'en rester là). Ainsi la volume trois, actuellement en cours de réalisation, sera co-signé par Gigi Cavenaggo.
Le premier acte de The Magic Order était une des intrigues les plus abouties de Millar, un récit à la fois plein d'action, de coups de théâtre, avec une touche finale émouvante (le sacrifice de Gabriel Moonstone pour ramener à la vie sa fille).
Millar sait, parce qu'il est malin et expérimenté, que les comics fonctionnent si une suite propose quelque chose de plus que leur première salve. Aussi établit-il rapidement dès ce premier épisode une histoire plus ambitieuse qui prend la forme d'une guerre des gangs dans le monde des magiciens. Les premièrs pages introduisent donc Victor Krone, un roumain qui travaille dans une usine, père d'un garçon et qui n'en peut plus de supporter cela car, auparavant, sa famille était la plus puissante des toutes celles qui formaient l'Ordre Magique.
Il entend réclamer sa place et veut déclarer la guerre à Cordelia Moonstone, qui a succédé à son père Leonard, la jugeant faible et vulnérable, indigne d'occuper la place de chef. Il convainc sa tante Brigitta, une sorcière puissante, de le suivre dans cette entreprise, puis plus tard il recrute un immortel, Zhang, qui trompe son ennui en multipliant les suicides de plus en plus spectaculaires, entraînant dans la mort des innocents.
Les Moonstone, aux Etats-Unis, s'occupent de faire règner l'ordre en chassant démons et monstres qui se fraient un chemin dans notre dimension. Regan sauve un enfant aux prises avec un ami imaginaire cruel. Sa soeur, Cordelia, qui devait l'assister sur cette opération, n'a pas répondu à son appel : elle n'a pas changé de mode de vie malgré son statut et les responsabilités qui vont avec, elle s'est prise une cuite et a couché avec un inconnu. Victor Krone a peut-être bien raison : elle n'est pas digne du poste qu'elle occupe et constitue une cible facile. Il faut ajouter qu'elle n'avait pas demandé à règner sur l'Ordre Magique et qu'elle a perdu son frère, Gabriel, tandis que Leonard, son père, est absent.
Mais à la fête d'anniversaire de sa filleule (la fille de Gabriel), un cousin vient l'avertir d'une vieille menace... Millar ne précise pas s'il s'agit de Krone et sa bande de roumains ou d'autre chose (ce sur quoi je parie, histoire de corser encore un peu plus la suite). Bref, en une vingtaine de pages, le décor est posé entre un rival revanchard, un danger important mais indéterminé, une leader négligeante, et des magiciens inquiets de se savoir gouvernés par une fille aussi insouciante (et pas encore officiellement intronisée d'ailleurs).
L'an dernier, Millar avait eu le nez creux en ne sortant aucune série, il n'a donc pas eu à composer avec la pandémie mais a mis à profit ce temps pour préparer cette sequel de The Magic Order et d'autres titres (ironiquement, actuellement, il est confiné chez lui, en Ecosse, contaminé par le Covid-19). En tout cas, on sent qu'il a refait le plein, qu'il est remonté comme un coucou et ça fait plaisir de le retrouver aussi en forme après les peu convaincants Prodigy ou Space Bandits. Il écrit là des personnages qu'il maîtrise et affectionne, dans un cadre qu'il a déjà bien posé mais développe habilement, sans temps mort, et de façon accrocheuse. On a envie de lire la suite et on est confiant.
C'est donc Stuart Immonen qui dessine. Olivier Coipel a longtemps hésité à rempiler mais le français, sans vraiment se justifier, s'est désisté (l'argent qu'il a dû gagner avec le premier volume, puisque Millar partage à parts égales avec chacun de ses artistes les bénéfices des ventes et obtient pour lui et ses partenaires le même salaire que le sien, le met de toute façon à l'abri du besoin pour longtemps).
Mais, sans diminuer la qualité du travail de Coipel il y a trois ans (une de ses mielleures prestations, même si sur les deux derniers épisodes il tirait la langue), on ne peut décemment pas dire qu'on perd au change avec Immonen. C'est même le contraire : le niveau du canadien est tel qu'il fait oublier son statut de remplaçant en quelques secondes. Et surtout, après Plunge (écrit par Joe Hill pour DC), The Magic Order marque son grand retour aux affaires (d'autant qu'il sort aussi ce mois-ci son ovni Grass of Parnassus, écrit par sa femme, chez AdHouse Books).
Désormais, depuis Plunge (mais déjà auparavant sur ses creator-owned, comme il y a 17 ans sur Superman : Secret Identity), Immonen n'a plus d'encreur, ayant stoppé sa collaboration avec le fidèle Wade von Grawbadger à la fin de son run sur The Amazing Spider-Man (qui marqua la fin de son contrat chez Marvel). Il est donc à nouveau seul maître à bord graphiquement et là aussi, ce n'est pas plus mal. Le trait est un peu plus épais, mais surtout Immonen n'éprouve plus le besoin de modifier son style à chaque projet : désormais il oeuvre dans un registre réaliste classique et descriptif.
Immonen est un artiste respecté par tous ses pairs dans le milieu : sa ponctualité imparable, son inventivité, l'intelligence de ses découpages, la beauté de ses compositions, et l'expressivité de ses personnages en font, il est vrai, un dessinateur incroyablement complet. Sa faculté à s'adapter à n'importe quel type de récit est son autre grand atout et donc il s'approprie les acteurs et les décors de The Magic Order avec une aisance insolente.
Sa supériorité sur Coipel, c'est qu'il ne lésine sur rien, comme si, lui, contrairement au français, avait tout le temps nécessaire pour produire des planches généreuses dans le détail et toujours efficaces narrativement. Il pose une scène sans jamais avoir l'air de forcer (quand bien même se définit-il comme un laborieux), exploite l'environnement, diversifie les personnages, et se paie même le luxe d'une pleine page inutile pour l'histoire mais à l'esthétique fabuleuse (quand l'amant d'une nuit de Cordelia ouvre une porte sur une chambre remplie de créatures magiques au chevet d'une des leurs). On a aucun mal à croire Millar quand il affirme qu'avoir son script dessiné par Immonen est un rêve de scénariste parce que non seulement on peut tout lui demander, il sait tout faire, mais il le fait mieux que tout ce que vous aurez imaginé.
Preuve ultime du génie d'immonen : aucun coloriste ne parvient à dénaturer son dessin. Et pourtant, il en a vu passer ! Ici, Sunny Gho, qui officie actuellement sur des titres X chez Marvel, fournit un accompagnement épatant avec une palette nuancé, qui colle à chaque scène très justement.
Comment voulez-vous ne pas aimer The Magic Order ? C'est un mélange détonant et jubilatoire de magie fantaisiste et de gangster story, écrit par une scénariste qui s'éclate et dessiné par un artiste qui est une sorte de godfather des comics modernes. Ne vous posez pas de questions : embarquez !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire