jeudi 18 novembre 2021

SUPERGIRL : WOMAN OF TOMORROW #5, de Tom King et Bilquis Evely


J'ai beau beaucoup aimer Tom King, il m'arrive parfois de lire un épisode qu'il a écrit en me demandant pourquoi il l'a écrit. C'est le cas de ce cinquième numéro de Supergirl : Woman of Tomorrow. Il n'est pas désagréable, mais le scénariste joue un peu trop ostensiblement la montre avec ce chapitre dont la série aurait pu volontiers se passer. Mais bon, il y a les dessins, somptueux, de Bilquis Evely et les couleurs flamboyantes de Matheus Lopes, alors ça aide.



Supergirl et Ruthye foncent sur Krem des collines jaunes mais celui-ci dégaine alors un Globe de Mordru. Ils téléportent ainsi la kryptonienne et sa protégée très loin de là, sur une planète hostile, peuplée de monstres. Et sur laquelle brille un soleil vert...


Une étoile de cette couleur affaiblit les kryptoniens et Supergirl s'effondre vite, fièvreuse. Ruthye la veille mais vite un dinosaure semblable à un T-Rex attaque. La jeune fille prend son épée et fait face. Elle réussit, miraculeusement, à terrasser la bête en la frappant au cou.


Le cadavre du dinosaure attire des charognards volants qui veulent s'en prendre à Ruthye. Supergirl se réveille en sursaut et les repousse avec sa vision thermique, avant de réclamer à boire mais Ruthye refuse qu'elle s'abreuve dans un lac voisin dont l'eau paraît suspecte.


Il faut attendre patiemment que le soleil se couche pour que Supergirl recouvre ses moyens. Un autre dinosaure vient. Le crépuscule permet à la kryptonienne de se rétablir et de tuer la bête, mais surtout de quitter cette planète avec Ruthye.

Cet épisode, on le jurerait, semble avoir été uniquement écrit par Tom King pour permettre à Bilquis Evely de se défouler en dessinant des dinosaures et un environnement sauvage et hostile, mis en valeur par les couleurs extraordinaires de Matheus Lopes.

Car, narrativement, ce chapitre interroge. Qu'a voulu exprimer Tom King en expédiant ses deux héroïnes sur un monde peuplé de monstres, écrasé par un soleil vert possiblement fatal pour Supergirl, et où Ruthye est livrée à elle-même ? On se le demande, et on n'est pas plus avancé au début qu'à la fin.

Ma théorie, qui vaut ce qu'elle vaut, est que, comme il en l'habitude, Tom King a été motivé par deux aspects : d'un côté, comme il aime à le faire dans toutes ses mini-séries, c'est l'occasion d'une déconstruction de son personnage principal, projeté dans un épisode où il est impuissant face au danger qui l'entoure et qui doit laisser un autre le protéger (ici, respectivement, Supergirl et Ruthye) ; et de l'autre, il s'agit de prouver que Krim des collines jaunes, le grand méchant de l'histoire, n'est pas qu'un simple tueur cruel mais un adversaire rusé, capable de réagir vite pour éloigner Supergirl en étant doté d'armes contre lesquelles elle ne peut rien (en l'occurrence un artefact magique).

Mais, sorti de là, on reste sur notre faim en termes d'avancée dramatique. L'épisode est prenant car on est mis dans la peau de Ruthye et face à des T-Rex effrayants, on n'en mène pas large. Du coup, on admire son courage malgré sa fébrilité légitime. Cependant, même ça ne tient pas la route car on savait déjà avant que la jeune fille avait du tempérament.

Est-ce à dire qu'il s'agit d'un épisode pour rien, d'un épisode en trop ? Oui, franchement. Je suis convaincu qu'au final on aurait pu le zapper sans que l'ensemble de la série en souffre. Le mois prochain, la quête de Supergirl et Ruthye va reprendre et leur affrontement contre Krem des collines jaunes s'approchera encore davantage. Quand Supergirl : Woman of Tomorrow s'achèvera en Février prochain, ce cinquième épisode paraîtra une escale superflue, ni plus, ni moins.

Toutefois, comme je l'écris plus haut, ce n'est pas désagréable pour autant. Parce que des escales dessinées comme ça, il y a pire comme façon de perdre son temps. Et si Tom King a voulu permettre à Bilquis Evely de se défouler avec des monstres et une fillette, alors c'est efficace.

Bilquis Evely a un tel talent pour composer des images mémorables, à la fois belles et terrifiantes, elle sait si bien traduire par le dessin les émotions, représenter des paysages insensés, mettre en scène des actions spectaculaires et appuyer sur "pause" qu'il est impossible de ne pas savourer son travail. Ses dinosaures sont fabuleux, la sensation de danger est palpable, Ruthye acquiert une autre dimension. C'est vraiment magnifique.

Et si c'est magnifique, c'est non seulement par ce trait de plume fin et parfois proche de la gravure que par la colorisation ahurissante de Matheus Lopes. Voilà quelqu'un qui transforme la planche en tableau sans pour autant marcher sur le dessin. Au contraire, il respecte absolument le graphisme et le magnifie. La palette vibre et la page irradie. Mais sans saturer le regard. C'est un magicien des couleurs, qui apporte une vraie plus-value, qui vous transporte réellement ailleurs. Parfois sur Twitter, Lopes poste des scans des planches de Evely en noir et blanc, et c'est déjà sublime. Mais ce qu'il y ajoute offre un bonus qui transforme le beau dessin en une image unique. Il faut une sacrée complicité entre l'artiste et le coloriste pour obtenir cela.

Alors, oui, légère déception. Mais spectacle assuré. Vivement le prochain numéro pour que l'intrigue reprenne ses droits.

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