MATTEO : PREMIER CYCLE rassemble en un seul volume l'EDITION INTEGRALE des deux premiers tomes des la série écrite et dessinée par Jean-Pierre Gibrat, publié en 2012 par Futuropolis.
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MATTEO : PREMIERE EPOQUE (1914-1915) est le premier tome de la série écrite et dessinée par Jean-Pierre Gibrat, publié en 2008 par Futuropolis.
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Première époque (1914-1915).
A Collioure, dans les Pyrénées, au début de la guerre de 14-18, après l'assassinat de Jean Jaurès, la France est sur le pied de guerre. Persuadés que le conflit sera rapidement réglé, les soldats partent sur le front, insouciants.
Mattéo, fils de réfugiés espagnols, dont le père était un anarchiste, se montre plus circonspect et affiche fièrement son antimilitarisme, ce qui a le don de déplaire à celle dont il est amoureux, la belle Juliette, qui, elle, est éprise de Guillaume De Brignac, fils de bonne famille, engagé dans l'aviation.
Echappant à la mobilisation grâce à ses origines, Mattéo en éprouve rapidement de la culpabilité car son meilleur ami, Paulin, souffre sur le théâtre des batailles et passe pour un lâche aux yeux de Juliette et des autres villageois.
Il décide alors de s'engager au même moment où Paulin revient, mutilé, et malgré les protestations de sa mère.
Mattéo découvre alors l'horreur de la guerre, des tranchées, le mépris affiché par les officiers qui envoient leurs hommes à une mort certaine. Après avoir été blessé, il est hospitalisé et fait connaissance avec une jeune et jolie infirmière, Amélie.
A la faveur d'une permission, il revient chez lui pour apprendre que Juliette a épousé Guillaume. Il noie son chagrin et son amertume avec Paulin, avec lequel il provoque une esclandre chez les De Brignac. La gendarmerie annule sa permission et le renvoie sur le front. Mais, Paulin le saoule pour, avec sa mère, le conduire en barque jusqu'en Espagne : Mattéo est dés lors un déserteur, qui, s'il est pris, sera condamné à mort par la France.
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MATTEO : DEUXIEME EPOQUE (1917-1918) est le deuxième tome de la série écrite et réalisée par Jean-Pierre Gibrat, publié en 2010 par Futuropolis.
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Deuxième époque (1917-1918).
Exilé en Espagne depuis deux ans, Mattéo rend régulièrement visite à sa mère à qui il annonce qu'il part en Russie avec Gervasio, ancien ami anarchiste de son père. Il fait également part de son projet à Juliette, en espérant qu'elle l'accompagnera car elle est désemparée depuis que Guillaume a été gravement blessé dans le crash de son avion.
A Petrograd (Saint-Petersbourg), Gervasio devient cuisinier et Mattéo photographe pour le compte des révolutionnaires. Mais la réalité de la situation est complexe car plusieurs factions se disputent le contrôle du pays : les bolcheviks (communistes), les socialistes révolutionnaires et les anarchistes. Le neveu de Gervasio, Dimitri, est un apparatchik qui partage son combat et son lit avec Léa, jeune femme aussi séduisante que radicale dans ses convictions et très ambitieuse. Mattéo et elle deviennent amants.
Lors d'une fusillade en ville, Gervasio est gravement blessé. Mattéo part en France pour récupérer des médicaments grâce à Amélie avec laquelle il est resté en contact. Léa ne tarde pas à le rejoindre et lui avoue, juste avant de regagner Petrograd, que Gervasio a succombé à ses blessures.
Ecoeuré et las, Mattéo décide de rentrer à Collioure où il retrouve Juliette désormais mère d'un garçon et veuve (Guillaume s'étant suicidé). Il se rend finalement aux gendarmes mais échappe au peloton d'exécution pour désertion, écopant d'une peine de vingt ans de travaux forcés.
Après avoir consacré deux sagas de deux tomes pour chacune à la seconde guerre mondiale (Le Sursis et Le Vol du corbeau), Jean-Pierre Gibrat remonte plus loin dans le temps en consacrant une nouvelle série avec, pour son premier Cycle, la première guerre comme cadre. Un troisième épisode, situé en 1936, est paru depuis et confirme que l'entreprise n'est pas terminée.
Comme à son habitude, c'est moins la reconstitution historique qui intéresse Gibrat que l'évocation d'une époque troublée et de la terrible guerre qui l'agite à travers le parcours d'un jeune homme qui le motive. De ce point de vue, certains pourront faire la fine bouche en déplorant que l'auteur ne sort pas vraiment de sa zone de confort. Mais ce serait une opinion sévère pour cette oeuvre sensible et puissante à la fois.
Mattéo parle d'abord du sort des réfugiés espagnols qui se sont installés en France au début du XXème siècle : fils d'un anarchiste, le héros vit avec sa mère, une femme qui cache derrière une attitude sévère son affection pour lui, et travaille dans les vignes de la riche famille locale, les De Brignac. Il aime Juliette, qui, elle, est amoureuse de Guillaume, le fils de ces notables, à la figure rendue encore plus brave depuis qu'il s'est engagé dans l'aviation militaire.
Cette petite histoire se mêle à la grande en s'ouvrant sur l'assassinat de la mort de Jean Jaurès (le 31 Juillet 1914), qui va entraîner l'entrée en guerre de la France dans le conflit mondial. Tout le monde croit alors que l'affaire sera rapidement réglée contre les allemands, à l'exception justement de Mattéo, dont les opinions anarchistes l'incitent à la prudence contrairement à son meilleur ami Paulin qui part la fleur au fusil se sacrifier pour l'honneur du pays.
Quand Gibrat envoie, après un enchaînement de désillusions (elle-mêmes premières d'une longue série), son héros sur le front, la violence barbare nous saute au visage avec la même force qu'à celui de Mattéo. Le procédé est simple mais fonctionne parfaitement et l'auteur prouve encore une fois combien il le maîtrise (c'est déjà ainsi que s'articulaient Le Sursis et Le Vol du corbeau).
Mais Gibrat n'écrase pas le lecteur avec l'horreur des combat, il nuance son propos d'un humour acide, à la verve énergique, grâce à des dialogues et une voix-off qui permettent d'introduire une distanciation salutaire. L'humanité dont cela irrigue le récit lui évite de sombrer dans le cours d'Histoire ou le pamphlet anti-militariste (même s'il n'y a aucun doute que l'auteur n'affiche aucune complaisance envers les officiers qui sacrifient leurs soldats, comme en témoigne son portrait de "Viande Dure", le commandant du régiment de Mattéo).
Les rebondissements s'enchaînent sur un rythme soutenu, Gibrat osant même quelques déviations (comme lorsque Mattéo se voit déjà abattu par un peloton d'exécution), et quand la première époque s'achève, tout est relancé, dans une direction inattendue, à la fois drôle et dramatique pour le héros.
Le tome 2 entraîne le récit en Russie mais demeure palpitant. Nous voilà plongé en pleine Révolution d'Octobre, mais sans que le romanesque n'enjolive la réalité. Au contraire, on découvre une situation très complexe que Gibrat ne détaille pas trop pour entretenir chez le lecteur le même sentiment de confusion que chez son héros : les querelles intestines et sanglantes entre bolcheviks, socialistes et anarchistes dans Petrograd enneigée donnent à voir l'ambiguïté de l'époque et les dérives qu'elles engendreront.
L'auteur créé une figure féminine charismatique comme il les affectionne avec Léa, jeune femme aussi séduisante (comme toutes les héroïnes de Gibrat) que radicale politiquement. Le mélange de charme et d'arrivisme qu'incarne ce personnage produit un double effet : on comprend pourquoi Mattéo s'en entiche tout en sachant qu'elle symbolise ce qu'il y a de plus redoutable chez les révolutionnaires. Une réflexion du héros résumera bien cette impression : "la Révolution, c'est la guerre avec des prétentions d'idées".
Au terme de ce premier Cycle, Gibrat choisit un dénouement moins tragique que celui du Sursis, plus dans la veine de celui du Vol du corbeau. Cela ouvre la voie à une troisième époque donc tout en conservant le réalisme de l'histoire puisque Mattéo paie un prix élevé pour sa conduite. Un équilibre délicat, magistralement opéré.
Visuellement, même si c'est difficile à croire après les sommets atteints par ses deux précédentes sagas, cette nouvelle série est encore plus somptueuse : Claude Gendrot, l'éditeur de Futuropolis, révèle, dans les bonus attachés au second tome, une partie de la technique atypique adoptée par le dessinateur.
Gibrat signe ses planches en les crayonnant de manière poussée puis en les colorisant directement à l'aquarelle sur une table lumineuse, avec un encrage léger effectué au... Stylo Bic ! Le résultat est prodigieux, d'une finesse incroyable. Le trait fabuleusement expressif de l'artiste est rendu encore plus prononcé et délicat à la fois, par la grâce d'une palette aux nuances superbes.
Il faut admirer des pages représentant les paysages des Pyrénées dans toute leur flamboyance, puis le théâtre des combats dans la Somme avec des dégradés de gris déchirés par les éclats d'obus et le feu des canons, et puis le séjour à Petrograd avec ses immeubles marrons et ses chaussées enneigées, et enfin le passage à Paris dont les rues grouillent d'une vie indifférente à la proximité de la guerre finissante.
Jean-Pierre Gibrat s'impose une nouvelle fois comme un des grands maîtres de la bande dessinée franco-belge avec ce nouveau titre, dont la sensibilité narrative n'a d'égale que l'ampleur graphique. C'est fort, c'est beau : un "instant classic" comme disent les anglo-saxons.
Comme à son habitude, c'est moins la reconstitution historique qui intéresse Gibrat que l'évocation d'une époque troublée et de la terrible guerre qui l'agite à travers le parcours d'un jeune homme qui le motive. De ce point de vue, certains pourront faire la fine bouche en déplorant que l'auteur ne sort pas vraiment de sa zone de confort. Mais ce serait une opinion sévère pour cette oeuvre sensible et puissante à la fois.
Mattéo parle d'abord du sort des réfugiés espagnols qui se sont installés en France au début du XXème siècle : fils d'un anarchiste, le héros vit avec sa mère, une femme qui cache derrière une attitude sévère son affection pour lui, et travaille dans les vignes de la riche famille locale, les De Brignac. Il aime Juliette, qui, elle, est amoureuse de Guillaume, le fils de ces notables, à la figure rendue encore plus brave depuis qu'il s'est engagé dans l'aviation militaire.
Cette petite histoire se mêle à la grande en s'ouvrant sur l'assassinat de la mort de Jean Jaurès (le 31 Juillet 1914), qui va entraîner l'entrée en guerre de la France dans le conflit mondial. Tout le monde croit alors que l'affaire sera rapidement réglée contre les allemands, à l'exception justement de Mattéo, dont les opinions anarchistes l'incitent à la prudence contrairement à son meilleur ami Paulin qui part la fleur au fusil se sacrifier pour l'honneur du pays.
Quand Gibrat envoie, après un enchaînement de désillusions (elle-mêmes premières d'une longue série), son héros sur le front, la violence barbare nous saute au visage avec la même force qu'à celui de Mattéo. Le procédé est simple mais fonctionne parfaitement et l'auteur prouve encore une fois combien il le maîtrise (c'est déjà ainsi que s'articulaient Le Sursis et Le Vol du corbeau).
Mais Gibrat n'écrase pas le lecteur avec l'horreur des combat, il nuance son propos d'un humour acide, à la verve énergique, grâce à des dialogues et une voix-off qui permettent d'introduire une distanciation salutaire. L'humanité dont cela irrigue le récit lui évite de sombrer dans le cours d'Histoire ou le pamphlet anti-militariste (même s'il n'y a aucun doute que l'auteur n'affiche aucune complaisance envers les officiers qui sacrifient leurs soldats, comme en témoigne son portrait de "Viande Dure", le commandant du régiment de Mattéo).
Les rebondissements s'enchaînent sur un rythme soutenu, Gibrat osant même quelques déviations (comme lorsque Mattéo se voit déjà abattu par un peloton d'exécution), et quand la première époque s'achève, tout est relancé, dans une direction inattendue, à la fois drôle et dramatique pour le héros.
Le tome 2 entraîne le récit en Russie mais demeure palpitant. Nous voilà plongé en pleine Révolution d'Octobre, mais sans que le romanesque n'enjolive la réalité. Au contraire, on découvre une situation très complexe que Gibrat ne détaille pas trop pour entretenir chez le lecteur le même sentiment de confusion que chez son héros : les querelles intestines et sanglantes entre bolcheviks, socialistes et anarchistes dans Petrograd enneigée donnent à voir l'ambiguïté de l'époque et les dérives qu'elles engendreront.
L'auteur créé une figure féminine charismatique comme il les affectionne avec Léa, jeune femme aussi séduisante (comme toutes les héroïnes de Gibrat) que radicale politiquement. Le mélange de charme et d'arrivisme qu'incarne ce personnage produit un double effet : on comprend pourquoi Mattéo s'en entiche tout en sachant qu'elle symbolise ce qu'il y a de plus redoutable chez les révolutionnaires. Une réflexion du héros résumera bien cette impression : "la Révolution, c'est la guerre avec des prétentions d'idées".
Au terme de ce premier Cycle, Gibrat choisit un dénouement moins tragique que celui du Sursis, plus dans la veine de celui du Vol du corbeau. Cela ouvre la voie à une troisième époque donc tout en conservant le réalisme de l'histoire puisque Mattéo paie un prix élevé pour sa conduite. Un équilibre délicat, magistralement opéré.
Visuellement, même si c'est difficile à croire après les sommets atteints par ses deux précédentes sagas, cette nouvelle série est encore plus somptueuse : Claude Gendrot, l'éditeur de Futuropolis, révèle, dans les bonus attachés au second tome, une partie de la technique atypique adoptée par le dessinateur.
Gibrat signe ses planches en les crayonnant de manière poussée puis en les colorisant directement à l'aquarelle sur une table lumineuse, avec un encrage léger effectué au... Stylo Bic ! Le résultat est prodigieux, d'une finesse incroyable. Le trait fabuleusement expressif de l'artiste est rendu encore plus prononcé et délicat à la fois, par la grâce d'une palette aux nuances superbes.
Il faut admirer des pages représentant les paysages des Pyrénées dans toute leur flamboyance, puis le théâtre des combats dans la Somme avec des dégradés de gris déchirés par les éclats d'obus et le feu des canons, et puis le séjour à Petrograd avec ses immeubles marrons et ses chaussées enneigées, et enfin le passage à Paris dont les rues grouillent d'une vie indifférente à la proximité de la guerre finissante.
Jean-Pierre Gibrat s'impose une nouvelle fois comme un des grands maîtres de la bande dessinée franco-belge avec ce nouveau titre, dont la sensibilité narrative n'a d'égale que l'ampleur graphique. C'est fort, c'est beau : un "instant classic" comme disent les anglo-saxons.
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