vendredi 9 décembre 2022

X-MEN : RED #9, de Al Ewing et Stefano Caselli


Quoiqu'il arive en 2023, il restera la satisfaction intense d'avoir suivi X-Men : Red depuis neuf mois, aisément la meilleure série attachée à l'univers mutant actuellement. Al Ewing est un scénariste prodigieux sur ce titre et il le prouve une nouvelle fois. Quant à Stefano Caselli, son retour est rien moins que tonitruant. (Et quelle couverture de ouf de Russell Dauterman !)


Magneto ayant refusé qu'on le ressucite, Cyclope et le Pr. Xavier décident de faire revenir parmi eux Vulcain, autre mutant oméga, malgré l'avis contraire de Havok.


Ils vont regretter leur choix car, manipulé par Abigail Brand et Mentallo, Vulcain réclame le trône Shi'ar qu'il occupa jadis, et n'hésite pas pour en déloger Xandra à affronter ceux qui la protègent.
 

Pendant ce temps, l'équipe de Cable a découvert à quel point Brand manigançait contre Krakoa et Arakko, avec Orbis Stellaris. Celui-ci réplique sévèrement contre les ex du SWORD.


Vulcain découvre qu'il a été dupé par Warbird et surtout Sunspot. Furieux, il part débusquer Xandra dans le seul endroit sur Arakko où elle a pu être cachée...

Cette semaine, j'ai décidé d'arrêter d'écrire sur Immortal X-Men après avoir lu le neuvième épisode de cette série tellement il m'a horripilé (je n'en peux plus de la fixette sur Mr. Sinistre par Kieron Gillen et par conséquent je ne lirai pas Sins of Sinister, le prochain event mutant au centre duquel le personnage se trouve). 

Sins of Sinister va hélas ! impliquer des séries que je lis et chronique ici comme X-Men : Red, tandis que le crossover Dark Web va lui concerner X-Men (et Amazing Spider-Man). New Mutants semble être annulé puisque le titre n'est pas sollicité en Janvier 2023 (Rod Reis a déjà annoncé qu'il ne reviendrait pas sur le titre de toute façon).

Conclusion : plus rien (ou presque : il ne restera que la fin de X-Terminators) à lire côté mutants au début de l'année prochaine. L'ère Hickman est bel et bien révolue, quand l'architecte du renouveau X avait établi une sorte de protectorat autour des séries de la franchise, évitant à ses personnages de se mélanger au reste de l'univers Marvel. Les digues ont sauté et désormais on voit Wolverine (Logan) et Magik être utilisés dans d'autres titres non mutants.

C'était prévisible : personne n'a l'autorité d'Hickman parmi les auteurs de titres mutants et Marvel n'a pas voulu le remplacer comme "Head of X". Jordan White semble beaucoup aimer Kieron Gillen et C.B. Cebuslki aussi, pour lui confier un autre event (Sins of Sinister donc) juste après Judgment Day. Mais je pense qu'ils se trompent de cheval.

Car, pour moi, le seul à avoir la carrure d'un patron, c'est bien Al Ewing. C'est curieux car jusqu'à présent je n'avais jamais vraiment prêté attention à son travail : je n'ai pas suivi son Immortal Hulk, acclamé, par exemple. Mais j'avais apprécié S.W.O.R.D. et surtout la façon dont il s'en est servi pour aboutir à X-Men : Red, série d'un tout autre calibre, follement ambitieuse et maîtrisée.

Alors que X-Men de Gerry Duggan reste plutôt basique et classique mais efficace, Ewing voit grand et l'assume. Il a fait par ailleurs preuve d'ingéniosité en s'occupant non pas d'une énième série basée sur Krakoa mais en s'exilant dans l'espace, d'abord avec SWORD, et maintenant sur Arakko avec X-Men : Red. Il en a fait son territoire, son pré carré, l'endroit où il est sûr que personne ne viendra l'embêter - ou presque, puisque, donc, Gillen a embarqué dans son pénible délire Sinistre X-Men : Red (qui sera rebaptisé pour l'occasion Storm & the Brotherhood of Mutants) et Legion of X de Si Spurrier (qui sera retitré Nightcrawlers).

Mais depuis neuf mois, Ewing a protégé X-Men : Red, même quand il a suivi la marche de Judgment Day à l'occasion duquel il a orchestré de fameux morceaux de bravoure et tué Magneto. Le génie de Ewing, c'est aussi de faire son miel de ce qu'il ne créé pas : en réalité, on retiendra davantage ce qui s'est passé dans les pages de sa série que dans tout l'event de Gillen (qui a diverti spectaculairement avant de se ramasser dans son ultime étape).

Ewing a la mentalité de l'architecte et s'il était la nouvelle "Head of X", nul doute que la franchise n'aurait pas à subir les traitements de Benjamin Percy (qui s'acharne toujours sur le Fauve) et les obsessions de Gillen. Mais peut-être ne veut-il pas coiffer cette casquette de général et préfére-t-il plus sagement rester sur Arakko, autour de laquelle il bâtit une fascinante saga politique. Plus forte, plus fine aussi, que tous les events et crossovers.

Ce neuvième épisode est un nouveau sommet et en fait c'est comme si la série s'employait à ne jamais baisser en intensité, à toujours maintenir la pression, à ne jamais décevoir son lecteur. Ewing est parti sur une histoire complexe et au long cours et n'a pas le droit de flancher, d'être simplement bon : il s'est condamné à l'excellence. Et parce qu'il est exigeant et talentueux, il nous ravit avec ce réseau d'intrigues, de personnages, tordus, machiavéliques, flamboyants.

Vulcain est le jouet de longue date d'Abigail Brand, grâce à Mentallo, mais aussi Orbis Stellaris. Il est sur le point de reprendre le trône des Shi'ar qu'il avait conquis durant les sagas cosmiques écrites apr Dan Abnett et Andy Lanning (War of Kings surtout) et initiées par le run de Ed Brubaker sur Uncanny X-Men (à partir de Deadly Genesis, puis The Rise and Fall of the Shi'ar Empire). Ewing a minutieusement, patiemment construit la conspiration de Brand en en faisant une Nick Fury au féminin avec des visées géo-stratégiques à l'échelle de la galaxie. Tout cela est désormais arrivé à ébullition et Vulcain l'illustre royalement.

Ressucité à la place de Magneto (qui avait exprimé la volonté de ne pas être ramené à la vie pour épouser la philosophie arakki) après avoir été tué par l'Eternel Uranos, Vulcain devait, pour Charles Xavier et Cyclope, malgré les doutes de Havok, remplacer Erik Lensherr comme mutant oméga sur Arakko. Les mutants de Krakoa ignoraient bien entendu que 1/ Vulcain avait été ramené à la vie une première fois par des aliens (depuis capturés par Orbis Stellaris) qui l'avaient transformé en bombe à retardement, et 2/ Brand l'avait instrumentalisé depuis des mois avec l'aide de Mentallo.

Mais le récit est un trompe-l'oeil magistral et dévoile un tacticien aussi retors que Brand en la personne de Sunspot. Petit rappel : 


Ceci était une couverture variante de Powers of X #6 par Guiseppe Camuncoli. A l'époque où cette image a été diffusée, pas grand-monde n'y a prêté attention, pensant qu'il s'agissait juste d'un dessin de plus pour illustrer le dernier épisode de la mini-série. Mais les plus curieux s'étaient demandé si Hickman n'annonçait pas quelque chose, surtout quand après ils surent que le scénariste allait écrire un arc de New Mutants avec Sunspot, qui était un de ses mutants favoris (il avait fait partie de ses Avengers).

Que pouvait bien alors signifer Roberto da Costa sur le trône Shi'ar avec Xandra l'impératrice et Gladiator agenouillés devant lui ? Finalement, Hickman n'en a rien fait quand il a écrit New Mutants ni ensuite dans X-Men. Mais il se trouve que Al Ewing adore aussi Sunspot (il était le leader de ses New Avengers). Et sans doute que cette variant cover l'a fait cogiter.

On n'en est pas encore arrivé à Sunspot empereur, mais disons que cet épisode de X-Men : Red établit une passerelle dans cette direction, d'autant que Hickman, par contre, avait amorcé une romance, sur un ton assez humoristique, entre Roberto da Costa et Warbird, la préceptrice de Xandra, et que, ce mois-ci, Xandra doit une fière chandelle à Roberto.

Cette façon d'intégrer des éléments, a priori insignifiants ou à peine considérés par ses prédécesseurs, mais aussi de reprendre à son compte des pistes narratives issus de précédents travaux de sa part (comme des mentions à Empyre dans l'épisode du mois dernier), c'est aussi ça, le génie de Ewing. Rien ne se perd, tout se transforme dans ce recyclage inspiré. Zéro déchet. Mais jubilation totale à lire ce qui en ressort. L'intemède avec l'équipe de Cable contre Orbis Stellaris, au centre de ce numéro, passerait presque pour une étape secondaire alors qu'elle fait partie de l'ensemble, offrant au lecteur un parallèle tout aussi tendu entre ce qui se passe avec Vulcain et ce qu'affrontent Cable et son gang.

Pour ne rien gâcher, Stefano Caselli nous fait la grâce de revenir sur la série au moment le plus brûlant. Suppléé remarquablement (par Madibek Musenbekov), l'artiste italien ramène son trait puissant pour ce chapitre incandescent.

Il nous gratifie, en miroir, au début et à la fin, de deux pages où justement deux personnages s'imposent en majesté dans les flammes, mais ce n'est pas exactement au début ni exactement à la fin. Entre temps, l'action domine et le combat que livre Vulcain contre Nova, Frenzy, Paibok et Gladiator est vraiment exceptionnel. Caselli découpe ça de manière rigoureuse, avec des cases de dimensions raisonnables, préférant imposer un rythme soutenu que de proposer des grandes vignettes ou même des splash-pages.

Il se défoule davantage avec le passage concernant l'équipe de Cable, gratifiant le lecteur, d'une double-page électrisante, formidablement composée. les seules trois pleines pages sont celles de la résurrection de Vulcain, de l'apparition de Sunspot (voir-ci-dessous) et la toute dernière de l'épisode, révélant... Non, je ne vous le dirais pas. Mais sachez simplement qu'on va avoir droit à un putain d'affrontement dans le #10 !

Les couleurs de Federico Blee jouent aussi un rôle déterminant dans cet épisode où les pages semblent vous sauter au visage par leur expressivité, leur dynamisme, leur ambiance.

Immense série, la meilleure que vous puissiez lire dans la collection mutante actuelle. De quoi vraiment enrager qu'elle soit perturbée dans les prochains mois.

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