J'avais gardé ce dernier numéro de la mini-série The Variants sous le coude puisque, cette semaine, je n'ai acheté qu'une nouveauté (Danger Street). Gail Simone et Phil Noto concluent leur histoire sans éclat. Ce n'est pas honteux non plus. Mais ça pose des questions...
Pour ne pas trop vous spoiler, au cas où vous seriez quand même tentés, quand cette mini-série sera traduite en France, disons tout simplement que le souci de ce dénouement concerne le mobile du méchant, franchement pathétique.
Il y avait bien un variant de Jessica Jones qui n'était pas fiable et c'est Jewel, le plus jeune d'entre eux. Franchement Gail Simone déçoit énormément au moment de révéler ce qui a motivé ses actions et le lecteur a du mal à ne pas se sentier floué.
Les amateurs de happy end ne doivent pas être inquiets : tout est bien qui se finit bien. Au rayon des points positifs, on notera Gail Simone semble avoir clos pour un bon moment la relation toxique entre Jessica Jones et l'Homme Pourpre, même si elle utilisé ce dernier dans son récit.
L'autre bon point, c'est d'avoir impliqué une héroîne comme Jessica Jones, plutôt street-level donc, dans une intrigue à base de multivers, de variants, et ce, sans que cela ne soit trop incongru. La scénariste a fait preuve d'originalité et prouvé qu'on pouvait employer Jessica dans un autre registre que la detective story.
Enfin, il faut saluer la prestation irréprochable de Phil Noto au dessin et aux couleurs. Même si la mini-série a connu quelques retards sur la fin (sans un mot d'explication de Marvel pour qui communiquer sur ce sujet semble être tabou alors que les lecteurs apprécieraient, j'en suis sûr, de savoir), l'artiste s'est approprié sans difficulté les personnages et cette intrigue curieuse.
Noto n'est pas le dessinateur le plus dymanique qui soit et Simone joue avec ça en coupant court à la traditionnelle scène de baston finale qu'elle désamorce habilement. Noto est plus à son avantage pour saisir les émotions des personnages et livrer des planches lisibles, sobres et intelligentes. Son humilité a quelque chose de reposant dans un milieu où nombre de ses confrères n'arrive qu'à briller en voulant en mettre plein la vue.
J'ai toujours apprécié Noto et je persiste à croire qu'il n'a pas le crédit qu'il mérite. Sa productivité, son professionnalisme, sa capacité d'adaptation sont exemplaires et The Variants l'a encore prouvé.
Mais...
Mais ce projet pose tout de même un nombre conséquent de questions. La première et la plus importante dépasse presque Jessica Jones puisqu'elle concerne les créations laissées par Brian Michael Bendis à Marvel et de manière plus globale la gestion des personnages qu'il avait contribués à (re)mettre dans la lumière.
Miles Moralés/Spider-Man vient de voir sa série relaunchée (par Cody Ziglar et Federico Vicentini) en récupérant au passage son costume original (remplacé par un uniforme streetwear d'un goût douteux durant une partie du run de Saladin Ahmed). Luke Cage, bien qu'il soit devenu le maire de New York et apparaisse dans The Variants, comme Iron Fist (Danny Rand remplacé dernièrement - provisoirement ? - par un nouveau porteur du titre), et donc Jessica Jones font de la figuration ou n'ont droit qu'à des mini-séries.
C'est comme si Marvel ne savait pas quoi faire d'eux. Il est loin le temps de la famille des New Avengers, série pour laquelle je conserverai toujours une infinie affection car elle m'a fait revenir aux comics Marvel. On en pensait ce qu'on en voulait (et Dieu sait que des fans des Avengers manifestèrent bruyamment leur déplaisir à lire ce run), mais Bendis proposait quelque chose d'unique, avec des héros qui n'étaient pas des vedettes (même si Wolverine et Peter Parker/Spider-Man étaient invités). Et le titre vendait bien malgré ça.
Jessica Jones a été co-créée par Bendis et Michael Gaydos et c'est certainement le personnage le plus emblématique du scénariste qui l'avait d'abord animé dans une série réservée aux mature readers, puis transférée dans New Avengers car il y avait incorporé Luke Cage, devenu son compagnon et père de leur fille. Curieusement, Bendis a peu mis en avant sa propre créature dans New Avengers, plus occupée à s'occuper de Dani sa fille qu'à reprendre sa carrière de super-héroïne (même si à un moment il avait semblé préparer le terrain à son retour en tant que Jewel).
Bendis parti pour DC (où il s'est fait copieusement entuber...), Jessica Jones est passée entre les mains de femmes scénaristes comme Kelly Thompson et Gail Simone, selon l'habitude prise par l'éditeur de confier des femmes aux femmes, des noirs aux noirs, etc. Mais en fin de compte ni Thompson ni Simone n'ont fait grand-chose avec Jessica Jones, limitée à des séries... Limitées.
De manière générale, les street-level heroes ne sont pas à la fête chez Marvel (exception des Spider-Men et de Daredevil - si vous aimez ce qu'en font Zeb Wells et Chip Zdarsky, ce qui n'est pas mon cas). L'éditeur, encore une fois, ne semble pas quoi en faire, préférant miser sur les team-books avec une large voilure comme Avengers et X-Men. On peut rattacher aux street-level heroes des personnages comme Captain America ou Moon Knight, mais le premier transcende cette définition et le second reste un outsider (et là encore, je n'ai pas accroché aux offres faites par Collin Kelly et Jackson Lanzing et Jed Mackay).
Bendis ne reviendra pas chez Marvel, il l'a dit et l'éditeur ne semble pas vouloir le rapatrier. Le scénariste tire des cartouches dans l'indifférence générale chez Dark Horse où il a emmené ses créations du label Jinxworld et lancé des titres comme le navrant The Ones. Sans doute se moque-t-il bien de tout ça, lui qui a fait fortune et n'a plus rien à prouver, ne désirant visiblement plus que se faire plaisir, sans pression, loin des Big Two. Mais ne pense-t-il pas parfois, avec regret, à ce qu'il a accompli chez Marvel et qui est si mal entretenu ?
La nostalgie m'étreint, et c'est peut-être le sentiment le plus prégnant à la fin de The Variants : celui d'avoir lu quelque chose en espérant renouer avec un personnage attaché à une période, un auteur que j'ai tant aimé. J'aurai finalement mieux fait de ne pas succomber à la tentation. L'esprit Bendis chez Marvel n'est plus et même une détective comme Jessica Jones ne le e retrouvera pas ni ne le ranimera pas.
1 commentaire:
"Bendis parti pour DC (où il s'est fait copieusement entuber...)"
C'est marrant mais pour moi c'est l'inverse. C'est surtout DC qui c'est fait avoir par Bendis. Au final il a pris des idées polémiques auprès du lectorat qui n'a pas adhéré, à partir d'Infinite Frontier, il été en roue libre dans ses scénarios...
Bref il n'a pas été un bon cheval sur lequel miser. Le pire, c'est que DC a préféré choisir lui que Hickman quand il en avait l'occasion X)
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