vendredi 23 décembre 2022

NAMOR THE SUB-MARINER #3, de Christopher Cantwell et Pasqual Ferry


L'odyssée futuriste de Namor the Sub-Mariner par Christopher Cantwell et Pasqual Ferry est décidément une franche réussite. Pour qui est fan du héros, c'est même une bénédiction car rarement ces dernières années il aura été si bien traité. Le scénario réserve cette fois-ci encore des surprises et visuellement c'est tout simplement magnifique.


Alors que Eudora, la scientifique atlante, tente de reconstituer l'ADN de Jim Hammond, elle est enlevée par un androïde. Au même moment, Namor et Luke Cage atteignent la Latvérie désertée par Dr. Fatalis.


Accueillis et escortés par des Fatalibots, les deux hommes cherchent des indices sur la Torche Humaine et découvrent dans les sous-sols du château des survivants humains et leurs enfants.


Ceux-ci sont sous la protection de Egad le mort-vivant, créature de Fatalis, qui engage le combat avec Namor qu'il accuse de vouloir tuer les enfants. La bataille dégénère mais Namor calme son adversaire.


Eudora réussit à échapper à son ravisseur et contacte Namor, convaincu que Jim Hammond prépare un mauvais coup, même si Egad et Luke Cage sont plus réservés...

J'ai souvent été déçu ces derniers temps par les mini-séries produites par Marvel qui ressemblent plus pour moi à des moyens de garder dans l'actualité des personnages par ailleurs absents de titres popualires. Je compare fréquemment les ambitions de l'éditeur en la matière avec ce que réussit à faire DC et son Black Label, autrement plus ambitieux et abouti.

Mais Namor The Sub-Mariner : Conquered Shores de Christopher Cantwell pourrait bien marquer un tournant et inspirer de futurs projets et donc Marvel à être plus audacieux. Car si Namor est actuellement présent dans les pages de Avengers par Jason Aaron, il reste mal écrit par beaucoup, qui se satisfont de le décrire comme un vilain colérique, seulement sauvé par son amitié avec Captain America.

Par le passé, John Byrne par exemple avait écrit un run resté dans les mémoires de ceux qui l'ont lu et qui faisait honneur au prince des mers. James Robinson et Steve Pugh dans leur relance des Invaders l'animèrent aussi avec application. Et puis il y eut le superbe Namor : Voyage au fond des mers de Peter Milligan et Esad Ribic. Maigre bilan malgré tout pour le personnage imaginé par Bill Everett en 1939.

Christopher Cantwell a eu une riche idée en déplaçant l'action de son récit dans le futur car cela lui permettait d'appréhender Namor sans avoir à tenir compte de ce qui en a été fait récemment, de faire en somme table rase du passé. C'est un peu un "Old Man Namor" qu'on trouve dans les pages de Conquered Shores, moins impulsif, moins arrogant, et plus sage, presque repenti.

Namor n'a pas perdu sa morgue ni sa majesté, mais son périple en compagnie de Luke Cage fait irrésistiblement penser à Ulysse dans L'Odyssée de Homère. Son voyage s'apparente à une initiation tardive, celle d'un roi déchu en quête de réconciliation avec les gens de la surface qu'il a si souvent pris pour ennemi.

Ce troisième épisode souligne avec à-propos ce à quoi il doit faire face quand on lui rappelle sans cesse, Luke Cage le premier, à quel point son attitude hautaine et agressive a abouti à une méfiance éternelle à son égard. Même maintenant qu'il a abandonné son trône au profit de sa cousine et tente de s'imposer comme un protecteur de tous les rescapés d'une attaque kree qui a envoyé tous les super-héros dans l'espace, Namor doit persuader tous ceux qu'il croise qu'il a changé, mûri, appris de ses erreurs.

Dans cette étape qui le mène avec Cage en Latvérie, il est rappelé à ses alliances ponctuelles avec le Dr. Fatalis et à sa réputation de conquérant aux méthodes expéditives quand Egad le mort-vivant l'accuse de vouloir tuer des enfants qu'il a mis à l'abri dans les sous-sols du château. En parallèle, Cantwell met en scène l'enlèvement de Eudora, la scientifique atlante, par un androïde mais souffle chaud et le froid à ce sujet. Comme Namor, on devient sûr que Jim Hammond prépare un vilain coup avec les machines. Mais la voix de Cage nuance cela quand il s'agit de questionner le mobile de cette attaque. La dernière page nous plonge encore plus dans la perplexité.

Le script, nuancé donc et malin aussi, est magnifiquement mis en image par Pasqual Ferry qui revient en très grande forme - et ce retour semble se faire sur la durée puisque le dessinateur espagnol va enchaîner ensuite avec le relaunch de Docto. Strange (écrit par Jed MacKay, à partir de Mars 2023).

Ferry était fait pour dessiner Namor à qui il donne cette allure altière sans forcer. L'époque futuriste lui a permis de le vieillir légèrement en lui donnant des tempes blanches (comme son rival Mr. Fantastic) mais aussi un vêtement en rapport avec une régression de ses pouvoirs, sous la forme d'une armure. Ainsi, Namor ressemble à un chevalier revenant de la guerre, comme Ulysse ou un membre de la Table Ronde.

Surtout, Ferry respecte la physionomie du personnage, loin de son incarnation dans le MCU (où le personnage est devenu mézo-américain, un choix qui ne cesse de m'interroger alors qu'à tout prendre j'aurai davantage vu Namor campé par un asiatique comme le suggère ses yeux en amande). Il le représente ni trop grand ni trop musclé, svelte, ce qui apporte un contraste intéressant avec le plus massif Luke Cage ou le très grand Egad.

Tout cela évoulue dans des décors auxquels le dessinateur ibérique avec le coloriste Matt Hollingsworth insufflent un côté hanté, désolé sans être post-apocalyptique. Ces "rivages conquis" comme l'indiquent le sous-titre de la mini-série sont surtout ceux d'une Terre délaissée, déserté, où ceux qui sont restés vivent comme dans d'ultimes refuges et dans un dénuement poignant.

Si seulement Marvel avait l'idée de confier à Cantwell une série régulière dans le présent sur Namor, avec un artiste d'une classe équivalente à celle de Ferry, ce serait idéal. Mais en attendant cela, cette production a de quoi combler les fans du prince des mers.

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