Nous voici à la moitié de la mini-série écrite par John Ridley et dessinée par Stefano Raffaele et il était donc temps de se pencher sur la situation de la nouvelle commissaire du G.C.P.D., Renee Montoya. La couverture ne ment pas : il y a aussi Harvey Dent/Double-Face. Mais les auteurs réussissent à éviter l'écueil de réduire leur héroïne à son passé traumatique avec le criminel. Sans oublier les recrues introduites précédemment.
Les ordres passés par Renee Montoya de procéder à une surveillance accrue de Double-Face passent mal auprès de ses collègues qui lui reprochent son obsession pour le criminel.
De son côté, l'agent Ortega consulte un avocat dans l'idée d'engager des poursuites contre ses collègues racistes. Mais le conseil lui demande de réfléchir avant de se mettre à dos son service.
Le rapport sur les activités de Double-Face confirme qu'il suit scrupuleusement son programme de réhabilitation. Pourtant, Montoya s'entête et assigne un officier à sa filature.
Tandis que l'agent Park se voit offrir d'intégrer la brigade scientifique, Montoya est abordée par Double-Face qui s'excuse pour ce qu'il lui a fait et jure qu'il veut se racheter...
G.C.P.D. : The Blue Wall est une drôle de mini-série. Je vous avoue volontiers que à chaque nouveau numéro je ne suis pas super motivé à l'idée de la lire, surtout une semaine comme celle-ci où, en plus de préparer les fêtes de Noël, d'autres comics de très bonne qualité m'attendent.
Et puis, et c'est assez rare pour être signalé, je lis l'épisode et je suis bien forcé d'admettre que mes réserves sont infondées, que c'est une mini-série qui vaut vraiment la peine, qui est très bien écrite et dessinée. Alors, oui, elle souffre de la concurrence et DC ne la prolongera certainement pas pour en faire le vrai successeur du mythique Gotham Central, mais c'est une réussite indéniable.
On distingue souvent les séries story-driven et character-driven. G.C.P.D. : The Blue Wall appartient à la seconde catégorie. Chaque épisode a bien un fil rouge (Harvey Dent/Double-Face prépare-t-il un mauvais coup ?), mais John Ridley laisse planer le doute au point de vraiment reléguer cette partie de la série à l'arrière-plan. Ce qui compte pour l'auteur et doit captiver le lecteur, ce sont bien les personnages.
Ridley a fait le pari, risqué, de ne pas faire apparaître du tout Batman dans cette histoire se déroulant à Gotham. Pire (ou mieux, c'est selon) : il a bâti son projet sur des personnages inédits, inconnus, jeunes, qu'on ne reverra sans doute jamais autre part. Le seul point de repère dont on dispose est Renee Montoya, devenue commissaire principale de la police de Gotham après le départ de Jim Gordon, et même elle, ce n'est pas une vedette (bien qu'elle soit familière aux lecteurs assidus de DC).
Comptant six épisodes, il était logique que la série ait un épisode dédiée à Montoya, surtout après les événements dramatiques survenus le mois dernier (un braquage qui a mal tourné pour un ancien détenu sous la responsabilité de l'agent Wells, braquage dont Double-Face est soupçonné d'être le commanditaire). Montoya, qui reste hantée par son enlévement par Harvey Dent (à l'époque de Gotham Central), est convaincue qu'il est bien à la manoeuvre et veut le coffrer.
Elle ordonne donc à ses hommes de le surveiller. Dent est sorti de prison et suit un programme de réhabilitation, qu'il suit scrupuleusement. Rien à signaler. Mais Montoya n'y croit pas. Et s'entête, malgré le rapport de surveillance, l'avis d'un collègue. Tout va culminer dans un dialogue étrangément dépassionné entre la flic et le malfrat, dans une ruelle sombre. John Ridley signe une scène intense, électrique, et en même temps curieusement diminuendo, où il est question de regret, de repentir, de doute aussi (Dent admet qu'il peut replonger). Mais surtout on retient les excuses de Dent et sa conviction que Montoya reste obsédée par lui.
C'est brillant et sobre à la fois, Montoya est très bien dépeinte, et Double-Face parfaitement saisi dans cette attitude lucide et affligée. L'affliction, c'est aussi le sentiment qui touche l'agent Ortega, une des trois recrues du G.C.P.D. qu'on apprend à connaître dans cette mini-série et qui doit faire face au racisme de collègues policiers. Refusant de subir, il est prêt à porter plainte mais l'avocat à qui il s'adresse le met en garde car il s'engagera alors dans un conflit avec tout le service. Et même si les coupables sont condamnés, sa réputation à lui sera irrévocablement atteinte.
Le cas de conscience d'Ortega trouve lui aussi son point culminant dans une scène avec Montoya qui, par le passé, a dû faire face à des railleries sur son homosexualité. Elle a réglé ses comptes sans passer par une procédure judiciaire, prouvé qu'elle savait encaisser et s'est endurcie tout en gagnant le respect de ses pairs. Mais on retient le désarroi, la confusion du jeune Danny Ortega, qui décide de transiger autrement, en consignant désormais tous les propos et actes déplacés à son encontre.
La série bénéficie d'un dessinateur remarquable qui, normalement, devrait gagner du crédit chez DC pour sa prestation. Stefano Raffaele est un artiste impeccable pour ce genre de projet car il est naturellement à l'aise pour animer des scènes de dialogues.
Son découpage est simple, il ne souffre pas d'excentricité inutile, il sert le script. Parce qu'il capte parfaitement les émotions sur les visages, fait bouger ses personnages avec naturel, de manière là aussi à correspondre à leur personnalité (le dos voûté de Ortega, l'économie de gestes traduisant la détermination de Montoya), c'est un excellent choix pour un tel scénario.
Cet épisode est son meilleur, car l'action spectaculaire est absente et on a vu précédemment qu'il était maladroit encore pour cadrer ce genre de mouvements. Mais Raffaele a du potentiel, et s'il travaille sérieusement (et que les editors savent où le placer), nul doute qu'il s'améliorera. C'est juste dommage que la colorisation toujours monotone de Brad Anderson ne lui convienne pas.
En tout cas, si, le moment venu, Urban Comics traduit ce titre, vous pourrez investir quelques Euros pour son recueil car c'est de la belle ouvrage et que G.C.P.D. : The Blue Wall gagne à être lu.
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