Et rideau sur une des meilleures mini-séries de l'année 2022 ! Car, oui, The Blue Flame aura été jusqu'au bout une superbe histoire, conduite de main de maître par Christopher Cantwell et Adam Gorham. Il faut que vous guettiez sa sortie en vf - en espérant qu'un éditeur s'y intéresse !
Je ne vais rien divulgâcher pour cette critique du dernier épisode de The Blue Flame. D'abord parce que, quand vous lirez cette mini-série, vous la savourerez jusqu'au bout. Mais surtout parce que, en vérité, il n'y a rien à spoiler !
En effet, Christopher Cantwell a conçu le dénouement de son histoire en laissant au lecteur le privilége de l'interpréter comme il le veut. C'est un choix logique somme toute puisque rien n'a jamais été asséné dans ce comic-book qui joue beaucoup sur la question de la foi et de la rédemption.
Sam Brausam est convoqué par son alter ego The Blue Flame au procès de la Terre. Le procédé est assez vertigineux et tient toutes ses promesses grâce à des dialogues admirables mais surtout à un découpage virtuose (je pèse mes mots !).
Et Adam Gorham respecte à la lettre ce découpage, strict, rigoureux, qu'il fait sien, sans être contraint, mais en en tirant tout l'avantage. On est dans une expérience immersive envoûtante qui rend justice à tout ce qui a précédé. Et qui vous hante longtemps après avoir refermé cette ultime épisode.
Vous connaissez cette célèbre formule qui était citée sur l'affiche du film La Liste de Schindler (Steven Spielberg, 1993) : "Qui sauve une vie sauve l'humanité toute entière.". C'est un extrait du Talmud, la loi orale chez les juifs, mais on peut aussi lire cela dans le Coran. Or, c'est ce vers quoi toute l'histoire de The Blue Flame entraîne le lecteur et le héros.
Christopher Cantwell a expliqué, dans une interview donnée en compagnie de son dessinateur Adam Gorham, ce qui l'avait le plus tracassé en écrivant The Blue Flame : la fusillade au cours de laquelle Sam Brausam est blessé gravement et où ses amis et des civils innocents meurent. Les Etats-Unis sont régulièrement frappés par ce genre de drame atroce commis par des désaxés. Mais comment transcrire ça justement dans un comic-book sans être racoleur, maladroit ?
Surtout, on peut se demander si le plus grand défi, en démarrant une histoire par une telle scène, ce n'est pas d'enchaîner, en partant dans quelque chose de fantaisiste. Car The Blue Flame jouait sur deux tableaux : la vie de Sam Brausam après cette tragédie, et le périple du justicier the Blue Flame aux confins du cosmos en train de défendre la Terre lors d'un procès devant déterminer si l'humanité méritait de continuer à exister.
Tout cela est lié : le fait de sauver une vie et l'humanité toute entière, de survivre à une fusillade commise par un forcené, de continuer à vivre malgré tout, de défendre l'humanité malgré sa violence auto-destructrice. Et cette synthèse s'opère dans ce récit en dix épisodes.
Sam Brausam est un homme brisé à plus d'un titre, ayant souffert dans sa chair mais plus encore dans son âme, à qui on vient reprocher d'avoir été une sorte de justicier costumé grotesque ayant perdu pied avec la réalité, et d'avoir inventé un récit délirant sur un procès galactique. La première vie qu'il a à sauver est sans doute la sienne.
Et s'il sauve sa peau, s'il survit, surmonte tout ça, alors l'humanité sera sauvée. Et c'est quand il décide finalement d'assumer son récit qu'il s'affronte lui-même. Cela est mis en scène de manière fascinante dans ce dernier épisode qui montre à quel point un homme peut ressembler à un super-héros, même sans partager son physique, sa rigueur morale, ou à un procureur alien. Ou comment l'humanité se résume à un enfant nouveau-né.
Peut-être que la partie avec the Blue Flame est une fiction. Mais comme toutes les grandes oeuvres de fiction, elle vient des tripes de son auteur et dit une vérité aussi intime qu'universelle. Peut-être que la partie avec Sam Brausam est la fiction. Mais alors c'est une fiction de super-héros qui revient à l'essentiel, la vie d'un homme avant celle d'un surhomme, qui cherche dans le banal, le quotidien, le terre-à-terre le sens de la vie, la raison de son engagement héroïque, sa place dans le cosmos.
Il n'y a pas de héros ni de vilain dans The Blue Flame, pas au sens traditionnel de ce qu'on lit dans les comcis super-héroïques classiques. Ce n'est pas non plus une énième déconstruction de la figure super-héroïque inspirée par Alan Moore. C'est autre chose, subtile et singulier, digne. Cantwell signe ainsi un de ces récits de genre qui ne redéfinit peut-être pas le genre lui-même mais oriente notre regard dessus, offre une nouvelle perspective.
Pour illustrer un propos tel, il faut un grand artiste et Adam Gorham, dans la même interview, avouait que The Blue Flame a été son travail le plus exigeant et le plus ambitieux. C'était la première fois qu'il s'engageait dans dix épisodes et s'il a pris du retard vers la fin, c'était aussi pour respecter l'histoire à défaut de contenter le lecteur voulant son fix régulier.
Ce qui frappe dès lors, c'est à quel point Gorham a, comme Cantwell, tenu à ce que cette histoire ait de la... Tenue justement. Tout ce qui aurait pu être vulgaire a été évité et quand le récit allait dans une direction presque abstraite (comme montrer l'horizon cosmique où peut-être Dieu se trouve), Gorham a trouvé la solution que même son scénariste n'envisageait pas, ne visualisait pas.
Ce qu'accomplit Gorham dans cet épisode final est du grand art. pas forcément de grandes iamges qui vont claquer, vous en mettre plein la vue. Mais des transitions d'une fluidité exceptionnelle, un exercice de haute voltige où d'une case à l'autre un personnage échange sa place avec son interlocuteur, et ce simple tour de passe-passe va vous surprendre, va vous faire comprendre la complexité des enjeux, des échanges. Quand la narration graphique parvient à ce degré de finesse, alors, oui, c'est magistral car ça semble être fait sans effort alors que c'est là le plus compliqué : étonner tranquillement et vous faire des noeuds au cerveau.
C'est très frustrant de ne pas être plus précis, mais franchement ce serait injuste de spoiler. Plus injuste serait que vous passiez à côté de The Blue Flame. Il faut vraiment qu'un éditeur traduise cette histoire (je verrai bien une maison comme 404 Comics s'y intéresser). Et alors il faudra la mettre sur votre liste d'achats. Tant pis si ça prend la place d'un album Urban, Panini ou Delcourt, vous acheterez ceux-ci plus tard. Mais s'il vous plait, quand le moment sera venu, achetez et lisez The Blue Flame !
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