samedi 17 avril 2021

WONDER WOMAN #771, de Becky Cloonan, Michael Conrad et Travis Moore


C'est à dessin que je rédige cette critique de Wonder Woman #771 après celle de Thor #14 car cet épisode montre vraiment comment bien écrire une série consacrée à une personnalité divine, avec un regard original, audacieux, solide, efficace. Ici, la narration brille par sa fluidité et et les dessins, magnifiques, mettent en valeur le script. 


Tracassée par la disparition de Siegfried et l'absence des Valkyries après leur dernière bataille au Valhalla, Dian interpèle Thor. Mais le dieu du tonnerre n'en a cure : il accepte ces mystères comme il s'est résigné au cycle du paradis des dieux nordiques. Diana se retire pour retrouver Ratatosk, l'écurueil.


Celui-ci la mène aux forges du Nidavellir où elle pourra se procurer une arme, ayant laissé l'épée de Siegfried à Thor. C'est alors qu'elle est attaquée par des elfes noirs mais s'en débarrasse vite. Diana rencontre le maître des forges et il s'agit d'une figure familière : le Dr. Psycho !


Son ennemi manipule mentalement les elfes en leur procurant des armes truquées. Diana l'interroge sur la situation des valkyries. Pour accéder à leur forteresse, elle doit en soutirer la clé au serpent Nidhogg, qui, en retour, réclame que l'amazone vole un oeuf de l'Aigle niché au sommet d'Yggdrasil.  


Ceci fait, après avoir promis à l'Aigle de se débarrasser du serpent, Diana suit l'idée de Ratatasok pour le pièger en vidant l'oeuf et en se glissant dans sa coquille.  Nidhogg ignore alors qu'il a gobé Wonder Woman, tout prés de récupérer la clé de la forteresse des valkyries...

Ce qui frappe avec ce deuxième épisode écrit par le duo Becky Cloonan-Michael Conrad, c'est sa densité et sa fluidité. Il s'y passe beaucoup de choses mais on n'est jamais perdu dans l'enchaînement des scènes, qui se déroule de manière linéaire. Il y a là quelque chose qui rappelle la fable, le conte, avec une succession d'étapes, d'épreuves à franchir, de ruses diverses pour atteindre un objectif à la fois. Et c'est savoureux.

Par ailleurs, en envoyant Diana au Valhalla, on est dépaysé, c'est un cadre inhabituel pour l'amazone, plus proche du panthéon de l'Olympe ou dans le sillage d'autres super-héros. Cloonan et Conrad font en sorte que Wonder Woman ne brille plus dans son environnement naturel, le récit s'inscrit dans une autre tradition, plus étrange, celle de la geste chevaleresque (où l'héroïne veut sauver un beau jeune homme, ce qui représente un retournement de situation exquis). Loin de là où on a coûtume de la voir, Diana existe fortement et retrouve une identité propre, ni super-héroïne classique, ni amazone déplacée, ni déesse décalée, ni justicière convenue, mais plus aventurière romanesque.

Tout ça fait souffler un vent d'air frais, très appréciable. Mais revenons à la structure même de l'épisode. C'est une construction en escalier : Diana se dispute avec Thor, se bat contre des elfes noirs possédés, retrouve le Dr. Psycho (dans un emploi malicieux puisqu'il a pris la place des nains de Nidavellir - un rôle de substitution parfait puisque Psycho est également un nain et qu'il fournit des armes truquées), passe un marché avec Nidhogg puis l'Aigle, et adopte la stratégie de Ratatosk pour pièger le serpent. On sent bien que Cloonan et Conrad s'amusent en semant des indices mais sans en dire trop, de manière à éprouver le lecteur. Parfois il s'agit de placer un personnage familier dans la mythologie de Wonder Woman à une place inattendue mais logique, parfois cela prend la forme d'un récit initiatique où la capture d'éléments permet à la joueuse (Diana en l'occurrence) d'accéder, comme dans un jeu vidéo, à un nouveau niveau dans la partie.

Cet aspect très ludique est important, comme s'il était là pour rappeler que ce côté peu sérieux contrebalance la position de Diana, plus dramatique (elle est morte, perdue au Valhalla, et hantée par une silhouette qui la somme de ne pas s'attarder car l'Olympe est en danger en son absence). C'est subtil et divertissant.

Le scénaristes savent qu'ils disposent d'un dessinateur de haut niveau, à même de donner vie à leur scénario. Travis Moore a un style réaliste et descriptif, il dessine donc les scènes et les personnages avec un niveau de détail élevé, plus élevé que la moyenne comme en attestent les décors, mais aussi le soin apporté aux jeux de lumières et d'ombres. Le découpage est méticuleux aussi, permettant d'apprécier des moments mémorables comme la descente dans les forges de Nidavellir ou la visite de l'antre de Nidhogg. L'ascension d'Yggdrasil constitue un vrai morceau de bravoure, soulignant l'effort que nécessite cette progression, même pour Wonder Woman (visiblement incapable de voler dans cet environnement, ou ayant oublié comment faire). 

L'investissement graphique de Moore est sensible quand on voit avec quelle qualité il saisit le serpent Nidhogg, effrayant, ou l'Aigle niché au sommet d'Yggdrasil, d'une précision incroyable. Le revers de la médaille, c'est qu'on a appris, en consultant les solicitations de Juin prochain pour DC, que Moore devra passer le relais à un autre artiste pour deux épisodes (l'éditeur a en effet fait le choix, aussi curieux que discutable, d'accélérer la parution de la série en sortant deux numéros en Juin... Après avoir pourtant juré que désormais les bimensuels n'étaient plus à l'ordre du jour).

 Alors que sa contribution à Justice League m'avait paru faiblarde, Tamra Bonvillain colore ici le dessin de Moore d'une façon somptueuse. Sa palette est riche de nuances, conférant à chaque scène une ambiance intense. On retiendra particulièrement le passage avec Dr. Psycho avec son clair-obscur chaud, ou les textures qu'elle donne à Yggdrasil, arbre immense, noueux, touffu.

Cette reprise de Wonder Woman est une réussite. Cet arc est captivant. Visuellement, c'est splendide. Prends-en de la graine, Donny Cates !

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