vendredi 9 avril 2021

BATMAN #107, de James Tynion IV et Jorge Jimenez / GHOST-MAKER, de James Tynion IV et Ricardo Lopez Ortiz


James Tynion IV a une qualité indéniable : il ne manque pas d'ambition. Et quand on écrit Batman, mieux vaut en avoir sous peine de passer pour un auteur de passage sur le titre. Cet épisode confirme que le scénariste veut nous entraîner dans une saga d'envergure. Et il a pour l'accompagner un formidable partenaire avec Jorge Jimenez au dessin. Du coup, la back-up story consacré au Ghost-Maker est vraiment superflue...


En s'attaquant au Maire Nakano, l'Epouvantail a prouvé que personne n'était à l'abri. La panique s'empare de Gotham sans même qu'il ait usé de son arsenal chimique. Batman inspecte la résidence de l'édile où il est surpris par la commissaire Renee Montoya qui le dissuade de se mêler de l'enquête.


Pour ne rien arranger, l'attentat à l'asile d'Arkham (qui a coûté la vie à de nombreux patients) a permis à des malades d'être dans la nature. Harley Quinn tente de contenir ces égarés, mais la police pense qu'elle fait partie des fugitifs.


Barbara Gordon/Oracle conçoit un dispositif qui remplacera le Bat-signal (maintenant que le GCPD ne compte plus Batman comme un allié). Elle informe Batman sur le Collectif Insensé et il lui apprend que l'Epouvantail est certainement en fuite depuis des mois, ourdissant un plan d'ampleur.


Batman ignore à quel point il a raison puisque l'Epouvantail a scellé une alliance avec le milliardaire Simon Saint afin qu'il établisse son programme para-militaire de la Magistrature, quitte pour cela à sacrifier des civils...

Est-ce parce que désormais il sait qu'il a la confiance de son éditeur et donc plus de liberté ? En tout cas, avec ce nouvel arc de Batman, James Tynion semble transfiguré et met un sacré coup d'accélérateur. Il ne renonce pas pour autant à meubler l'arrière-plan de son histoire avec un personnage dont on ignore l'identité et l'objectif mais qui s'intéresse visiblement de près à Harley Quinn.

En fait, à bien y regarder, on n'est pas si éloigné des "Gotham Knights" de son run sur  Detective Comics car si Batman tient bien le premier rôle (ce qui est logique), il est bien entouré et Tynion organise son scénario non pas autour du seul dark knight mais d'un groupe qui se tient à ses côtés. Et Tynion s'en sert avec adresse et à-propos car vu la situation, on doute que Batman, même avec toute son intelligence et son expérience, pourrait s'en sortir seul.

De ce point de vue, la saga Joker War aura servi à préparer le terrain : Tynion a presque ruiné Bruce Wayne, le GCPD lui tourne le dos, le Maire Nakano veut s'en débarrasser, un milliardaire louche veut imposer une sorte de super-milice, et l'Epouvantail réussit à créer un sentiment d'insécurité intense dans Gotham sans avoir eu à user de ses armes chimiques. Tout est réuni pour que Batman, donc, doive composer avec une équipe.

Et Tynion distribue les rôles de manière simple, de telle sorte que le lecteur passe d'une scène à l'autre sans être perdu et en ayant bien conscience des difficultés qui ne font que commencer. Batman est dans une position de détective. Harley Quinn s'occupe des rues. Oracle supervise et recueille des infos. Ghost-Maker assure les arrières des autres. Ce quadrillage pourtant ne suffit pas et Batman est montré en plein doute, ne sachant absolument pas ce que mijote l'Epouvantail et ignorant qu'il est de mêche avec Simon Saint. C'est vraiment bien ficelé, très captivant.

Avec la partie graphique, on monte encore d'un cran et l'impression de se trouver devant un arc mémorable se dessine littéralement. Jorge Jimenez insuffle une énergie folle à ses planches, mais jamais au détriment de la lisibilité de l'intrigue. Sa complicité avec cet exceptionnel coloriste qu'est Tomeu Morey éclate dans plusieurs scènes (je retiens particulièrement celle dans la base d'Oracle avec une restitution de la lumière absolument superbe).

Jimenez flirte parfois avec une certaine exagération, dans l'expressivité des personnages, leurs physionomies, mais ce n'est pas dérangeant. On n'est pas non plus dans un style baroque. Jimenez me paraît plutôt être du genre à carburer au super dans le sens où il aime pousser les curseurs à fond, voir jusqu'où il peut animer un personnage avant d'être dans la caricature. C'est un exercice d'équilibriste mais quand il est aussi bien exécuté, c'est jubilatoire. Et cela n'empêche nullement d'apprécier des éléments descriptifs qui peuvent passer pour des détails mais qui attestent de la maîtrise technique de l'artiste (voyez par exemple son insistance à suggérer des plis dans les tenues moulantes, alors que la plupart du temps, les costumes en spandex sont des justaucorps sans textures).

Bref, sans préjuger de la suite, on a quand même une forte impression de maîtrise, d'anticipation. Tynion a un plan en tête, un récit audacieux, et un artiste très en forme. Oui, ça sent bon !

*


Avant d'assister Batman à Gotham, Ghost-Maker fortifiait sa réputation de justicier impitoyable contre divers méchants. C'est ainsi qu'il s'est jeté sur l'ïle du Crâne du Diable, repaire de Madame Midas et ses mercenaires, convaincus de pouvoir le stopper...

Que dire de cette back-up ? Que DC ait choisi d'augmenter la pagination de Batman (et d'autres titres), et aussi de cette façon le prix de ses floppies, soit (même si je ne suis pas certain que beaucoup de lecteurs seront prêts à suivre ce mouvement au-délà d'un certain tarif). Le risque de cette stratégie  est bien résumé en lisant Ghost-Maker.

Voilà une création originale de James Tynion, introduite durant les épisodes ayant suivi Joker War, et qui n'a pas suscité un engouement de ouf. Avec son design calamiteux, son passé pénible (un énième ancien rival de Bruce Wayne, avec des émthodes expéditives, et un caractère prétentieux), avait-on besoin de lui et qui plus est d'un récit sur ses exploits antérieurs ?

La réponse est non. C'esr d'un inintérêt total, et ce ne sont pas les dessins survoltés de Ricardo Lopez Ortiz qui y changeront quoi que ce soit. Je le dis tout net : le mois prochain, je zappe cette lecture et donc la critique.

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