Ce week-end, après avoir tourné autour depuis presque deux ans, j'ai regardé, sur Netflix, la série Bodyguard. Cette production de la BBC avait été un énorme succès lors de sa diffusion Outre-Manche, rivalisant avec un épisode spécial du Doctor Who. Il s'agit en tout cas d'une oeuvre redutablement efficace et magistralement conçue par Jed Mercurio, en six épisodes captivants et denses. Par ailleurs, c'est l'occasion de remarquer le talent de son acteur principal, Richard Madden, avant de le revoir dans le prochain blockbuster Marvel, Eternals.
Ancien soldat en Afghanistan, le sergent David Budd déjoue un attentat kamikaze dans le train qui les ramène, lui et ses deux enfants, à Londres. La terroriste, une jeune femme nommée Nadia, est prise en charge par les autorités avec son mari. Cet acte de bravoure vaut à David une promotion : attaché à la protection des personnalités publiques, il devient le garde du corps de Julia Montague, Minsitre de l'Intérieur, au moment où elle veut faire passer une loi controversée sur la sécurité nationale. Son ex-mari, Roger Penhaligon, lui reproche de profiter de la situation pour convoîter le poste du 10 Downing Street. David, lui, doit composer avec une vie familiale difficile : parce qu'il nie son trauma lié à la guerre, sa femme ,Vicky, le quitte...
Stephen Hunter-Dunn, chef de la Sécurité Intérieure, informe Julia qu'une menace d'attentat vise l'école où sont les efants de David mais il lui demande de garder l'info confidentielle car il craint une fuite de la police. L'attaque est déjouée et David et Vicky, après des mois d'essais infructueux, obtiennent le transfert de leur fils dans un établissement spécialisé ainsi que la protection de leur famille. Peu après, Julia échappe à une tentative d'assassinat par un sniper lors d'un déplacement dans Londres. David la met à l'abri puis coince le tireur : il le reconnait car il s'agit d'Andy Apsted, un camarade vétéran de l'armée, qui préfère se suicider qu'être arrêté. Julia est relogée à son tour dans un hôtel et entame une liaison sexuelle avec David. Le lendemain, Lorraine Craddock, la supérieure de David, et Anne Sampson, chef de l'Antiterrorisme, commandent à Dunn d'espionner Julia...
Bien qu'il accepte sa mission à contrecoeur, David le fait pour garantir la protection de Vicky et de leurs enfants. Il surprend un certain Richard Longcross qui remet à Julia une tablette contenant des infos confidentielles peu avant qu'elle se rende en secret, le soir venu, chez le Premier Ministre. David, le lendemain, est interrogé par les inspecteurs Sharma et Rayburn de l'Antiterrorisme sur Andy Apsted et nie le connaître.. La loi défendue par Julia est votée au Parlement et soulève de vives protestations chez les associations de défense des libertés publiques. Malgré la menace, Julia décide de défendre son texte lors d'une conférence de presse au collège St Matthews. Une bombe explose peu après qu'elle ait commencé son discours...
Julia est hospitalisée dans un état critique tandis que Mike Travis, son secrétaire, est nommé à son poste provisoirement. Il confie l'enquête à l'Antiterrorisme alors que la Sécurité Intérieure la réclamait. David est sous le feu des critiques de Penhaligon qui lui reproche de n'avoir pas sécurisé la conférence de presse de Julia. Le lendemain, l'annonce de la mort de Julia provoque un vif émoi tandis que l'Antiterrorisme en consultant la vidéo-surveillance du Ministère de l'Intérieur a remarqué que Rob MCDonald, l'assistant de Julia, avait confié une mallette suspecte à son collègue, Tahir Mahmood, qui accompagnait la Ministre au collège. David intimide McDonald pour qu'il s'explique et il fait une déposition auprès des inspecteurs Sharma et Rayburn en expliquant que le Parti voulait humilier Julia pour l'empêcher de prendre le poste du Premier Ministre : il avait donc glissé des erreurs dans son discours mais nie avoir participé à un projet d'attentat. David tente de se suicider mais constate qu'on a remplacé les balles de son pistolet par des munitions à blanc. Certain qu'on a conspiré en haut lieu pour éliminer Julia, il retourne à l'hôtel où elle était logée et consulte les vidéos de surveillance pour remarquer que toute trace filmée de Longcross en a été effacée...
David aide Rayburn et Sharma à interroger Nadia, la kamikaze du train, mais elle n'identifie pas Tahir Mahmood comme terroriste. En revanche, devant le portrait-robot de Longcross que David a fait établir par un infographiste de l'Antiterrorisme, elle soutient que c'est lui qui a financé le tentative d'attentat du train. Un rapport fait également état que la bombe au collège ne se trouvait pas dans la mallette remise par McDonald à Mahmood mais sous l'estrade où se trouvait Julia. David apprend en allant à l'hôpital que Penhaligon, la nuit où Julia a été prise en charge, voulait à tout prix récupérer des documents officiels dans les affaires de sa femme. David en déduit qu'il cherchait la tablette de Longcross et il s'introduit dans l'appartement de Julia pour la trouver. Sharma et Rayburn découvrent que le fusil utilisé par Apsted provenait d'un lot appartenant à Luke Aikins, un baron du grand banditisme. Craddock suspend David de l'enquête sur Julia car elle estime qu'il n'est pas impartial et refuse de suivre une thérapie.
Ne se fiant plus ni à l'Antiterrorisme (qu'il estime être à l'origine de son retrait de l'enquête) ni à la Sécurité Intérieure (qu'il soupçonne d'avoir participé à la série d'attentats), David confronte directement Luke Aikins dans le club qu'il tient et qui lui sert de couverture pour ses traffics. Assommé, il revient à lui équipé d'un gilet explosif, le pouce scotché sur le détonateur. Il communique sa position à la Police mais Sampson, Sharma et Rayburn, qui ont finalement appris ses liens avec Apsted, sont persuadés qu'il est lui-même un terroriste et le suspect n°1 dans la mort de Julia. Pour les convaincre de son innocence, il les force, avec l'équipe d'intervention et de déminage, à le suivre jusque chez lui où il a dissimulé la tablette. La Sécurité Intérieure envoie Longcross la récupérer avant mais il est neutralisé par un piège tendue à l'avance par David pour protéger son atout. Vicky accompagne le cortège jusque chez David et trouve la tablette qu'elle n'accepte de remettre à l'Antierrorisme que si les démineurs enlèvent les explosifs sur David. Ceci fait, il s'enfuit et sème tout le monde. Pour identifier qui l'a manipulé, David prend Aikins en filature après avoir fait courir le bruit que son complice allait le dénoncer. C'est ainsi qu'il fait arrêter Aikins et Craddock, qui, lors de son passage aux aveux, explique avoir utilisé David car son profil en faisait un parfait bouc émissaire. Quand à Nadia, elle reconnaît aussi que c'est en vérité avoir conçu les bombes, dont celle fatale à Julia, pour toucher la démocratie au coeur aun nom du Djihad. Blanchi, David entame une thérapie et recolle les morceaux avec Vicky en attendant de savoir si Sampson le réintègre ou non à son poste.
Le titre de la série fait évidemment penser au film avec Kevin Costner et Whitney Houston (1992) et des éléments communs renforcent ce sentiment durant les deux premiers épisodes. Mais le projet de Jed Mercurio se démarque tellement du long métrage par ailleurs que la comparaison s'arrête là. Bodyguard, version BBC, est un pur chef d'oeuvre, six épisodes incroyablement intenses qui dépasse de loin la bluette hollywoodienne.
Pour ma part, c'est une série autour de laquelle j'ai beaucoup tourné, différant sans cesse sa vision, jusqu'à ce week-end où, en trois sessions, j'ai rattrapé cette lacune. Je regrette d'avoir attendu, mais finalement, c'est fait et la satisfaction l'emporte sur le délai. Cela faisit longtemps que je n'avais pas suivi une telle série, une histoire aussi électrique, dense, captivante. On parle souvent de la qualité des séries anglaises, réputées pour leur écriture au cordeau, mais ce n'est pas usurpé. Et c'est vraiment un modèle à étudier.
Si vous appréciez les intrigues parano mais qui traite intelligemment et puissamment de problématiques actuelles brûlantes, alors Bodyguard est fait pour vous. Deux ans après sa diffusion, la série conserve une force intacte, une actualité pertinente : il y est question d'apprendre à vivre avec le terrorisme et des conséquences liberticides de l'état d'urgence. Le format, resserré, rend hommage aux classiques du genre, comme le cultissime 24 h chrono, grâce aussi à une mise en scène millimètrée, qui enchaîne morceaux de bravoure et scènes intimistes avec un égal brio. C'est d'ailleurs le parfait équilibre entre les deux qui assure un spectacle aussi parfait.
Regarder Bodyguard, c'est comme une séance en apnée. Dès la scène d'ouverture, où le héros neutralise une kamikaze dans un train, on retient sa respiration pendant une vingtaine de minutes tant l'issue est incertaine. Cette pression exercée sur le personnage principal et le spectateur ne se démentira jamais ensuite. Mais Jed Mercurio nous mystifie en relâchant la bride et en nous entraînant sur de multiples fausses pistes, en déclenchant une romance entre la Ministre et son garde du corps, en intriguant sur les conspirateurs potentiels. De la sorte, quand la violence explose (littéralement), on est constamment surpris car on avait quasiment oublié la menace. La scène du sniper ou l'attentat au collège sont incroyablement efficaces de ce point de vue.
Mercurio ose aussi l'impensable quand il sacrifie le personnage de Julia au troisième épisode, soit à mi-chemin de l'histoire. Mais le showrunner montre encore une fois sa maîtrise narrative car, en faisant cela, il prouve au spectateur que personne n'est à l'abri et, ensuite, que David Dunn va s'enfoncer dans une spirale infernale où, progressivement, il devient le coupable idéal. D'autant plus que son comportement devient imprévisible, trouble. Souffrant d'un syndrome post-traumatique consécutif à son passé de soldat puis à la mort de Julia Montague, on revient à s'interroger sur se réticences initiales envers les projets législatifs de la Ministre (qui a soutenu l'effort de guerre au Moyen-Orient et dont l'ambition semble aussi forte que son désir d'imposer un projet très sécuritaire en Angleterre). Est-il manipulé ? Ou joue-t-il un double jeu ? Il est permis de douter quand, par exemple, il cache avoir connu Andy Apsted, puis, encore plus, quand il coupe les ponts avec les inspecteurs de l'Antiterrorisme (qu'il soupçonne d'avoir révélé sa liaison avec Julia à sa supérieure quand elle le suspend) et s'engage dans une vendetta en solo. Sans compter qu'il tente de se suicider juste après avoir appris la mort de Julia...
Malgré la profusion de péripéties et l'abondance de seconds rôles, on n'est jamais perdu. La réalisation (assuré pour les trois premiers épisodes, étincelants, par le français Thomas Vincent) contribue à la fluidité de la lecture. Le showrunner a laissé aux réalisateurs une certaine liberté (dans la mesure où leurs choix de mise en scène se justifiaient) et ainsi on n'a jamais cette désagréable sensation de regarder un script, certes brillant, mais sagement illustré. Pourtant la production n'a pas été simple car on a refusé à l'équipe technique l'accès à de nombreux décors réels, les sociétés qui les géraient ne voulant pas être associées à des événements même fictifs en relation avec le terrorisme. Thomas Vincent a dû s'adpater sans renoncer à ses références (prestigieuses, car il cite Michael Mann et Paul Greengrass).
Pour incarner ce récit qui s'empare sans tabou de sujets très chauds sans faire une croix sur le divertissement, le casting doit être solide. Pour la plupart, les acteurs de la série sont de parfaits inconnus chez nous, mais cela joue aussi en faveur de l'histoire car on n'est pas ainsi distrait par un visage familier qui pourrait faire de l'ombre au personnage. Je retiens surtout Paul Ready dans le rôle de McDonald (fébrile à souhait), Gina McKee dans celui de Sampson (impénétrable en chef de l'Antiterrorisme), Sophie Rundle dans celui de Vicky (l'épouse de David, dépassée par les tourments de ce dernier). Et bien sûr Keeley Hawes, fabuleuse dans la peau de Julia Montague, cette politicienne impitoyable qui sera la cible majeure de l'intrigue.
Toutefois, celui dont on retiendra l'interprétation, c'est bien Richard Madden. Découvert dans Games of Throne, ce comédien est extraordinaire dans le rôle de David Dunn, visage buté, regard perçant, silhouette à la fois solide et fragile, constamment sur un fil. Sa présence est magnétique, son charisme impressionnant. Que Marvel l'ait signé pour incarner Ikaris dans Eternals, le futur blockbuster de Chloe Zao (attendu cet Automne - croisons les doigts) est vraiment une bonne pioche.
Bref, si comme moi vous n'avez pas encore vu Bodyguard, alors n'hésitez pas, n'attendez plus. Vous avez six heures grisantes devant vous.
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