vendredi 2 mars 2018

THE TERRIFICS #1, de Jeff Lemire et Ivan Reis


"The New Age of Super Heroes" est une nouvelle collection de séries lancée par DC Comics à la suite de la saga globale Metal écrite par Scott Snyder. L'artiste y est mis en avant (même si celui qui démarre un titre n'a pas vocation à rester) et le concept est de donner sa chance à des héros encore peu ou pas exploités depuis le début de l'ère "Rebirth" tout en s'efforçant de rendre chaque titre accessible (sans avoir lu Metal). Il y a aussi, pour plusieurs de ces séries, une volonté évidente pour DC de donner leur version de super-héros Marvel (mais nous y reviendrons). Dans le lot, The Terrifics était, à mes yeux, le plus excitant : une équipe créative de premier plan, un plot accrocheur, un groupe de personnages séduisants. Promesse tenue ?


Mr.Terrific se rend dans le repaire de Simon Stagg qui, en son absence, a acquis des équipements de sa compagnie, TerrificTech. Mais Michael Holt se doute, et c'est pour cela qu'il n'est pas content, que Stagg ne compte pas en faire bon usage : comme il le redoutait, les faits lui donnent raison puisque son concurrent est en train d'ouvrir un portail sur le Dark Multiverse.


Pour ce faire, il a utilisé Metamorpho comme une sorte de clé mais les énergies à l'oeuvre ont transformé sa peau en Nth Métal, ce qui le rend fou de douleur et de rage. Pour contenir l'explosion qui menace de détruire l'endroit, Mr. Terrific a emmené Plastic Man dont l'élasticité infinie permet de les sauver une fois Metamorpho aspiré dans le Dark Multiverse, sous le regard terrifié de Sapphire Stagg (amante de Rex Mason).


Errant dans cette dimension désolée, les trois héros élaborent un plan pour rentrer lorsque Mr. Terrific détecte un signe de vie tout proche. Ils se posent sur une planète apparemment déserte mais dont le sol se met à vibrer. Plastic Man prend de la hauteur et découvre qu'ils ont atterri sur le corps d'un géant mort.


C'est alors que des insectes et d'autres bestioles agressives les attaquent jusqu'à ce qu'une jeune femme n'apparaisse et fasse cesser les hostilités : elle s'appelle Linnya Wazzo alias Phantom Girl, originaire de BGZTL. Présente ici depuis longtemps, elle, qui peut devenir intangible, n'arrive plus à se solidifier.


Mais si ce n'est elle, comme elle l'affirme, dont Mr. Terrific a capté la présence, d'où vient le signal ? D'une grotte voisine où gît un vaisseau : en activant le tableau de bord apparaît un hologramme de Tom Strong, avertissant ceux qui le découvriront qu'il est probablement mort et qu'il revient aux quatre héros de sauver l'univers du danger qu'il n'a pu éviter !

Comme je le suggérai en ouverture, il y a plusieurs façons d'apprécier ce projet (et d'autres de la même collection). Le plus évident est de l'assimiler à une version par DC de figures issues de Marvel : par exemple, les séries Sideways (par Kenneth Rocafort, Justin Jordan et Dan Didio) et Damage (par Tony Daniel et Robert Vendetti) font penser à Spider-Man et Hulk, si ce n'est par les pouvoirs, du moins par l'aspect. En revanche, The Silencer (par John Romita Jr. et Dan Abnett) ou The Immortal Men (par Jim Lee et James Tynion IV) ne se réfèrent à aucun modèle connu de la concurrence.

Dans le cas de The Terrifics, l'allusion est frappante : il s'agit d'une variation appuyée à Fantastic Four. Mais Jeff Lemire s'amuse à brouiller les cartes - s'amuse tout court, car, comme il l'a expliqué en interview, la conception de la série n'a pas été établie pour coller à la création de Stan Lee et Jack Kirby (laquelle était déjà inspirée de Challengers of Unknown... Chez DC, que l'éditeur va relancer !). C'est devenu un sujet de plaisanterie, un clin d'oeil.

Ainsi Mr. Terrific a-t-il la science de Reed Richards mais c'est Plastic Man qui en a le pouvoir extensible, de même que Metamorpho renvoie à la Chose et que Phantom Girl évoque Sue Richards, et que la relation Metamorpho-Plastic Man ressemble à celle, chamailleuse, entre Ben Grimm et Johnny Storm. Même le géant mort sur lequel les Terrifics échouent peut rappeler Galactus (ou les Célestes) et Sapphire et Simon Stagg Alicia Masters et le Puppetmaster.

On pourrait alors estimer que Lemire et le staff éditorial font davantage preuve de malice que d'inventivité. Mais cela est corrigé par la forme même du projet. Lemire a voulu écrire une série qui aille vite, dont chaque épisode conduirait au suivant, où les présentations seraient rapidement exécutées - en somme un retour au format narratif des comics du "Silver Age". De ce côté-là, c'est parfaitement réussi : le scénario est dense et file à toute allure, à la fin de l'épisode le groupe des Terrifics est composé, et les rôles sont attribués (avec un leader naturel, un bouffon, un monstre, une fille perdue). Le cliffhanger est très prometteur - et bien plus finement amené que le retour de Promethea (autre création d'Alan Moore) dans de récents épisodes de Justice League of America (par Steve Orlando et Neil Edwards) : Tom Strong explorait déjà la même veine que celle visitée par ces Terrifics (un cocktail d'aventures, d'humour, de SF, avec une famille de héros).

Je sais ce que vous vous demandez : tout ça a l'air fort efficace et aguicheur mais est-ce bien personnel ? Là encore : oui. Car ce groupe d'explorateurs du Dark Multivers (aux airs de zone négative) est du pur Lemire : on a là des protagonistes familiers à l'auteur, des individus que leur aspect ou leurs capacités (voire les deux) relèguent à la marge, des sortes de freaks and geeks, dont la bizarrerie et la curiosité spontanées scellent l'union naturellement. Des solitaires plus fort ensemble. Mais dont l'étrangeté, loin de les accabler, forment la force.

Pour leur donner vie, DC a mis le paquet et à la disposition de Lemire Ivan Reis, une de leurs stars du dessin. Même s'il ne restera que pour les trois premiers numéros et qu'il n'a pas designé le look des personnages (réalisé par Evan Shaner, qui sera responsable de la partie graphique à partir du #4), le plaisir qu'il a pris à illustrer ce script est manifeste et prouve une fois encore la puissance esthétique de cet artiste.

L'énergie et la lisibilité de son découpage dynamisent le récit et offrent des images fantastiques, habitées par des personnages très expressifs (Plastic Man est aussi fou et amusant qu'on pouvait le rêver, Metamorpho est impressionnant, Mr. Terrific en impose sans forcer et Phantom Girl a une fragilité touchante). Lorsqu'apparaît, à la dernière page, Tom Strong, dont la silhouette a été modelée par Chris Sprouse, on craint son interprétation par Reis, mais il s'en empare en une image comme s'il l'avait dessiné depuis longtemps.

Il y a quelque chose d'indéfinissablement réjouissant dans ce chapitre I - tout simplement le fait qu'on a ce qu'on nous a promis et que Marvel hésite à nous redonner (les FF). Mais aussi autre chose, une fraîcheur, un allant, un élan. On a le sourire en lisant ça. Comme le chantait Johnny, cette série-là, "mon vieux, elle est terrible !"  

1 commentaire:

artemus dada a dit…

Une critique, pour le moins, très différente de la mienne.

[-_ô]