Le départ de Tony Harris (dessinateur régulier de la série) à la fin du volume précédent a coïncidé avec celui de Jack Knight pour un voyage dans l'espace à la recherche de Will Patton, le Starman qui l'a précédé. Mais ce n'est pas le seul changement notable qui apparaît à la lecture de ce septième tome où James Robinson collabore désormais avec David Goyer au scénario et où Steve Yeowell va vite céder sa place de nouvel artiste à Peter Snejbjerg (qui va enchaîner 30 épisodes d'affilée, jusqu'à la fin du titre !).
- City whitout light (#47. Dessiné par Steve Yeowell.) The Shade boit le thé avec Ted Knight et tous deux discutent de la sécurité d'Opal City depuis le départ de Jack. Matt O'Dare et sa soeur Hope affrontent les super-vilains pensant profiter de la situation. Barry O'Dare s'occupe au commissariat central sans vraiment réussir à se rendre aussi utile. Clarence O'Dare sert désormais d'intermédiaire entre les autorités et les super-héros. Jake "Bobo" Benetti veille sur les bas-fonds. Sadie Falk s'occupe de la boutique de Jack (que le Pirate Noir cherche à contacter). Mason O'Dare fréquente Charity, la diseuse de bonne aventure, dont il semble épris. Seuls deux points assombrissent le tableau : l'assassinat de l'informateur Dudley Donovan, tué de la même manière que David Knight ; et le meurtre du commissaire Sam Woo.
- Starman's Blues (#48. Dessiné par Steve Yeowell.) Un cauchemar rappelle à Mikaal Tomas la mort de sa fiancée Lyysia et, dans un accès de rage, il endommage le tableau de bord du vaisseau de Starman. L'hologramme de Ted généré par la boîte-mère confiée à Jack par Orion conseille à son fils de se poser sur une planète proche. Ils explorent l'endroit et tombent sur... salomon Grundy, à nouveau dominé par sa personnalité malfaisante, qui veut les tuer pour s'emparer de leur appareil.
- Talkning with David' 99 (#49. Dessiné par Steve Yeowell.) Mikaal, blessé, perd connaissance et rencontre alors David avec qui il discute de la perte de ses pouvoirs, de son sentiment d'être inutile mais aussi de son besoin de venger Lyysia. Cependant l'hologramme de Ted sauve Jack de Grundy et avec Mikaal, ils repartent de cette planète maudite. Puis ils traversent une masse noire qui les propulse plus loin, non seulement dans l'espace mais aussi dans le futur. Ils sont alors abordés par la Légion des Super-Héros, menée par Star-Boy !
- Lighting the way (#50. Dessiné par Peter Snejbjerg.) Jack, Mikaal, l'hologramme de Ted accompagnent Star-Boy et Umbra dans cette masse noire qui menace d'engloutir l'univers. Au coeur de ces ténèbres, après des jours, voire des semaines de marche, et de combats contre des créatures qu'elle génère, ils découvrent ce qui la génère : the Shade ! Pour rétablir la situation, celui-ci somme Jack de lui tirer dessus avec sa lance cosmique. L'effet est immédiat et spectaculaire. The Shade explique comment cela a pu se produire et permet à Jack et ses compagnons de repartir - tout en leur cachant que l'un d'eux mourra. Il reste auprès de Star-Boy pour l'instruire sur son destin qui le conduira à visiter le passé.
- Midnight in the house of El (#51. Dessiné par Peter Snejbjerg.) Grâce à the Shade, Jack, l'hologramme de Ted et Mikaal remontent le temps mais ont atteint l'année 1922 et atterrissent sur Krypton avant sa destruction. Ils y sont accueillis par Jor-El, le futur père de Kal-El, qui deviendra Superman sur Terre ! Conduit jusqu'au père du jeune explorateur, le sévère Seyg-El, qui pense qu'ils sont des espions ou des envahisseurs, Jack et ses amis sont emprisonnés après avoir été interrogés. Mais Jor-El les libère, au risque d'être puni à son tour. Ils récupèrent la boîte-mère et la lance cosmique de Jack et s'enfuient.
- Men of two worlds - The Long Goodbyes (#52-53. Dessinés par Peter Snejbjerg.) Reprenant leur odyssée, Jack obéit à Mikaal quand celui-ci, sentant la présence de son ennemi Turran Kha, veut le traquer. Ils atterrissent sur Rann, patrie adoptive de l'aventurier interstellaire Adam Strange. Un traité de paix entre plusieurs mondes est sur le point d'être signé et la présence de Kha, dont le vaisseau est trouvé dans une forêt proche, menace l'événement. Lors de la réception donnée à la veille de la signature du document, le terroriste et ses complices surgissent et lorsque la vie de Alanna et Aleea, la femme et la fille de Strange, est menacée, Jack n'hésite pas à s'interposer, au péril de sa vie. Kha disparaît en prenant Aleea en otage.
Ressuscité en étant cloné par la technologie de Ran, Jack part à la poursuite de Kha avec Strange, Mikaal tout en étant prévenus par Sardath, le beau-père de Adam, qu'il procédera à la signature du traité comme prévu, quitte à sacrifier sa petite-fille. Les dons de pisteur de Mikaal permettent de débusquer leur ennemi et ses sbires, neutralisés avec l'aide, notamment, de thanagariens (les semblables de Hawkman). Cette coalition a uni les peuples mieux qu'un bout de papier mais s'en empêcher Kha de s'échapper. Jack et Mikaal, avec l'hologramme de Ted, se chargeront de le traquer.
Lire Starman à partir de ces épisodes est un point d'entrée idéal (il suffit de juste de savoir pourquoi les héros sont dans l'espace et de mesurer la notion d'héritage qui lie Jack à son père, présent à ses côtés sous la forme d'un hologramme). Bien entendu, suivre la série depuis le début est bien mieux et permet d'apprécier pleinement son humanité et son envergure.
David Goyer avait déjà aidé James Robinson sur les scénarios de quelques numéros dans le tome précédent, mais désormais les deux hommes (qui relanceront aussi le titre JSA à cette époque - nous sommes en 1999) collaborent étroitement et régulièrement sur les histoires (Robinson se réservant la rédaction du script et des dialogues). Il est indéniable que Goyer apporte avec lui un sens de l'aventure plus marqué, plus premier degré aussi, et le voyage dans l'espace occupe six des sept épisodes (il se poursuivra et se conclura dans le recueil suivant).
L'action gagne donc en exotisme et s'autorise des libertés audacieuses, parfois acrobatiques, plus grandes que lorsqu'elle se déroulait à Opal City. Désormais, on sillonne le cosmos, des planètes hostiles, d'autres plus hospitalières, mais on progresse aussi dans le temps, jusqu'à un lointain futur, ou on le remonte jusqu'au début du XXème siècle. Pourtant, tout cela est pensé avec une grande cohérence et les auteurs explorent la continuité du DC Universe sous des angles troublants.
Le pic de l'album est sans contexte l'épisode 51 où Jack fait la connaissance en 1922 du jeune Jor-El, le (pas encore) père du futur Superman ! La situation est folle et sidère d'ailleurs Starman, tiraillé entre l'envie de révéler à ce jeune explorateur kryptonien le sort de sa planète, sa paternité, le destin extraordinaire de son fils, et la réserve que lui impose le souci de ne pas altérer le continuum espace-temps. Il n'empêche, on est saisi par une émotion poignante quand Jack et ses compagnons quittent le monde condamné.
Toutes ces aventures, collectées dans ce recueil, exploitent la notion de transmission : la conversation mondaine entre the Shade et Ted Knight sur la sécurité d'Opal City en l'absence de Jack, les retrouvailles périlleuses avec Salomon Grundy, le dialogue entre Mikaal et David Knight, la rencontre avec la Légion des Super-Héros et le jeune leader Star-Boy (au sujet duquel the Shade fait des révélations étonnantes sur son destin), les cachotteries de the Shade sur le sort d'un des membres de l'équipage (promis à la mort avant son retour sur Terre) de Starman, l'alliance entre Jack et Adam Strange pour sauver la fille de ce dernier. Le tout toujours mené sur un rythme soutenu aboutit à des récits denses où l'action ne domine jamais la caractérisation.
Passation aussi esthétique puisque, Tony Harris parti (même s'il continue de produire les couvertures de la série), Starman doit se trouver un nouvel artiste. Steve Yeowell, déjà actif par le passé pour des fill-in, s'y colle le temps de trois chapitres : son style épuré et élégant convient à merveille, même si on a l'impression diffuse que l'encrage de Wade von Grawbadger ou Keith Champagne alourdit un peu son trait aérien.
Puis avec l'épisode 50 (plus long, d'une trentaine de pages, comme un Annual, pour fêter ce cap important), la série accueille celui qui va s'installer comme le nouveau titulaire : Peter Snejbjerg. Aujourd'hui, ce dessinateur de grand talent a été injustement oublié, même s'il réalise parfois des épisodes pour des productions du "Mignola-verse" chez Dark Horse. Pourtant, pendant une dizaine d'années au début des années 2000, il sera un talent remarqué et remarquable, d'une régularité prodigieuse (il va enchaîner les trente derniers épisodes de Starman), avant de s'éclipser sans avoir pu terminer la mini-série The Mighty (où il sera remplacé par un débutant prometteur : Chris Samnee).
Le style de Snejbjerg n'entre pas dans le registre du réalisme classique, il y a une sorte de naïveté dans son trait dont on peut imaginer que le Mazzucchelli de Batman : Year One l'a influenceé grandement. Sa manière de traiter les ombres et les lumières, de façon franche, expressionniste, et d'attribuer à ses personnages une expressivité minimaliste mais toujours juste, dans un découpage sage mais rigoureux, produit une lisibilité très efficace et un côté rétro très approprié à la série. (Re)lire Starman sert aussi à cela : (re)découvrir et (ré)évaluer un dessinateur.
Toujours aussi moderne, inclassable, et divertissant sans oublier d'être touchant, l'oeuvre de James Robinson est et reste une gemme dans les grands classiques publiés par DC Comics.
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