Diffusé en Février dernier sur Netflix, j'avais regardé le premier épisode de la première saison de Love, série en dix épisodes créée par le cinéaste Jud Apatow, son acteur Paul Rust et la scénariste Lesley Arfin, sans être convaincu. J'ai tenté une séance de rattrapage pour confirmer ou infirmer cette impression initiale à la faveur du petit format de cette production (des épisodes de 30 minutes) et parce que j'ai entre temps découvert Gillian Jacobs dans une série antérieure (Community).
Mickey Dobbs (Gillian Jacobs)
Mickey Dobbs est une jeune femme trentenaire qui travaille dans une station de radio en qualité d'assistante pour le Dr; Greg Colter, un pseudo-psychologue animant une émission de libre antenne.
Dr. Greg Colter (Bret Gelman)
Convaincue qu'elle sera congédiée si elle ne suit pas ses initiatives (comme de solliciter son équipe à se faire passer pour des auditeurs en ligne car les vrais témoignages ne sont pas assez passionnants) et alors qu'il lui fait des avances, elle finit par coucher avec lui afin de pouvoir le poursuivre pour harcèlement le cas échéant.
Arya Hopkins et Gus Gruikshank (Arya Apatow et Paul Rust)
Gus Gruikshank est professeur particulier pour Arya Hopkins, une adolescente de 12 ans, star d'une série fantastique idiote, "Witchita", sur laquelle il n'a aucune autorité. Lui rêve de devenir scénariste en espérant élever le niveau de cette production tenue d'une main de fer par sa créatrice, une vraie diva incapable d'admettre les incohérences de ses scénarios.
Mickey et Gus
Après avoir rompu d'avec leurs conjoints - Mickey sortait avec un type qui buvait et se droguait beaucoup comme elle, la fiancée de Gus lui reprochait d'être trop gentil et prétendait l'avoir trompée pour s'en débarrasser - , nos deux héros se rencontrent par hasard dans une supérette où Gus paie le café de Mickey après qu'elle se soit rendue compte qu'elle avait oublié son portefeuille.
Bertie Bauer, la co-loc de Mickey (Claudia O'Doherty)
Ils conviennent de se revoir en amis mais Mickey, réticente à s'engager dans une nouvelle relation, arrange un rendez-vous romantique entre Bertie Bauer, sa co-locataire, et Gus. Ce sera un fiasco mais sans conséquence pour les deux complices de Mickey - qui, pour s'excuser, embrasse Gus et accepte de le revoir plus sérieusement, appréciant sa bienveillance.
Gus
Toutefois, après avoir couché avec Gus, Mickey est rattrapée par ses démons, paniquant à l'idée de le décevoir : elle se remet à boire et se montre odieuse lorsqu'elle est invitée à sortir par Gus ou quand il la reçoit chez lui pour une soirée avec des amis - soirée à laquelle il a eu la mauvaise idée d'inviter aussi Heidi, actrice de la série "Witchita", esseulée depuis son arrivée à Los Angeles en provenance de Toronto. Gus et Heidi deviennent amants tandis que Mickey a tout gâché.
Mickey et Gus
Néanmoins, après s'être confiée à des amies, Mickey comprend son erreur et cherche à récupérer Gus, mais va à nouveau trop loin, en provoquant une esclandre au studio de tournage. Il préfère rompre, mais, bouleversé, se fait renvoyer ensuite lors d'une réunion entre scénaristes au cours de laquelle il n'admet pas qu'on mutile le script qu'il a proposé. Arya refuse alors de tourner si Gus est congédié
Gus et Mickey
L'attitude de Mickey lui vaut les reproches de Bertie et un sévère coup au moral. Heidi quitte Gus en apprenant que son rôle dans la série est supprimé (en partie par la faute du jeune homme, comme il le lui avoue). Mickey retrouve Gus dans la supérette où ils s'étaient rencontrés et lui présente des excuses, lui demandant de lui accorder une année pour qu'elle se soigne. Mais il semble déjà lui pardonner en l'enlaçant et en l'embrassant.
Ne faisons pas durer le suspense : je suis bien embêté au moment de déclarer si j'ai vraiment apprécier ce show. On sort de cette première saison vidé, à la fois charmé par des moments épatants et atterré par d'autres consternants.
Je ne porte pas Judd Apatow en grande estime : celui qui est souvent présenté comme le "nouveau maître de la comédie américaine" ne mérite pas ce titre selon moi. Je trouve son humour d'une rare vulgarité (à l'image des titres de ses films comme 40 ans, toujours puceau ; En cloque : mode d'emploi ; Mes meilleures amies), et le bonhomme a été plusieurs fois accusé de voler des idées à des collaborateurs (comme le scénariste Mark Brazill du 70's Show). Son goût pour les gags triviaux, son manque d'empathie pour les personnages (stigmatisés pour leur situation sentimentale ou coupables d'agissements vils), ses mises en scène quelconques séduisent pourtant de bons acteurs (Ben Stiller, sa femme Kristen Wiig, Paul Rudd, Rose Byrne...). Mais franchement je préfère la subtilité mordante d'un Billy Wilder à tout ça.
Récemment, les critiques ont observé toutefois que le cinéaste délaissait ses mauvaises manies pour s'intéresser de manière moins épaisse à ses contemporains (40 ans : mode d'emploi, la série Girls qu'il a produite). Love semble confirmer cette orientation et d'ailleurs le projet est surtout porté par l'acteur Paul Rust (dans une composition très attachante) et la scénariste Lesley Arfin.
Néanmoins, il faut se méfier des apparences. S'il n'est pas juste de juger un livre à sa couverture (ou une série à un de ses créateurs), il arrive quand même qu'on finisse par regarder quelque chose qui n'a rien de ce dont il se réclame. Ainsi, Love a les atours d'une sitcom : la durée de ses épisodes, son sujet, son casting, son mélange d'humour et d'émotion, tout l'indique. Or, en vérité, on ne rit pas beaucoup durant cette saison et pour cause : les héros traversent la vie avec peine, leurs relations amoureuses (et sexuelles) sont misérables, leurs comportements pathétiques, leur entourage est dépassé ou indifférent... Il y a quelque chose de profondément dépressif qui se joue ici, avec des trentenaires dont l'état émotionnel est miné.
Pour autant, fallait-il lester ce qui aurait alors pu être une chronique douce-amère sur un couple naissant dans la difficulté consécutive à leur mal-être avec des scènes et des dialogues d'une lourdeur détestable (exemples : "j'ai connu un type qui avait une bite si petite que j'ai cru que c'état un clitoris", "j'ai eu ma période où j'adorai baiser des mecs moches. On l'a toutes eue."... Et j'en passe). J'ignore si les filles (ou les mecs) entre elles (eux) échangent sur l'amour, le sexe, en termes si crus, si déplaisants, mais moi, ça ne me fait pas rire. Je trouve ça navrant, accablant, ça se veut choquant et c'est juste bête, stupide, vulgaire au dernier degré. Ni la comédie, ni l'émotion, ni les personnages qui doivent communiquer l'une ou l'autre n'en sortent grandis. C'est juste affligeant : peut-être suis-je trop vieux pour apprécier le "réalisme" supposé de ce dispositif, mais ça ne flatte rien d'autre que les bas instincts du public (dire des gros mots, s'exprimer de manière salace, c'est tellement cool, subversif, balancer "fuck" tous les trois mots pour souligner à quel point tout va mal...).
C'est dommage car les acteurs assument parfaitement les faiblesses, les mesquineries, les aspects horripilants de leurs personnages. Gillian Jacobs est formidable en fille névrosée, odieuse, égoïste, incorrigible : elle joue ça avec un aplomb incroyable et bien qu'elle soit jolie, elle ne s'appuie jamais sur son physique pour susciter l'indulgence. Malheureusement, son personnage, qui est au départ bien cerné (professionnellement et intimement), perd en consistance ensuite pour n'être plus qu'agaçant au point qu'on plaint vraiment Paul Rust, son partenaire, qui lui est dessiné avec plus de finesse et d'intensité au fur et à mesure. La présence de Carol O'Doherty, extra dans le rôle de Bertie, lumineuse, pleine de pep's sans être naïve, apporte un peu d'équilibre à une histoire qui balance sans arrêt entre ses défauts les plus méprisables (voir paragraphe précédent) et ses meilleurs atouts (oser le contrepied à la sitcom convenue, attendue).
A la fin, donc, tout est remis en jeu : Gus et Mickey vont-ils sauter le pas, réussir à partager une relation apaisée et aimante, se comporter en adultes - et la série avec eux ? La saison 2, prévue pour début 2018, le dira. Sans garantie que je la suive à nouveau du premier coup...
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