Deuxième entrée (sur quatre) sur le second run écrit par Brian Michael Bendis sur la série Guardians of the Galaxy, et je vous invite à examiner les épisodes 6 à 10 de ce Volume 3, l'arc narratif intitulé Wanted.
Dans les cinq premiers épisodes (Emperor Quill), les Gardiens de la galaxie, après avoir neutralisé la dernière Accusatrice Kree (qui tenait Peter Quill/Star-Lord pour coupable de la destruction de sa planète) et Yotat (un colosse prétendant être le "destructeur des destructeurs" et donc ciblant Drax), sont finalement obligés de fuir Spartax après la destitution de Quill, tenu responsable des troubles. L'équipe est désormais considérée comme une bande de renégats dans tout le cosmos mais elle s'est déjà fixée une nouvelle mission. Pour l'accomplir, ils décident de se séparer en quatre binômes...
Le premier binôme est formé par Kitty Pryde et Peter Quill. Ils atterrissent sur la planète Moord, monde d'origine des Badoon, extra-terrestres belliqueux, ennemis de longue date des Gardiens, et partent à la recherche d'un de leur prisonnier. Ils découvrent un camp de concentration, ce qui révolte Kitty. Elle passe à l'action et s'éloigne alors de Peter qui est capturé par des geôliers. Lorsqu'il revient à lui, on le jette dans une arène : il a été condamné à mort par les Badoon et son exécution est diffusée médiatiquement...
Le deuxième binôme est formé par Rocket et la Chose. Le premier s'est fait capturer par les Badoon pour créer une diversion : la Chose atterrit avec fracas sur Moord et, avec son acolyte, rassemble les esclaves pour les évacuer. Une des détenues tombe sous le charme de Ben Grimm, mais Rocket intercepte la diffusion de l'exécution de Quill...
Le troisième binôme est formé par Groot et Venom. Grâce à son symbiote, Flash Thompson atterrit avec son partenaire sur Moord, à proximité d'une carrière où sont cantonnés des prisonniers Skrulls. Anciens adversaires de Venom, ces aliens métamorphes ont perdu leurs pouvoirs. Quand leurs geôliers arrivent, les deux Gardiens les protègent puis les suivent dans une grotte où des centaines de leurs congénères travaillent dans une mine.
Le quatrième et dernier binôme est formé par Drax et Gamora. Ils attaquent Xalda-Volta, autre colonie pénitentiaire, voisine de Moord, mais lors de leur assaut, Gamora est capturée et conduite devant un tortionnaire qui veut savoir où se trouve son père, Thanos. Elle parvient à se libérer, grâce à un ultime résidu du pouvoir du Vortex Noir dont elle était investie, puis délivre celle qu'elle était venue chercher : Angela. Drax les rejoint et les prévient de la situation compromise de Quill...
Les Gardiens au grand complet volent au secours de Quill sur Moord et renversent les notables Badoon avec le renfort des esclaves qu'ils ont libérés. Alors que la garde impériale Shi'Ar arrivent pour nettoyer le champ de bataille, les héros reçoivent un message audio-vidéo de Carol Danvers/Captain Marvel depuis la Terre : elle sollicite leur aide car Tony Stark/Iron Man a déclenché une nouvelle guerre civile entre super-héros...
Brian Michael Bendis trompe un peu le lecteur sur la marchandise car le titre de cette collection d'épisodes, Wanted, ne traite pas du tout du statut de fugitifs des Gardiens de la galaxie - ils sont simplement persona non grata sur Spartax, et renouent avec leurs activités de pirates-justiciers de l'espace.
Le coeur de l'intrigue est surtout Angela, dont le scénariste tait le nom autant que possible pour entretenir un certain suspens. Mais cette façon de faire révèle en vérité le statut de ce personnage et sa place compliquée dans l'univers Marvel. A l'origine, cette héroïne est une création de Neil Gaiman et Todd McFarlane en 1993. Mais les deux auteurs s'en disputent la propriété et les droits d'exploitation par la suite, Gaiman n'approuvant pas ce que McFarlane veut en faire. C'est le début d'une longue bataille judiciaire que finira par remporter Gaiman, reconnu comme seul inventeur d'Angela. En 2013, à la faveur d'un accord avec Marvel (pour la finalisation de l'histoire qu'il avait écrite pour la série Miracleman mais jamais achevée et qui ne fut donc jamais publiée), il "loue" Angela à l'éditeur qui en contrepartie l'intègre à sa galerie de personnages et sa continuité.
C'est Bendis qui hérite de la guerrière et il l'introduit dans sa saga Age of Ultron (une initiative peu heureuse puisque cet event est connu comme son plus gros ratage et cette intégration d'Angela n'y a aucun impact). Par la suite, le staff éditorial de Marvel doit trouver une place à l'héroïne : Joe Quesada (le Chief Creative Officer lui-même) lui dessine un nouveau costume, elle traverse quelques titres sans que personne (auteurs comme lecteurs) semble vraiment quoi en faire, comment justifier son apparition, établir son rôle, elle a même droit à une mini-série (qui connaît un échec total). Finalement, elle reparaît dans Guardians of the Galaxy de Bendis, puis il est décidée qu'elle est originaire d'Asgard, son vrai nom étant Aldriff, soeur de Thor et de Loki !
Bref, Bendis (à qui ses détracteurs prêtent souvent un pouvoir décisionnaire égal à celui d'un editor chez Marvel) paraît avoir davantage subi qu'accepté Angela, qui ne faisait visiblement ni partie de ses plans pour Age of Ultron ni pour Guardians of the Galaxy. Mais il faut louer son mérite pour avoir fait "avec", bon gré mal gré. Et, dans ce Volume de la série, il choisit donc d'assumer l'exploitation d'Angela en en faisant le moteur de l'intrigue de ce récit.
L'équipe des Gardiens étant déjà bien fournie (huit membres), le choix de composer l'histoire en offrant une partie à un tandem différent durant les quatre premiers épisodes de l'arc est habile. D'un côté, cela permet d'assurer un certain dynamisme, en proposant quelques duos étonnants (prime à celui formé par Venom et Groot - le premier ne comprenant pas ce que dit le second). De l'autre, cela valide la stratégie du groupe pour justement trouver et libérer Angela en attaquant différents sites où elle pourrait être retenue par les Badoon. Enfin, il est amusant de découvrir comment seulement huit lascars s'y prennent pour assaillir une planète entière et délivrer ses esclaves.
L'action prime dans ce story-arc et Valerio Schiti fait une nouvelle fois la preuve de son savoir-faire pour découper énergiquement ces séquences avec des bagarres épiques et les dégâts matériels conséquents. L'artiste montre également que les Gardiens, en situation de guerre, agissent comme des soldats autant, sinon plus que comme de bons samaritains. Certains seront contrariés de voir ainsi Kitty Pryde ou la Chose tuer (alors qu'au sein des X-Men et des Fantastic Four, ce n'est pas la règle), mais Bendis contextualise, justifie cela : dans le cas de Kitty, la découverte d'un camp de concentration la renvoie à la Shoah et ses origines juives, elle réagit avec virulence et spontanéité devant une abomination qui fait écho au passé de sa communauté ; dans le cas de Ben Grimm, il s'agit d'une réponse dictée par les circonstances (il est agressé par des geôliers Badoon déterminés à l'exécuter et les prisonniers avec) et le propre manque de compassion de Rocket (pour qui dégommer ces vilains n'est pas un cas de conscience).
Mais l'aventure dispense aussi des moments plus calmes et même drôles où les dialogues de Bendis superbement illustrés par Schiti, très fort aussi pour traduire de manière expressive les émotions des personnages, s'amusent tour à tour des goûts vestimentaires désastreux de Kitty et de la vantardise de Quill dans ce même domaine, du pacifisme de Groot face à la rancoeur de Venom en présence des Skrulls, ou du cynisme macabre de Drax et Gamora.
Le final est un chouia grandiloquent avec un clin d'oeil appuyé à Spartacus, où les esclaves détrônent les Badoon, avec Angela posant comme une libératrice opportuniste (et s'enorgueillissant de garder sur ses mains le sang des ennemis qu'elle a occis). Mais l'ensemble est très rythmé, et divertissant.
La toute dernière page annonce la suite où la série va, durant trois épisodes, s'aligner sur les événements de la saga Civil War II, également écrite par Bendis.
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