Mercredi 1er Novembre : alors que, pour la Toussaint, tout un chacun honorait la mémoire de ses chers disparus, c'est un revenant dont Marvel nous proposait les nouvelles aventures. Je veux parler de Captain America, "réparé" par la dream team Mark Waid-Chris Samnee. Pour l'occasion, dans le cadre du nouveau statu quo, la série reprend sa numérotation historique et donc l'arc Home of the Brave démarre au #695.
Captain America intervient dans une bourgade contre un groupe de suprématistes blancs, "le Rempart", qui retiennent en otage des enfants.
Promptement, la sentinelle de la liberté mate ces sinistres lascars et sauve les gamins sans en tirer aucune fierté, n'ayant fait que remplir sa mission et louant plutôt le sang-froid des civils. Les méchants vont être récupérés par les autorités.
Dix ans ont passés depuis cette intervention. Steve Rogers revient à Burlington, Nebraska, théâtre de l'opération. Mais il y arrive en faisant profil bas, incognito, car, entre temps, un sosie nazi a usurpé son identité et son alias pour tenter de dominer le monde (cf. la saga Secret Empire). Son image ternie, sa réputation entachée, Captain America se demande s'il a encore sa place dans son pays, s'il a encore la confiance des citoyens.
Le souvenir de son exploit passé ici-même n'a pas été oublié et dans ce patelin, on continue chaque année à célébrer le héros lors d'un rassemblement avec des stands et des témoignages d'anonymes évoquant leur sauvetage par Captain America. Mais soudain, sur la scène dressée pour l'occasion, de nouveaux membres du "Rempart" surgissent et prennent la parole, menaçant le public.
Captain America n'a pas le choix : il doit à nouveau se battre. En jeu : prouver qu'il est encore là pour tout un chacun mais aussi en apprendre davantage sur cette organisation...
Depuis le run d'Ed Brubaker (2005-2012), Captain America a connu des fortunes diverses et des traitements inégaux. Rick Remender (2012-2014) a voulu s'inscrire dans la veine des épisodes de Kirby dans les années 70 (orientés SF) puis a transmis le bouclier du héros à Sam Wilson/Le Faucon (dans le titre All-New Captain America), puis Nick Spencer a depuis carrément doublé la mise avec Captain America : Sam Wilson et Captain America : Steve Rogers - ce dernier titre aboutissant à la fin du premier épisode que Steve Rogers était un agent de l'Hydra (une organisation nazie).
J'ai suivi toutes ces péripéties à distance, n'ayant pas accroché ni aux variations de Remender ni adhéré au diptyque de Spencer - et encore moins apprécié son twist sensationnaliste avec Steve Rogers. En même temps la démarche de Spencer correspond à un courant partagé par d'autres auteurs actuels (chez Marvel en particulier, me semble-t-il) où il est de bon ton de malmener le héros emblématique (voir Thor, Dr. Strange, Wolverine...) pour créer le buzz et ainsi booster les ventes.
Il n'empêche, je ne devais pas être le seul à être chagriné par cela car, durant et après la publication de la saga Secret Empire (toujours écrite par Spencer), les fans exprimaient sur les réseaux sociaux leur envie de retrouver un Captain America "réparé".
Tous les espoirs ont été placés en les mains expertes d'un tandem qui a enchaîné les prodiges (sur Daredevil et Black Widow) ces dernières années : Mark Waid et Chris Samnee, dont la complicité est telle qu'ils ne sont plus crédités comme scénariste et dessinateur mais storytellers. Pour Waid, c'est la troisième fois qu'il récupère le héros ; pour Samnee, c'était un défi qu'il souhaitait relever. Est-ce réussi ? Et comment s'y sont-ils pris ?
Tout d'abord, il y a dans ce premier chapitre un côté "back to the basics" narratif et cosmétique. De façon habile, les auteurs ont voulu redonner de la perspective à la série en découpant l'épisode en deux actes, dont le premier se déroule il y a dix ans (mais qui, dans la temporalité altérée du monde des super-héros, renvoie peu après que Steve Rogers ait été redécouvert et "dégelé" par les Avengers). Ce procédé donne à voir l'image encore pure du héros, celle de l'époque où Stan Lee ranima la créature de Joe Simon et Jack Kirby, mais aussi celle du Captain d'avant son double nazi de ces derniers mois. C'est ce qui s'appelle un nettoyage, comme quand, avant d'éteindre votre ordinateur, vous activez CCleaner. Simplement mais fermement, Waid et Samnee passent le balai après Spencer.
Puis on revient à la réalité actuelle : Steve Rogers sillonne l'Amérique profonde en civil, humblement mais soucieux. Les auteurs n'ont pas besoin d'appuyer leurs effets pour suggérer le malaise du personnage qui s'interroge sur l'opinion publique à propos de Captain America après qu'un double maléfique l'ait remplacé à la tête d'un mouvement totalitaire. Cette approche s'avère payante, avec même un zeste d'humour bienvenu (lorsque Rogers sursaute, croyant être reconnu parce qu'on lui fait remarquer sa ressemblance... Avec l'alter ego de Captain America ! Ou quand une fillette lui montre le mini-bouclier qu'elle a fabriqué) : au lieu de faire comme si de rien n'était, de reprendre du service aux côtés des Avengers (dont le sort sera sûrement éclairci courant 2018 avec une série hebdomadaire et sans doute un deuxième titre dédié, mensuel, lorsque le film Avengers : Infinity War sortira) ou en solo en fanfaronnant, il part sonder le coeur du pays qu'il symbolise sous le prétexte d'une mission (démanteler l'organisation suprématiste, le Rempart, qu'il avait affronté dix ans plus tôt donc).
C'est un épisode introductif (ou "ré-introductif" car, même en reprenant la numérotation historique, les auteurs suggèrent un droit d'inventaire pour mieux relancer le titre), donc rien de déterminant ne s'y passe. Ne vous attendez pas à de grandes révélations, un pardon rapide et général (même si les habitants du Nebraska se réjouissent du retour du héros). En revanche, si vous aimez Steve Rogers pour sa droiture morale, sa modestie (il rend à nouveau hommage aux braves gens plus valeureux que lui), et son efficacité, voilà de quoi vous rassurer et croire en de beaux lendemains.
Ce retour aux fondamentaux est aussi visuel puisque, surprise, Samnee dessine le Captain avec son costume éternel et pas celui customisé comme une armure : retour aux bottes retournés, aux gants ouverts, aux ailettes sur le casque, à la moto, et au bouclier rond (Sam Wilson l'ayant rendu pour reprendre son rôle de Faucon, avec une série consacrée à la clé). Sans être un puriste (il y a des re-designs heureux, comme celui de Hawkeye par David Aja, ou de Moon Knight par Declan Shalvey), j'ai une préférence nette pour les tenues dont l'allure survit parce qu'elle est la meilleure, la plus juste par rapport à celui qui la porte : Captain America, comme Spider-Man ou Daredevil, c'est un look, une carrure, une silhouette indémodables, intouchables. L'artiste lui rend aussi son identité ainsi, un peu old school, hors du temps, sans âge, sans gadgets (plus de pochettes - dont on ignorait souvent le contenu - accrochées au ceinturon). Le héros ressemble à nouveau à un personnage de comics, bariolé, pas forcément réaliste, pas son adaptation cinéma.
Et Samnee l'anime superbement : Captain America n'a "ni pouvoirs ni armure", comme le dit un anonyme dans une scène, mais sa qualité réside dans sa combativité, son expérience, c'est un athlète "olympique" (comme l'ajoute un autre témoin), capable de faire valdinguer un régiment de fanatiques après avoir été enseveli par eux. Et qui manie son bouclier comme un protection (pour lui et les autres) et un arme de précision, presque doté d'un lien avec lui (mystère de la physique aérodynamique chez les super-héros mais l'objet revient toujours dans les mains de son propriétaire, tel un boomerang ou le marteau de Thor, alors qu'il n'est pas enchanté). Il y a un swing dans ces pages qui vous donne le sourire.
Sans préjuger de la suite (personne n'a communiqué, créateurs ou editor, sur la durée du run), voilà autant de raisons de se réjouir : si Waid et Samnee font aussi bien que sur Daredevil et Black Widow (en souhaitant qu'ils fassent aussi long que pour DD aussi), je pense que Cap's back !
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