mercredi 22 novembre 2017

GLOW (Saison 1) (Netflix)


Mis en ligne sur la plateforme Netflix en Juin dernier, la première saison de GLOW a fait partie des séries remarquées du producteur-diffuseur, récoltant des critiques élogieuses et un renouvellement pour une deuxième année (certainement en 2018). Et c'est tout à fait mérité car le show créé par Carly Mensch et Liz Flahive est une réussite sensationnelle.

Ruth Wilder (Alison Brie)

1985, Los Angeles. Ruth Wilder, la trentaine, court les auditions sans jamais parvenir à décrocher un rôle intéressant malgré l'implication qu'elle y met et un talent évident. Après un énième échec, une directrice de casting la rappelle pourtant pour lui proposer un rendez-vous à condition d'être prête pour une "expérience spéciale" (mais en promettant qu'il ne s'agit pas d'un porno). Le même soir, Ruth voit arriver chez elle Mark Eagan, son amant, avec lequel elle accepte de coucher une nouvelle fois, toute à sa joie d'avoir un job. 

Sam Sylvia (Marc Maron)

Le lendemain, elle se rend à l'adresse qu'on lui a communiquée : c'est un hangar avec en son centre un ring face auquel, sur des gradins, patientent déjà une bande de femmes de toutes origines et de tous âges. Sam Sylvia, un réalisateur de séries Z, leur détaille alors le projet qui les réunit : il s'agit de monter un spectacle de catch féminin pour une chaîne de télé. Cette proposition saugrenue en fait fuir quelques-unes, mais pour la douzaine qui reste c'est une opportunité unique pour avoir un boulot. Parmi elles, Ruth tente sa chance.

Les futures Georgeous Ladies of Wrestling

Sam a soigné son affaire : il distribue à chacune un rôle et un scénario afin que le divertissement soit assuré. Toutefois, ses initiatives rendent perplexes Sebastian "Bash" Howard, le jeune producteur, un fils à maman de bonne famille mais réellement passionné par la lutte : il préférerait jouer sur des stéréotypes (permettant aux téléspectateurs de s'identifier facilement) et plus de légèreté. Entre temps, Debbie Eagan, la femme de Mark et meilleure amie de Ruth, a appris la liaison de ces deux-là et annonce à la dernière qu'elle ne veut plus la fréquenter. Cette scène inspire à Sam une idée : faire combattre les deux rivales.

Justine Biagi (Brit Baron)

L'entraînement commence . Les filles font preuve de bonne volonté même si certaines ne s'entendent pas toujours cordialement (Cherry, la coach, et Melanie). D'autres sont rattrapées par leur passé (Sheila vit cette expérience comme une sorte de test après avoir avoir été longtemps seule), par leur famille (Carmen est issue d'une famille où son père et ses deux frères sont des catcheurs professionnels), ou doivent composer avec les préjugés de leurs personnages (Arthie, une indienne jouant une libanaise terroriste). Mais surtout, après d'âpres négociations et parce qu'elle ne veut plus occuper le domicile conjugal  (malgré la menace d'un divorce et la perte de la garde de son bébé), Debbie rejoint la troupe dont Sam lui a garantie qu'elle serait la vedette. 

A l'entraînement

Alors que Ruth galvanise ses camarades en prenant elle-même très à coeur la composition de son personnage, Sam doit se démener avec Rhonda, une de ses lutteuses qui couche avec lui, et Justine, qui se comporte comme une groupie étrange avec lui. Debbie lui impose aussi ses caprices quand elle estime ne pas trouver parmi les filles une adversaire digne de la mettre en valeur... Jusqu'à ce que le réalisateur lui fasse admettre que Ruth est parfaite pour cela. Mais Ruth découvre qu'elle est enceinte de Mark et s'en ouvre à Sam qui l'accompagne jusqu'à une clinique pour qu'elle avorte selon son souhait.

Sebastian "Bash" Howard (Chris Lowell)

Tandis qu'une salle doit être louée pour tourner le "pilote" du show, "Bash" est mortifié lorsque, après une réunion avec les cadres de la chaîne télé, il avoue à Sam que sa mère lui a coupé les vivres. Tout le projet est compromis... A moins de profiter des circonstances. Les filles s'emploient alors à collecter de l'argent tout en s'attelant à la confection de leur costumes et accessoires. Et "Bash" les entraîne chez sa mère qui organise une collecte de fonds pour de jeunes toxicomanes au cours de laquelle il présente les lutteuses comme d'anciennes junkies qui se sont réhabilitées par le sport. Sa mère lui confisque les dons de ses invités mais consent à lui prêter une salle de danse pour le tournage.

"Zoya la destructrice" et "Fortune Cookie" (Alison Brie et Ellen Wong)

Sam, qui s'est soûlé lors de la soirée et a fait des avances à Justine, apprend, sidéré et dévasté, que celle-ci est sa fille, conçue avec une aventure sans lendemain. Il n'assiste pas aux répétitions du show que régit Ruth après la défection de Debbie, qui a décidé de donner une seconde chance à Mark. Quelques filles, pour remplir la salle, vont offrir des places à des spectateurs patientant devant un cinéma qui projette "Retour vers le futur". Le spectacle peut commencer.

Debbie "Liberty Belle" Eagan (Betty Gilpin)

Les Georgeous Ladies Of Wrestling enchaînent les combats avec un abattage irrésistible devant un public de plus en plus déchaîné, parmi lequel se trouvent Debbie et Mark, qui ne cesse de se moquer d'elles. Quand arrive le final, agacée, Debbie défie Ruth dans son rôle de "Zoya la destructrice soviétique" et monte sur le ring l'affronter en tant que "Liberty Belle". C'est la folie dans les gradins et sous les yeux de Sam et Justine tandis que deux caméramen enregistrent tout... Quelques jours après, les filles sont toutes réunies devant un poste de télé pour regarder la diffusion de la première émission, même Debbie qui n'a pas encore complètement pardonné Ruth.

Il y a quasiment dans GLOW tous les ingrédients pour provoquer les ricanements du téléspectateur et l'inciter à douter de la qualité d'une série pareille, mais c'est aussi comme si les deux créatrices du show, Liz Flahive et Carly Mensch, avaient volontairement choisi de cumuler toutes ces difficultés pour nous prouver, selon la formule bien connue, qu'il ne faut pas juger un livre à sa couverture.

Nous voilà transportés en 1985 avec ses looks improbables, ses coupes de cheveux impossibles, sa musique ringarde, dans le monde du catch, féminin de surcroît : plus kitsch tu meurs ! En comparaison avec d'autres séries qui explorent notre passé récent (comme par exemple l'excellent The Americans et son couple d'espions russes infiltrés aux Etats-Unis), rien ici ne paraît voler bien haut mais invite plutôt à la rigolade régressive.

Erreur ! Car ce qui distingue GLOW, c'est que derrière son titre acronyme (pour Georgeous Ladies of Wrestling, soit les Superbes dames du Catch), se cache un tout autre défi, beaucoup plus fin, nuancé et touchant. Loin de ridiculiser ses héroïnes, la série les sublime en nous offrant une prodigieuse galerie de caractères, interprétée par des actrices qui s'emparent de leurs personnages avec la même communicative énergie que les lutteuses montent sur le ring.

Il est donc question de féminisme dans cette affaire mais sans discours pontifiant : le seul point commun que partage cette troupe de filles, c'est d'en être arrivés là comme au terminus. Ce job de lutteuses, c'est leur dernière chance de briller, d'exister, de s'assumer, s'assouvir une passion. Certaines se saisissent de leur partition avec crânerie, sans beaucoup de sérieux au début, et créent puis doivent assumer les tensions qu'elles provoquent. D'autres veulent s'inscrire dans une tradition familiale, ou bien re-goûter à une vie sociale pour fuir la solitude, la marginalité. Toutes leurs motivations sont formidablement détaillées et bien cernées, ce qui permet au téléspectateur de les identifier facilement alors que le casting est fourni.

En parallèle l'histoire, riche en rebondissements, tour à tour dérisoires ou graves (il est question autant d'apprendre les gestes du catch que d'assumer un avortement), montre habilement la progression du spectacle en train de se construire, depuis la réunion inaugurale dans un hangar douteux jusqu'au tournage dans une salle de danse en passant par la vie dans un motel privatisé, les rencontres avec le sponsor, les réunions avec les décideurs de la chaîne, la participation (épique) à une collecte de fonds de la dernière chance. Savoir mêler l'intime (la vie des filles entre elles et de chacune, avec en point d'orgue la relation abîmée de Ruth et Debbie) et le spectacle (avec les entraînements, les répétitions, la composition des personnages de lutteuses, jusqu'au final flamboyant) est la grande réussite du show.

J'ai évoqué plus haut la contribution des actrices et la distribution est effectivement extraordinaire : Britney Young ("Machu Picchu"), Jackie Thon ("Melrose"), Sydelle Noel ("Junk Chain"), Kia Stevens ("Tax Queen"), Kate Nash ("Britannica"), Brit Baron ("Scub"), Gayle Rankin ("She-Wolf"), Ellen Wong ("Fortune Cookie"), Sunita Mani ("Beyrouth"), elles sont toutes fabuleuses. Mais la série doit énormément aussi à l'épatant Marc Maron (loser attachant), Chris Lowell (petit bourge sympa), et surtout au duo formé par Betty Gilpin ("Tu es Grace Kelly. Grace Kelly sous stéroïdes." dixit Sam Sylvia à sa "Liberty Belle") et Alison Brie (inouïe de pep's et d'émotion - si elle ne finit pas par décrocher un Emmy award avec ce rôle, je n'y comprends rien).

Même s'il y flotte une mélancolie troublante, GLOW est un concentré de bonne humeur, une série en état de grâce, un exercice d'équilibre virtuose. Vous savez ce qu'il vous reste à faire si vous ne l'avez pas encore vu !  

1 commentaire:

Anonyme a dit…

pas encore essayé mais pourquoi pas au vu de ton billet (arrowsmith)