Ne tournons pas autour du pot : X-Men : Red #1 est la meilleure chose que j'ai lue cette semaine. C'était une série dont j'attendais le lancement avec impatience et je n'ai pas été déçu. Al Ewing donne rien moins qu'une leçon d'écriture, impressionnante, et Stefano Caselli nous en met plein la vue avec un dessin superbe. Sans doute la série X la plus prometteuse de l'ère Destiny of X.
Le bar Red Lagoon. Sunspot, propriétaire de l'endroit, tente de calmer Vulcain qui s'en prend à un client Shi'ar et reçoit l'aide de Thunderbird avant que Abigail Brand et Cable n'interviennent.
Brand rejoint Tornade à la fin de la réunion du Grand Cercle. Elle lui suggère de trouver des ambassadeurs pour Arakko mais Ororo refuse que les X-Men s'en mêlent.
Le Château d'Automne. La nouvelle résidence de Magneto sur Arakko reçoit la visite de Sunspot puis de Tornade qui se préoccupent des plans de Brand et veulent les contrer.
Jonathan Hickman, dans une interview-bilan sur son travail sur la franchise X, avait expliqué avoir attiré Al Ewing en lui proposant d'écrire une série sur les vies de Moira MacTaggert. Ewing avait hésité à accepter mais, intrigué, avait participé à une conférence en ligne des différents scénaristes de la franchise. A l'issue de X of Swords, il avait collaboré au pitch de ce qui allait devenir la nouvelle formule de S.W.O.R.D. pour exploiter le coin cosmique des X-Men.
Finalement, l'aventure n'aura duré que onze épisodes et on peut deviner que la fin de la série a été prise d'un commun accord entre l'éditeur et Ewing car, tout au long de la publication, le scénariste a dû composé avec des éléments dont il n'était pas l'instigateur (à commencer par l'event King in Black). Mais, cependant, il a contribué à placer sur le devant de la scène Abigail Brand, l'espionne de l'espace créée par Joss Whedon, et à en faire une redoutable manipulatrice, en vérité alliée d'Orchis, cette organisation anti-mutante présentée dans House of X.
Co-auteur actuellement de Venom (avec Ram V, et Bryan Hitch au dessin) mais aussi de Defenders, et avant cela de la dernière mouture de Guardians of the Galaxy (le titre attend son relaunch, qui ne devrait pas tarder puisque les personnages sont présents dans le quatrième film consacré à Thor, Love and Thunder), Al Ewing reste donc dans le registre cosmique avec X-Men : Red.
Il convient, à présent, de préciser que X-Men : Red n'a rien à voir avec la série du même nom, écrite en 2018 par Tom Taylor. Ici, le Red du titre évoque bien entendu la planète rouge du système solaire, Mars, désormais rebaptisée Arakko depuis que les mutants l'ont terraformée et colonisée. Tornade en est la régente et doit veiller sur les arakki, déplacés pour préserver la Terre de leur caractère belliqueux.
Si SWORD a toujours pêché par un manque clair de direction, et une narration misant beaucoup (trop ?) sur ce qui se jouait hors-champ, X-Men : Red aborde son propos de manière beaucoup plus frontale, en profitant justement de la révélation concernant l'alliance de Brand avec Orchis, mais qui est ignorée des mutants de Krakoa et d'Arakko. Pourtant, si Brand reste bien présente, et au coeur de l'intrigue, Ewing embrasse ici un casting plus étoffé.
Sans parler de série chorale, X-Men : Red est pourtant bien un titre à plusieurs voix. Ewing nous les présente au fil de scènes apparemment éparses mais qui sont liés in fine par Brand justement, qui, sans être caractérisée comme une méchante, en devient le centre névralgique. Il y a donc Ororo Munroe/Tornade, dans son rôle de régente, mais qui s'interroge sur la bonne manière de gouverner Arakko et d'être acceptée par les arakki, titillée par Isca l'imbattable. Il y a Roberto da Costa/Sunspot qui tient sur Arakko un bar et veut faire prospérer son business, recevant l'aide ponctuelle de John Proudstar/Thunderbird, quand il doit calmer l'impétueux Gabriel Summer/Vulcain. Il y a Abigail Brand et Nathan Summers/Cable, qui arpentent Arakko en jouant aux shériffs. Et il y a Max Eisenhardt/Magneto, qui vient de se retirer du conseil de Krakoa et s'établit sur Arakko, à l'écart de tout et de tous, n'aspirant qu'à la tranquillité.
Lorsque Brand suggère à Tornade de nommer des ambassadeurs pour représenter Arakko en impliquant les X-Men, Ororo comprend que Abigail a une idée derrière la tête, tout comme Sunspot qui, l'ayant vu embarquer Vulcain sans l'arrêter, devine qu'elle pourrait bien s'en servir comme d'une arme redoutable. Magneto ne veut rien avoir à faire avec Brand mais se ravise quand on lui explique qu'elle ne lui fichera pas la paix.
Al Ewing, en un seul épisode, pose donc énormément d'éléments narratifs et dramaturgiques, avec une densité qui n'a d'égale que sa fluidité à les exposer. Chaque scène est parcourue par une espèce d'électricité tout à fait remarquable, on sent la tension dans les échanges, mais aussi dans les non-dits, les attitudes, les regards. Chaque protagoniste est face à un choix et ne peut pas se contenter de regarder, d'attendre, de ne rien faire. Lorsque Tornade est interrogée sur la réponse la plus adéquate à apporter aux problèmes qui se présentent, elle fait une réponse qui claque et renvoie le fan des X-Men à une nomination savoureuse.
Le plaisir de lire ces dialogues, d'observer ces situations, d'analyser le comportement des héros est tout simplement fabuleux. Je ne mens pas ni n'exagère en disant que c'est une leçon d'écriture que donne Ewing, et il suffit de comparer la qualité de sa mise en scène avec celle de Kieron Gillen pour Immortal X-Men #1 (qui est le pendant de X-Men : Red) pour le constater. Ici, tout coule, tout est vibrant, intense, on est embarqué, emporté. Pas besoin de voix-off ironisante, ni même d'un narrateur à part. Ewing maîtrise Tornade comme peu d'auteurs avant lui, il anime Sunspot avec une intelligence rare, Brand est parfaitement dirigée, et Magneto en impose naturellement. C'est le top.
Et ça continue au dessin. Stefano Caselli n'avait fait que passer sur SWORD alors qu'il était annoncé comme le successeur de Valerio Schiti (qui en six épisodes avait grandement revampé les personnages et imprimé sa marque sur le titre). Cette fois, il a promis de s'imposer, s'investissant en amont depuis des mois sur ses épisodes (même si le talentueux Juann Cabal le suppléera sur le #4).
On veut bien le croire quand on voit l'allure de ce numéro 1 qui est d'un niveau très élevé. Caselli dispose d'un casting quatre étoiles, des personnages forts (et fort bien écrits), charismatiques, dans un décor où tout reste à inventer, et au coeur de situations dynamiques.
Il s'approprie tout ça avec un brio épatant et dès la première scène (épique, sauvage, troublante), on sent qu'on lit quelque chose de peu commun, de puissant. Qu'il s'agisse de représenter les jeux de pouvoir au sein du Grand Cercle, de découper une scène d'action tendue dans le Red Lagoon bar, une conversation pleine de sous-entendus, ou une réunion au sommet entre mutants krakoans, Caselli dessine ça avec une puissance descriptive, une expressivité tout à fait extraordinaire.
Il y a de la chair, de la matière dans ce dessin, avec un trait noueux, qui convient si bien au propos. Caselli est un grand artiste, qui commence à avoir pas de travaux au compteur (Secret Warriors, Marauders, du Spider-Man, Avengers World...), et fort de ces expériences, son art a pris du volume, il a de la personnalité, on ne le confond avec personne et sa justesse repose sur une technique éprouvée. La colorisation de Federico Blee lui convient bien également, sobre et élégante.
Plus que Duggan, ou Gillen, et en attendant Knights of X de Tini Howard, Al Ewing a la carrure d'un nouveau patron pour la franchise X (quand bien même n'endossera-t-il pas le rôle de superviseur qu'avait Hickman). Avec Caselli à ses côtés, il peut voir loin. X-Men : Red est déjà un must-read de l'ère Destiny of X.
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