Après un break de quatre mois, Fire Power revient et reprend pile là où on avait laissé l'histoire. Robert Kirkman a renversé la table avec le cliffhanger spectaculaire de son dernier numéro et Chris Samnee continue de le suivre dans ce qui est maintenant bien plus qu'une histoire de kung-fu, de clans rivaux. Le résultat est grandiloquent et très inégal.
Terrés dans une crevasse, Owen, Kellie, Doug, Haley, Reggie et Wei Lun observent, sidérés, l'envol du dragon, chevauché par Maître Shaw, au-dessus de ce qui fut le Temple du Poing de Feu.
Dans la ville la plus proche, Maître Shun traverse un marché et neutralise prestement un voleur. Il est remercié par la victime. Un grondement retentit : le dragon fonce sur l'agglomérationet la dévaste.
Owen, sa famille, Reggie et Wei Lun sortent de leur cachette, résolus à tout faire pour arrêter, sans savoir comment Maître Shaw. Mais Chen Zul et les sujets du Serpent les attendent au tournant.
Un combat s'engage. Le serpent de Chen Zul mord Owen, qui perd le contrôle de lui-même. Doug et Haley réussissent à sauver leur père, qui a compris qu'il leur faut des renforts...
Disons-le d'emblée : il faut s'attendre à un nouvel arc à la narration décompressée, même si Robert Kirkman dispose déjà quelques pions pour le futur proche de la série. En effet, si on compte le nombre de scènes et qu'on le compare à la progression de l'histoire, cet épisode n'avance guère, comme si le scénariste voulait profiter du moment.
On ne peut guère lui reprocher : en effet, il y a quatre mois, lors de la parution de Fire Power #18, il nous laissait comme deux ronds de flan avec l'apparition du légendaire dragon endormi dans les fondations du Temple du Poing de Feu. Un événement considérable qui faisait basculer toute la série dans une nouvelle dimension, au-delà des rivalités entre clans et de bastons épiques à coups de kung-fu.
Ce monstre surgi des profondeurs inscrivait la série dans un registre beaucoup plus épique et il est logique que Kirkman veuille insister sur ce point en montrant bien l'état de sidération que peut provoquer une telle créature et ce qu'elle apporte au scénario. Vous allez me dire que ce n'est pas le premier dragon qu'on croise dans une fiction (en BD, en série télé, au ciné), mais par rapport aux boules de feu et des serpents vénéneux, c'est sans commune mesure avec ce que proposait jusqu'à présent Fire Power.
Donc, en un sens, il est justifié que l'auteur insiste sur la stupéfaction commune et simultanée des personnages et du lecteur. Le souci se situe davantage dans le temps qu'y consacre Kirkman car, passée l'entrée en scène du dragon, honnêtement, on n'a guère avancé dans cet épisode. Et il faut donc s'attendre à ce que ce se soit comme ça encore un petit peu car le scénariste veut souligner à quel point l'événement ne se cantonne pas au Temple, à la ville la plus proche, mais bien au monde entier, via une double page où on voit les médias mondiaux relayer ce fait extraordinaire.
Hormis cela, donc, rien de bouleversant. L'épisode semble se dérouler en temps réel, il se lit vite, san ennui, sans grande émotion non plus. On a droit à un dialogue touchant mais convenu entre Owen et sa fille Haley (qui espérait tant découvrir là où son père s'était formé et craque nerveusement devant l'accumulation de catastrophes), puis ensuite on a une baston avec les sujets du Serpent. Surtout, on fait connaissance, de manière encore superficielle, avec Maître Shun, dont on sait (parce qu'il a les honneurs de la couverture et d'une scène entière, très efficace) qu'il aura un rôle important pour la suite.
Mais Kirkman ne force pas son talent et sort même de son chapeau une petite surprise concernant Doug, le fils de Owen et Kellie, qui tombe à plat parce que trop prévisible et providentielle.
Chris Samnee n'a pas dû beaucoup profiter du hiatus de la série pour se reposer puisqu'il continue de dessiner Jonna and the Umpossible Monsters (co-écrit avec sa femme Laura) et que Kirkman se repose encore une énième fois beaucoup sur lui pour donner du relief à cet épisode du retour.
Samnee ne se ménage pas avec des doubles pages et des pleines pages, par ailleurs magnifiques, mais qui mettent en évidence un script plutôt maigre. Du coup, si doué soit-il, on le sent parfois livré à lui-même quand il doit composer une scène de baston entre Owen, Wei Lun et Shen Zul qui est franchement mal découpée. C'est si surprenant de la part de Samnee qu'on le remarque tout de suite, mais c'est comme si, soudain, il n'avait plus la solution pour rendre cette bagarre aussi énergique, aussi bien construite. Les angles de vue sont maladroits, les valeurs de plans idem : ça ne fonctionne pas car on ne sent pas l'impact des coups, la voltige acrobatique à laquelle il nous avait habitués quand il confrontait ces as du kung-fu - et alors que la scène avec Maître Shun dans le marché est au contraire un moment de pure virtuosité.
En outre, j'ai pu noter quelques cases mal encrées, ou encrées à la va-vite, avec des épaisseurs dans le trait inégales qu'on peut là encore mettre sur le compte d'un travail précipité. Une autre (mauvaise) surprise de la part de Samnee, qui est pourtant parfait d'habitude dans ce domaine.
Bref, c'est un come-back en demi-teinte. OK, il y a le dragon et Maître Shun. Mais le reste manque de piment. La série est à un vrai tournant car Kirkman l'engage dans une direction plus franchement et simplement spectaculaire. Sera-ce sa limite ? Ou un moyen de se transcender ? On devrait être fixé d'ici la fin de cet arc (donc vers le #22).
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