Devil's Reign s'achève - presque - avec ce sixième épisode. Presque car il reste encore un numéro "Omega" pour conclure cet event et établir le nouveau statu quo de Daredevil et quelques autres personnages directement impactés par l'histoire de Chip Zdarsky. Marco Checchetto finit en beauté ce récit à ranger parmi les bonnes sagas de Marvel ces dernières années.
Les civils et les Thunderbolts sous l'emprise de l'Homme Pourpre affrontent les super-héros. Dans ce chaos, Daredevil reçoit un appel de Kristen McDuffie qui lui dit que Wilson Fisk a tué Matt Murdock.
Quittant le champ de bataille, Daredevil laisse ses amis se débrouiller. Mais Joseph, le dernier fils de Zebediah Kilgrave, arrive pour défier son père. Luke Cage lui prête main forte.
Tout n'a pas été parfait dans la manière dont Chip Zdarsky a racontée son histoire mais, au final, c'est quand même un sentiment positif qui l'accompagne. Parce qu'on a l'impression que le scénariste a pu écrire ce qu'il avait en tête et qu'il a mené Daredevil là où il le désirait, prêt à s'engager dans une nouvelle direction, plutôt radicale.
Cela méritait-il un event ? Ou plutôt : un event était-il le véhicule idéal pour cette histoire ? Disons que je suis partagé. Ces six épisodes ne manquent pas de souffle ni d'ambition et impliquer une palanquée de personnages n'est pas injustifié. Toutefois, je crois que tout cela aurait pu être contenu dans la série Daredevil sans perdre en efficacité ni en intensité.
Au rayon des échecs, je relèverai surtout la piste du candidat concurrent à Wilson Fisk pour la mairie. L'éviction de Tony Stark au profit de Luke Cage est intelligente, mais a été traitée par-dessus la jambe, car on devinait que Stark prenait mal le soutien de ses camarades envers Cage plutôt qu'envers lui. Néanmoins, cela a le mérite de replacer Luke Cage dans une position plus intéressante, alors que Stark n'a pas besoin de ça - ne serait-ce que parce qu'il existe une série régulière Iron Man et pas de série Luke Cage depuis belle lurette ? Maintenant, il faudra voir ce que Marvel a en rayon pour Cage car s'il s'agit juste de le traiter comme le futur maire de New York sans lui accorder plus de place que de la figuration dans plusieurs séries, ça sera décevant. Depuis Bendis, Cage est trop sous-exploité.
Sans aller jusqu'à parler d'échec, on ne peut qu'être frustré par la grande bataille finale, qui s'avère aussi brouillonne qu'expédiée. C'est une sorte d'étape obligée, et le surcroit de puissance accordé pour l'occasion à l'Homme Pourpre promettait quelque chose d'épique. Mais on sent bien que Zdarsky n'était guère inspiré par l'exercice et même avec le retour dans la mélée des 4 Fantastiques et de Moon Knight (dont la détention au Myrmidon a été aussi escamotée dans l'event pour produire des tie-in), on reste sur notre faim. C'est là la limite de l'event et c'est pour cela que je pense que cette histoire aurait aussi bien fonctionné comme un arc dans la série Daredevil parce qu'alors cette grande bataille n'aurait pas eu besoin d'être autant mise en avant.
Malgré ces réserves, comme je l'écrivais plus haut, on finit la lecture de Devil's Reign avec une impression positive parce que l'ensemble est bien mené, plaisant, et laisse les principaux protagonistes dans des situations prometteuses. Il est cependant difficile et délicat d'en dire vraiment plus sans trop déflorer l'issue de ce sixième et dernier épisode.
La confrontation entre Daredevil et le Caïd tient ses promesses : c'est une bagarre âpre, violente, brutale. La réaction de DD face à son ennemi juré montre bien tout le déchirement qui tiraille le justicier à l'heure d'en finir et Zdarsky s'en sort intelligemment. Surtout, il offre aux deux adversaires une porte de sortie originale. En particulier pour Daredevil que la mort de Mike Murdock permet de reconsidérer radicalement son parcours de héros. Le scénariste reprend une piste narrative qu'il avait semblé laisser en jachère dans la série Daredevil et qui, en fait, sera au coeur du prochain volume qui débutera en Juin prochain. Toutefois, je reste indécis sur le choix de m'engager dans ce nouveau run car Zdarsky m'a trop habitué à de bons débuts pour ensuite s'enliser.
D'un autre côté, avec les héros aux prises avec l'Homme Pourpre et ses "sujets", l'issue impacte donc surtout Luke Cage. Le voici désormais assuré d'être élu maire de New York (c'est le seul spoiler que je m'autorise, d'autant que le dessinateur Dan Panosian a sorti une variant cover pour Devil's Reign qui dévoile déjà cet élément). Pour le reste, c'est en somme la routine : ni les Avengers, ni les Fantastic Four, ni les Champions, ni Spider-Man (encore incarné par Ben Reilly dans cet event) ne connaissent de conséquences liés à cette histoire. Et Marvel a visiblement tenu à contenir ces répercussions puisque l'event lui-même n'aboutira qu'à la relance de Daredevil et au retour d'une série Thunderbolts (dont les membres seront chargés de nettoyer le bazar laissé par tout ce qui vient de se passer).
Le dernier point à observer concerne la partie graphique. J'avais quelque appréhension sur la capacité de Marco Checchetto à tenir ses délais et même à compléter cette saga tout seul, étant donné qu'il a été infichu de produire plus de cinq épisodes d'affilée sur Daredevil depuis le début du run de Zdarsky. C'est récurrent chez cet artiste par ailleurs excellent mais qui, comme beaucoup d'autres, peinent à ménager ses efforts pour enchaîner les chapitres.
Qu'on ne s'y trompe pas : je suis un fan de Checchetto. Mais c'est toujours frustrant de suivre un artiste qui n'arrive pas à être régulier. Checchetto s'en sortirait sans doute mieux avec le soutien d'un encreur, mais c'est délicat de priver un dessinateur du contrôle total de ses images, surtout à l'heure où la majorité travaille numériquement. C'est d'ailleurs tout le paradoxe de l'époque qui veut que chacun dispose désormais d'outils sophistiqués, censés faire gagner du temps par la richesse de leurs applications, mais qui souligne surtout les retards pris par ceux qui les utilisent. A contrario, certains dessinateurs qui sont restés fidèles au crayon, à l'encre/au feutre et au papier sont souvent plus performants...
En tout cas, Checchetto n'aura pas flanché et il rend même une copie plus que satisfaisante au terme de ce projet. Il a livré un effort généreux et efficace, animant des personnages avec caractère, et produisant son comptant de scènes épiques. Le morceau de bravoure de cet épisode, la bagarre entre Fisk et DD, est vraiment impeccable, et permet de mesurer le talent narratif de Checchetto dans ce genre d'exercice. En outre, il faut noter, chose non négligeable, que ce dernier chapitre avoisine les 40 pages, et ne souffre d'aucun temps mort, d'aucune baisse de régime : jusqu'au bout, vraiment, Checchetto aura régalé les fans et sa prestation figure parmi les meilleures qu'on ait lue sur un event ces dernières années. Sans oublier les couleurs, superbes, de Marco Meniz (qui a su mettre en valeur le trait de Checchetto).
Même si, en soi, cet ultime numéro de Devil's Reign en dit déjà beaucoup sur ce que va devenir Daredevil (ou du moins sur le chemin qu'il va emprunter dans ses prochaines aventures), je reste cureieux de ce que racontera Devil's Reign Omega. Et, qui sait, peut-être lme laisserai-je tenter en Juin par la relance du titre du Diable Rouge...
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