Cette fois, comme le chante Orelsan, "la fête est finie". Fini de rigoler pour One-Star Squadron. Pour son pénultième épisode, Mark Russell tombe les masques et opère un virage dramatique qui cueille le lecteur efficacement. Steve Lieber met son talent avec un égal bonheur au service de ce changement de cap.
L'incendie de l'agence de HEROZ4U révèle qu'il s'agit d'un acte criminel. Les employés et leur manager, Red Tornado, sont interrogés par la police. Power Girl est la coupable idéale.
Pourtant Red Tornado la croit innocente et lance les autorités sur une autre piste, celle de Gangbuster, qui a quitté son hôtel dans un état de grande confusion après une bagarre avec des voisins.
De retour chez lui, Red Tornado ne peut dissimuler son malaise devant sa femme, Kathy. Il soulage sa conscience en lui révélant la vérité sur l'incendie et le responsable.
La tournure imprimée à l'intrigue a de quoi surprendre. Après quatre épisodes plutôt drôles même si également très cruels, One-Star Squadron ne fait plus rire et révèle sa part sombre. Quelle mouche a piqué Mark Russell ?
En vérité, un malaise traverse la mini-série depuis son commencement et a d'ailleurs provoqué quelque crispation chez les lecteurs. Beaucoup ont cru que cette histoire s'inscrivait dans la continuité et n'ont guère goûté de voir certains personnages pour lesquels on peut avoir une légitime tendresse être rabaissés ainsi.
Pourtant le propos de Mark Russell ne manque ni d'intérêt ni de pertinence. Mais en aucun cas le scénariste n'a entretenu d'ambiguïté sur l'univers dans lequel se déroulait son récit : il s'agit bien d'un "Elseworld", qui lui permet de prendre comme prétexte le folklore super-héroïque pour filer la critique de la société capitaliste, de l'überisation du travail.
Je l'ai déjà écrit dans les précédentes critiques que j'ai rédigées sur cette mini-série, mais la force principale de One-Star Squadron, c'est justement de placer des super-héros de deuxième et troisième caégories dans la situation de travailleurs humiliés par des investisseurs sans scrupules, profitant de leur peu de popularité pour qu'ils acceptent des jobs, des missions dégradantes. Ainsi notre affection pour les protagonistes sert à souligner la cruauté de leur condition. Que devient un super-héros quand il est oublié ? Comment survit-il ? Et d'ailleurs est-il encore un super-héros, un héros tout court ?
Red Tornado a dignement et courageusement remonté le moral des troupes dans le précédent épisode tout en apprenant que les actionnaires de HEROZ4U avaient revendu leurs parts et ne se souciaient plus du devenir de leurs employés dont ils avaient dans un premier temps réduire les effectifs pour rentrer dans leurs frais. Mais à peine tout cela était-il encaissé que Red Tornado découvrait l'agence qu'il manageait en flammes ? Qui avait fait cela ? Et pourquoi ?
La coupable la plus évidente devient Power Girl, qui a intrigué pour remplacer Red Tornado et s'est comportée de manière odieuse avec ses collègues. Mais pourtant elle clâme son innocence et le doute s'installe. Surtout qu'un autre suspect est signalé avec Gangbuster qu'on a vu se battre avec ses voisins et s'enfuir ensuite, dans un état très confus. Le pauvre a connu entretemps un sort bien plus terrible et l'incendiaire a agi pour des raisons bien plus minables, à l'image de son parcours depuis le début de l'histoire...
C'est là qu'on apprécie le tour de Mark Russell qui nous a amusés tout en faisant en sorte qu'on ait un peu honte d'avoir ri. Ce faisant, maintenant que la situation prend une direction franchement plus noire, l'effet est bien plus puissant. C'est comme si on recevait un coup de règle sur les doigts en se faisant rappeler à l'ordre : au fond, rien de tout ça n'a jamais été drôle et le geste de l'incendiaire révèle surtout la misère de la condition des héros délaissés. C'est pathétique, triste, et imprévisible. Bien fait pour nous !
Steve Lieber dessine cette transition sans faire de différence et cela aussi, c'est très malin. On n'a rien vu venir visuellement et l'accablement qui s'abat sur Red Tornado nous le rend encore plus sympathique. C'est un brave type dont on a complétement oublié en vérité qu'il était un androïde, qui a coeur de sauver le monde aujourd'hui comme hier, quel que soit le problème à règler. Il peut être fier de lui car il est reste un héros.
Bien entendu, les compositions de Lieber ne sont pas parfaites, elles manquent de dynamisme, la disposition des éléments dans l'image auraient besoin de plus de perspective. Mais son dessin compense par la justesse. Quand il s'agit de traduire par les expressions les sentiments qui agitent les personnages et de découper l'action de la bonne manière, Lieber fait le job parfaitement.
Jamais ainsi le script de Russell n'est trahi par un dessin déplacé, décalé. Il reste à hauteur d'homme, dans toute sa vérité. Ce qui touche dans tout cela, c'est que les drames les plus ordinaires frappent aussi des types en costumes bariolés qui se dépatouillent comme ils peuvent avec des patrons qui s'en moquent, des employés qui ne savent plus à quel saint de vouer, des flics dépassés, et des affairistes opportunistes. Et c'est parce qu'on ne s'y attendait pas que l'émotion perce.
Il reste un numéro pour boucler tout ça. On ne peut qu'être curieux de voir comment Mark Russell et Steve Lieber vont s'en tirer. Mais ce qui est sûr, c'est que leur One-Star Squadron restera comme un projet très culotté.
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