jeudi 27 janvier 2022

X-MEN #7, de Gerry Duggan et Pepe Larraz


X-Men #7 est la suite directe de X-Men #6 car on découvre qui se cache sous le masque (ou plutôt le casque) de Captain Krakoa. Gerry Duggan livre une épisode simple et directe pour éclaircir une situation complexe car les mutants sont face à un problème (et même plusieurs) épineux. Pepe Larraz prouve une nouvelle fois qu'avec lui la série a une autre dimension visuelle, quand bien même il ne force pas son talent.


Des hybrides mi-humains, mi-animaux sont lâchés dans New York par le Dr. Stasis, membre éminent de l'organisation Orchis, qui veut forcer les mutants à révèler qu'ils ont trouvé le moyen de ressuciter. Cyclope Synch, Sunfire et Wolverine (Laura Kinney) interviennent sans délai.


Mais la situation leur échappe car Stasis n'hésite pas à sacrifier des pions et à mettre en danger des civils. Sunfire en fait les frais, mais Synch limite les dégâts. En revanche, Cyclope est mortellement touché à l carotide en voulant sauver un nourrisson. Il décède devant plusieurs témoins.


Krakoa. Ressucité, Cyclope veut rentrer à New York mais Emma Frost lui explique que c'est impossible étant donné les circonstances dans lesquelles il a trouvé la mort. Elle contacte Jumbo Carnation pour une réunion de crise.


Dans la salle du conseil de Krakoa, Forge et Jumbo Carnation mettent la dernière main à la tenue de Captain Krakoa, l'alias que devra emprunter Cyclope pour que personne ne soupçonne son retour à la vie. Dans son antre, Stasis attend un faux pas des mutants.

En d'autres temps, comme lorsque Jonathan Hickman avait convaincu Marvel de sortir des épisodes à la pagination plus fournie pour le bien des histoires à raconter, X-Men #6 et #7 n'auraient occupé qu'un numéro. Désormais, Marvel est revenu à des formats plus traditionnels, suivant une périodicité mensuelle classique et Gerry Duggan a complété son intrigue en deux mois.

On voit là un retour à une forme de classicisme. La franchise mutante, désormais privée de son architecte, est rentrée dans le rang et son titre phare en est l'illustration. Ce n'est pas un reproche, mais juste le constat d'une normalisation. D'ailleurs, elle ne s'arrête pas là.

Gerry Duggan apprécie les team books (Uncanny Avengers, Guardians of the Galaxy, Marauders, X-Men), même s'il ne semble pas naturellement doué pour les animer. En vérité, c'est un auteur qui n'a pas de rigueur et s'il a un plan sur le long terme, chaque épisode arrive sans donner l'impression de suivre une trame précise. Au contraire, on a le sentiment que les menaces s'amoncellent, entre Orchis, Feilong, Stasis, Cordyceps Jones, le Maître de l'Evolution, et on peut sérieusement douter que tout sera bien développé.

De la même façon, on remarquera que Duggan, maladroit avec l'équipe au complet des X-Men, retrouve un peu de fluidité avec une formation réduite. Ici, il mène quatre X-Men au combat, et c'est déjà limite (Wolverine/Laura Kinney ne sert absolument à rien, elle n'a aucune interaction avec les autres, ses dialogues sont misérables, un vrai gâchis). Puisque seul Cyclope est au coeur du récit, on se demande pourquoi Duggan a jugé bon de l'entourer de trois co-équipiers, dont une est inutile et un autre (Sunfire) est incompétent et même dangereux. L'excuse pour justifier l'absence de Malicia, Marvel Girl et Polaris est ridicule.

Tout ça donc pour nous expliquer les origines du fameux Captain Krakoa. C'est un autre problème car le lecteur avait deviné tout ce qui se passe dans ce numéro le mois dernier, lorsqu'était évoqué la mort en opération de Cyclope, depuis obligé de se déguiser pour que personne ne comprenne que les mutants ont trouvé un moyen de ressuciter. Combien de temps va durer ce stratagème ? Combien de temps Cyclope acceptera-t-il de jouer la comédie ?

Comme souvent avec Duggan, ce qu'on voit, ce qu'il nous montre compte finalement moins que ce qu'il suggère. Cyclope, en bon petit soldat, accepte donc ce simulacre mais s'inquiète davantage d'autres choses. Qui a effacé la mémoire de Ben Urich, qui sur le point de publier un article à sensations sur les mutants ressucités ne s'y intéresse subitement plus ? Qui a attiré les X-Men dans ce traquenard pour que des civils assistent à la mort de Cyclope ? Cela est-il lié à l'arrivée de Feilong sur un satellite de Arakko/Mars ? Beaucoup de questions, peu de réponses, mais quarante pages pour créer Captain Krakoa et expliquer sa raison d'être.

Cette espèce de désinvolture semble contagieuse quand on examine les planches de Pepe Larraz. Le dessinateur espagnol est un des meilleurs artistes chez Marvel actuellement, ça ne fait pas un pli. Mais son statut a changé, les lecteurs ne voient plus en lui simplement un excellent dessinateur, ils voient une vedette qui les a éblouis avec House of X et les numéros intermédiaires de X of Swords ou Planet-Size X-Men. C'est ce qui est arrivé à des gens comme Bryan Hitch après Ultimates ou Steve McNiven après Civil War.

Dans une telle position, un dessinateur est longtemps déboussolé. Il a tendance naturellement, comme son éditeur le lui demande, à enchaîner avec des projets de plus en plus gros, ambitieux, comme un cinéaste avec des blockbusters. Parfois, il finit par s'y cantonner car il n'est pas/plus capable d'assurer une série mensuelle. Parfois, après des années d'efforts, il retombe sur ses pattes et se remet à produire normalement.

Larraz est entre les deux : X-Men gagne à être dessiné par lui car il attire désormais les lecteurs, séduit par son graphisme énergique. Mais on le sent à la peine, comme emprunté, dans le cadre étroit d'une série mensuelle. C'est une Ferrari sur une route de campagne. Il lâche les chevaux par intermittence, puis dessine de façoj ostensiblement moins investi ensuite. La faute sans doute à un script trop lâche. Mais aussi à un manque de motivation - difficile d'être aussi enthousiaste avec une "simple" série X-Men quand on s'est éclaté sur Planet-Size X-Men ou qu'on a explosé sur House of X.

J'ai souvent eu la sensation que Larraz était à court d'arguments, d'idées visuelles. Alors il épate la galerie, ici avec une contre-plongée qui fait toujours son effet, là avec une double page. Mais le reste du temps, c'est plat. Les décors disparaissent, les enchaînements de cases ne sont pas pleinement aboutis...  Au fond, je comprends qu'il n'enchaîne pas les épisodes, non pas parce qu'il est si fatigué (l'excuse ne tient pas, un artiste n'est pas vidé au bout de deux numéros d'affilée), mais parce qu'il semble s'ennuyer. Il n'y a pas assez de matière, de défis à relever avec les X-Men de Duggan, rien à inventer, à ajouter.

Les questions soulevées par l'intrigue ne sont pas inintéressantes, mais on a toutes les peines du monde à s'y accrocher, car elles sont trop reléguées (comme ce post-scriptum en data page où Cecilia Reyes note une évolution impressionnante des pouvoirs de Synch). Les méchants sont plus fantômatiques que fantasmatiques (Stasis, le Maître de l'Evolution Cordyceps Jones), le réglement des menaces trop expéditifs. Tout ça nous passe sous le nez ou au-dessus de la tête sans jamais nous faire palpiter.

C'est franchement décourageant à lire parce qu'on a l'impression de repartir régulièrement de zéro, Duggan lance une bombe, mais le temps qu'elle pète, il regarde ailleurs et nous aussi forcément. Larraz n'est pas suffisamment sollicité ou pas dans le bon tempo. Encore une fois, je me demande si ce n'est pas mon dernier numéro de X-Men. Disons que je perds patience.

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