A mi-parcours de son deuxième volume, The Magic Order met le turbo avec cet épisode spectaculaire et rétrospectif. Mark Millar connaît son affaire et sait équilibrer son récit. Stuart Immonen peut y aller, lui aussi, à fond les ballons, en livrant des planches ahurissaantes. Dans le genre, il n'y a pas beaucoup mieux.
Il y a mille ans, l'Ordre Magique est parti à l'assaut de Soren Korne, le plus puissant sorcier dissident. Celui-ci attend de pied ferme ses adversaires car il a un atout redoutable : le monstre Othoul'Endu. Mais celui-ci lui fait défaut au pire moment. Aujourd'hui, Victor, son descendant, veut sa revanche.
La tante de Victor, une puissante ensorceleuse, se charge dde récupérer le fragment de la Pierre de Thoth pendant Victor et ses hommes distraient l'Ordre Magique avec un Saltador géant qui marche sur Glasgow.
Dépassé, l'Ordre Magique ne sait plus où donner de la tête. A Londres, Francis King, harcelé par son démon, renonce à s'injecter une dose de drogue pour répondre à l'appel au secours des magiciens. Mais une fois sur le terrain, il perd ses nerfs...
L'épisode s'ouvre par un long flashback : nous remontons le temps, mille ans en arrière, quand les treizz membres de l'Ordre Magique s'aventurent en territoire ennemi. Ils vont affronter Soren Korne, un puissant sorcier dissident. C'est l'ancêtre de Victor Korne, le sorcier roumain qui veut aujourd'hui sa revanche. Alors que Soren disposait d'un monstre lui assurant la victoire, celui-ci lui fait défaut. Aujourd'hui, Victor a compris pourquoi et il a un plan spectaculaire pour l'invoquer à nouveau, pour écraser ses rivaux...
Mark Millar connaît son affaire : son expérience de scénariste est à la fois sa meilleure arme et sa plus grande faiblesse. Il sait doser une histoire en appuyant sur l'accélérateur au bon moment, en imaginant des rebondissements spectaculaire, en bâtissant une mythologie impressionnante. Mais parfois aussi ses scénarios fonctionnent avec des ficelles grosses comme des câbles, il se repose sur des recettes éprouvées.
C'est ce double sentiment qu'on ressent à la lecture de The Magic Order 2 : c'est très efficace mais peu surprenant, rien ne vient faire dérailler ce mécano bien huilé. Ce n'est pas désagréable, loin de là, mais on devine comment ça va évoluer, voire comment ça va finir.
Millar montre les héros de l'Ordre Magique dans une situation critique, depuis le début du volume 2, tout va de mal en pis, ils sont dépassés par un ennemi revanchard et qui tape fort et juste. Par ailleurs, l'auteur a bien insisté sur la malédiction qu'a déclenchée Cordelia Moonstone en ramenant à la vie son père, Leonard, et son frère, Regan, plus quelques alliés, dans le volume 1 : du coup, on sait que l'Ordre ca y laisser des plumes, même s'il gagne à la fin.
De la même manière, l'absence remarquable de Leonard, depuis le début du volume 2, intrigue dans une telle crise. Et le renfort de Francis King n'a rien de réconfortant : très prévisiblement, tout déraille, dramatiquement, à l'issue de ce troisième épisode quand cet ensorceleur toxicomane part en sucettes.
La vraie surprise, au fond, ce serait bien que l'Ordre Magique perde, de façon si nette que le lecteur ne considère plus cela en fonction de la malédiction attachée à Cordelia. Car Victor Korne a un plan terrifiant et une équipe redoutable, notamment la tante Brigitta, cette mémé qui ne paie pas de mine mais qui est sacrément coriace et dangereuse. Il est clair que Millar adore cette bande de roumains, au point que le lecteur estime avec mesure l'injustice qu'ils veulent réparer. Même si le message n'est pas subtil, il a le mérite d'être clair et sa résonance sociale est précise : l'Ordre est une caste d'aristocrates qui ont régenté le monde de la magie en écartant des prolétaires vus comme des ploucs indignes de s'asseoir à la table des grands.
Il n'empêche, Millar (comme Tom King) est certainement le scénariste qui bénéficie des meilleurs artistes et il sait qu'il peut se reposer sur eux pour doper ses scripts. Avec Stuart Immonen, il tient celui que beaucoup considèrent comme le boss car le canadien est un dessinateur respecté de tous et qui avait fait croire à sa retraite.
Aujourd'hui que le malentendu est dissipé (Immonen a seulement pris quelque vacances après la fin de son contrat avec Marvel), The Magic Order profite d'un graphiste hors normes, qui a fait complètement oublier son prédécesseur sur le titre. Il y a quelque chose de presque écoeurant à lire des pages de Immonen car son aisance est tellement insolente que rien ne lui résiste.
Le bougre, en plus, est d'une régularité toujours aussi folle alors qu'il se passe désormais d'encreur. Grâce à lui, on lit deux fois chaque épisode, juste pour se régaler de ce festin visuel. Le flashback du début évoque magistralement une sorte d'équivalent à la Table Ronde arthurienne transposée chez les magiciens. Des créatures à la fois terrifiantes et superbes hantent des paysages sauvages.
Puis l'action revient au présent, dans un cadre urbain, et d'emblée, une vue d'ensemble de Glasgow nous sidère par sa précision. L'attaque du gang de Korne, l'apparition du Saltador, les effets pyrotechniques de la magie à l'oeuvre sont magnifiés par les couleurs pétaradantes de David Curiel et Sunny Gho. Immonen donne du travail aux deux coloristes qui ont à coeur de mettre en valeur ce trait si expressif. Le découpage rend tout fluide et emballe le récit avec un art consommé. C'est imparable.
Qu'importe, presque, que Millar ne force pas son talent (gardant peut-être ses meilleures cartouches pour la seconde moitié de ce volume, comme il l'avait fait dans le premier) : avec un acolyte tel qu'Immonen, il peut se le permettre. The Magic Order nous en donne vraiment pour notre argent.
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