jeudi 27 janvier 2022

DEVIL'S REIGN #3, de Chip Zdarsky et Marco Checchetto


Nous voici à mi-chemin de Devil's Reign avec ce troisième épisode et, comme c'est la coutume, on peut déjà tirer quelques enseignements de l'histoire que nous racontent Chip Zdarsky et Marco Checchetto. En tant qu'event, c'est moyennement solide mais tout de même efficace, avec des imperfections qui apparaissent (avec peut-être un risque de courir trop de lièvres à la fois). Mais on va rester positif car l'ensemble présente de vraies qualités narratives et visuelles.


La Chose et la Torche Humaine font irruption dans un commissariat pour en délivrer Spider-Man (Ben Reilly), passé à tabac par des flics revanchards et pro-Fisk. Une fois dehors, pourtant, les trois héros se demandent où aller puisqu'ils sont hors-la-loi et recherchés.


Le lendemain, dans la journée, Luke Cage officialise sa candidature pour l'élection municipale et Foggy Nelson répond aux journalistes qui s'interrogent sur ce choix alors qu'il est dans le viseur du maire. A la prison du Myrmidon, Kirsten McDuffie rend visite à Sue Richards qui s'inquiète du cours des choses.


Fisk, lui, est en compagnie de son plus précieux détenu, l'Homme Pourpre qui lui explique que son amnésie au sujet de l'identité secrète de Daredevil a dû être causée par ses enfants. La progéniture de Zebediah Kilgrave est en cavale mais le Dr. Octopus est trop occupé pour les traquer.


Divisés sur la suite à donner à leurs actions, les héros qui ont pris le maquis sentent l'influence de l'Homme Pourpre. Daredevil les convainc d'enlever Fisk, reclus à l'hôtel de ville. Mais l'opération dégénère quand le groupe est attaqué par Octopus et sa bande...

Après deux premiers numéros d'excellente facture car Chip Zdarsky osait poser quelques questions qui fâchent sur la responsabilité des super-héros vis-à-vis de la criminalité concentrée dans New York, le tout sur fond de chasse aux sorcières par le Caïd bien préparé, Devil's Reign accuse un peu le coup pour son troisième chapitre, plus classique.

Le scénario a en effet posé des bases intéressantes mais peine à les exploiter, à les développer. Fisk est toujours aussi enragé mais Zdarsky court trop de lièvres à la fois et s'égare un peu en révélant l'agenda personnel du Dr. Octopus qui a attiré dans notre dimension certains de ses doubles hybridés avec des héros connus (Wolverine, Hulk, Ghost Rider). 

Otto Octavius compte ainsi profiter du chaos qui règne dans la communauté des héros et de l'obsession de Fisk pour les neutraliser pour, une fois cet affrontement règlé, s'emparer du siège de maire. Du coup, l'officialisation de la candidature de Luke Cage passe trop inaperçue et la scène, qui se veut vibrante, manque cruellement d'intensité. Pour moi, c'est une mauvaise idée : Zdarsky rajoute un vilain à l'équation dont son histoire n'a pas besoin, alors que le risque avec un vilain de l'envergure d'Octopus, c'est bien qu'il vole la vedette, même au Caïd.

Par ailleurs, alors que Devil's Reign se déroule actuellement, l'event contredit quelques séries en cours, comme si Zdarsky ou l'editor du projet n'avaient pas pris la peine de s'aligner sur les travaux en cours de leur camarades. J'en veux pour preuves que, par exemple, le Dr. Octopus qui agit ici est trop différent de celui qui vient de repointer le bout de ses tentacules dans The Amazing Spider-Man (en aidant May Parker) ou, pire encore, en montrant Ben Reilly passé à tabac et sans nulle part où aller, une fois que Ben Grimm et Johnny Storm l'ont sauvé, alors qu'il est employé par la puissante Beyond Corporation qui ne laisserait sûrement pas son tisseur dans une telle panade.

C'est dommage. Mais l'addition de petites erreurs, d'incohérences de ce type nuisent à la mini-série. Fisk détient l'Homme Pourpre qui dénonce ses enfants (certes le père et ses rejetons se vouent une haine réciproque) mais là où ça cloche, c'est que Kilgrave pourrait/devrait être utilisé bien plus nocivement par Fisk contre les héros en cavale. Zdarsky s'inspire (ou copie) Fatalis Imperator, une histoire (brillante) de David Michelinie et Bob Hall (parue en 1987) dans laquelle Fatalis mettait le monde entier sans dessus-dessous grâce au même Homme Pourpre. Mais Zdarsky n'est pas Michelinie...

Il reste une suite de scènes qui, individuellement, sont efficaces, menées sur un rythme soutenu, mais dont la somme a du mal à aussi bien fonctionner que dans les deux précédents épisodes (on peut aussi, encore, incriminer l'excès de tie-in qui, comme d'habitude, donne l'impression qu'il manque des éléments à la série principale, notamment dans le nombre de fugitifs, le sort de ceux qui sont en prison, la nature des dossiers de Fisk contre les héros, etc.).

Marco Checchetto est, par contre, dans une grande forme. Non seulement il défend excellemment le script en l'illustrant de la manière la plus puissante et fluide possible, mais encore son dessin retrouve la solidité qu'il semblait avoir perdu depuis un moment.

Les pages se suivent et toutes réservent de belles trouvailles, avec des compositions dynamiques et soignées. Les personnages sont mis en scène avec une volonté de rendre justice à leur charisme. Quand l'action s'emballe, le résultat reste lisible et pêchu, même si Checchetto se ménage sur les décors et ne rechigne pas à user de quelques raccourcis (en jouant sur les ombres et lumières pour s'économiser). C'est malin mais pas honteux si on tient compte de l'exigence que réclame l'exercice.

La colorisation de Marco Meniz mérite elle aussi une mention car elle reste sobre, au service du trait de Checchetto et des ambiances, avec notamment la scène finale, le soir venu, donnant au combat de rue un côté blême bienvenue.

J'ai envie de dire qu'on va maintenant entrer dans le dur. Soit Zdarsky a encore quelques bonnes cartouches à tirer et son event tiendra ses belles promesses, d'autant que Checchetto a la patate. Soit, comme ça a souvent été le cas avec les events Marvel, la suite et fin de l'histoire confirmera cette désagréable impression que l'auteur a été trop gendarmé par l'editor, diluant les enjeux de l'affaire dans une énième bataille à l'issue prévisible et aux conséquences minorées. 

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