Le premier épisode de One-Star Squadron avait été un vrai régal (et, étonnamment, ma critique avait été très lue). Le deuxième poursuit sur cette lancée, encore plus drôle, mais aussi encore plus cruel. Mark Russell n'épargne pas ses héros, mais pour mieux égratigner l'überisation, tandis que Steve Lieber s'amuse visiblement beaucoup avec cette histoire sarcastique à souhait.
Minuteman aborde un dealer dans une rue pour lui acheter des pilules Miraclo, qui lui donnent ses pouvoirs. De retour à l'agence de HEROZ4U, il apprend, dépité comme ses autres collègues, qu'on lui préfère Plastic Man et Firehawk pour un job bien payé.
Dans le bureau de Red Tornado, Minuteman le supplie de lui donner une mission digne de son rang, mais ses mauvaises notes ne lui permettent que de décrocher une fête d'anniversaire pour un gosse de sept ans. Il accepte mais sa prestation va être désastreuse.
Cependant, Plastic Man et Firehawk croisent chez Lexcorp où ils ont rendez-vous que des super-vilains sont eux employés au service d'une application et qui paie mieux que HEROZ4U. Minuteman s'en prend au dealer qui lui a vendu des pilules Miraclo et se rembourse.
Envoyé par Red Tornado à une séance de dédicaces dans une convention, Minuteman se fait arrêter par des vigiles pour s'être introduit dans le carré V.I.P.. Mais alors que Red Tornado doit partir le sortir de ce mauvais pas, Power Girl le trahit...
Permettez que je revienne un bref instant sur la critique que j'avais rédigée pour One-Star Squadron #1. D'habitude, les articles que j'écris et qui sont les plus lus concernent des séries logiquement les plus exposées, les plus populaires, comme ceux de la franchise X ou ceux des vedettes de DC. Aussi quelle ne fut pas ma surprise en voyant le nombre de vues récolté par le premier épisode d'une série aussi atypique que celle-ci. Tant mieux ! Cela prouve que, vous, qui consultez mon blog êtes curieux et ne comptez pas uniquement sur les best-sellers.
Je ferme cette parenthèse en espérant quand même que ce n°2 de One-Star Squadron suscitera le même intérêt. Il le mérite car on peut dire qu'il pousse les curseurs encore plus loin. Mark Russell tient vraiment quelque chose, ou plutôt il sait ce qu'il veut raconter et comment pour appuyer là où ça fait mal.
Car One-Star Squadron, si c'est une comédie, est une comédie féroce. On y rit beaucoup tout en appréciant que l'humour soit cruel et juste dans la tonalité. Cet épisode l'illustre à la perfection en se concentrant sur Minuteman.
Minuteman est une parodie de Hourman, un membre de la Justice Society of America, qui, grâce à une solution chimique, le Miraclo, voit ses capacités physiques augmentées pendant une heure. Il peut aussi voir une heure dans le futur. Membre fondateur de la JSA, héros du golden age, Hourman a connu diverses incarnations, jusqu'à un androïde futuriste, version ultime.
Minuteman, lui, en ingérant une pilule Miraclo, n'obtient ses pouvoirs que pour une durée d'une minute. Il se vante d'avoir inspiré un film sorti après les attentats du 11-Septembre et d'avoir côtoyé Superman dans le satellite de la Justice League (comme le prouve une photo où le Man of Steel a l'air plus embarrassé que réjoui d'être à ses côtés). Aujourd'hui au service de l'application de HEROZ4U, il enchaîne les missions minables et sans enthousiasme, collectionnant les mauvais avis, ce qui, évidemment, lui vaut des jobs encore plus pathétiques.
L'épisode déroule une journée infernale pour Minuteman : du matin où il achète des pilules Miraclo à un dealer dans une rue (pilules qui s'avéreront contrefaîtes et donc sources de déconvenues plus tard) jusqu'au soir où il arrêté par les vigiles d'une convention après s'être introduit dans un carré VIP en passant par l'après-midi catastrophique à animer une fête d'anniversaire face à des gosses chez qui il ne suscite que du dédain (et le mécontentement du père). Mark Russell inflige au personnage une série d'impairs terribles, une collection d'humiliations qui nous font rire et nous dérangent en même temps.
Ajoutez à cela un détour par Lexcorp où Plastic Man et Firehawk (les deux seules "vedettes" de HEROZ4U) qui découvrent que des super-vilains accomplissent des prestations équivalentes aux leurs pour un meilleur salaire, et vous aurez une idée du vrai propos de ce coimic-bool sadique mais très politique. Dans un monde où même des individus dotés de super-pouvoirs en sont réduits à gagner leur vie via des tâches dégradantes, pour se payer des pilules ou simplement préserver le peu qui leur reste de dignité, la charge est implacable.
Comme il l'a expliqué dans une récente interview (https://aiptcomics.com/2021/12/28/mark-russell-one-star-squadron/), Russell part du principe que le super-héros n'est qu'une extension de l'être humain ordinaire, donc en réfléchissant aux problèmes de la société au travers du prisme super-héroïque, il parvient à en souligner les malaises. Le calvaire de Minuteman nous amuse et nous perturbe, nous fait rigoler et nous émeut parce qu'elle nous renvoie à la situation des travailleurs précaires, et que tout le monde peut être concerné.
Les dessins de Steve Lieber sont parfaitement ajustés au propos. Il découpe chaque scène en veillant à ne jamais en faire un spectacle. Nous sommes à la hauteur des protagonistes et donc nous partageons de près ce qu'ils endurent. Minuteman n'est jamais ridiculisé méchamment, et c'est pour cela que nous ne rions pas à ses dépens mais mus par une sorte de mécanisme de défense.
Ce qui lui arrive nous fait peur (accepter un job minable, s'exposer à l'humiliation, être blessé physiquement). Il est pathétique, grotesque, mais au fond il est sympathique, profondément humain. Sa vulnérabilité nous touche, on a envie qu'il s'en sorte tout en comprenant, glacés, qu'il a la tête sous l'eau et que son destin ne lui appartient plus. Il n'appartient pas davantage à Red Tornado, manager d'une équipe de bras cassés qu'il tente de préserver tout en devant composer avec ce qu'il a.
Lieber signe une scène remarquable quand Red Tornado, après avoir envoyé Minuteman animer la fête d'anniversaire, s'isole dans son bureau, ayant prévenu qu'il ne reçoit personne, ne prend aucun appel. Seul, l'androïde a conscience de la dérision de son refuge, il essaie lui aussi de ne pas perdre pied, s'en veut de ne pas pouvoir donner mieux à ses employés et en même temps sait que cela lui échappe.
Comme en écho au premier épisode où Minuteman lui demandait à quand, pour la dernière fois, il s'était senti un héros, Red Tornado exprime sa détresse comme un enfant qui se cache pour qu'on ne voit pas pleurer. Le dessin de Lieber saisit ce moment de solitude et de fragilité avec une simplicité et une sensibilité exceptionnelles.
Le cliffhanger n'en est pas un : Russell et Lieber nous avaient déjà prévenus le mois dernier que Power Girl manoeuvrait en coulisses pour prendre la tête de la boîte. Bien entendu, la vraie Power Girl ne ferait jamais ça, mais c'est la précieuse liberté, bien utilisée par les auteurs, que permet une mini-série déconnectée de la continuitié. Un exercice savoureux et étonnant que publie DC. Et qu'il convient donc de soutenir car, derrière le divertissement, il y a du fonds et un vrai risque, assumé, de se servir des super-héros, appartenant à une grosse entreprise, pour critiquer le libéralisme économique effréné.
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