Six mois après son relaunch, la série X-Men ne m'a guère convaincu et ce nouvel épisode était, pour moi, celui de la dernière chance : s'il ne convainquait pas, j'arrêtai les frais. J'ai apprécié ce que j'ai lu et, même si je refuse de m'emballer, je lirai encore le prochain. Gerry Duggan se lance dans une nouvelle direction à la fois improbable et excitante, tandis que Pepe Larraz fait son retour en grande forme.
Et si ce sixième épisode marquait le vrai départ de X-Men version Gerry Duggan, reléguant les cinq précédents au rang de tour de chauffe ? En tout cas le scénariste change de braquet et fait un bond en avant plus conséquent que tout ce qu'il a accompli jusqu'à présent.
C'est peu dire que je n'ai pas été convaincu par la proposition de Duggan depuis qu'il a succédé à Jonathan Hickman sur le titre étendard de la franchise. Entre l'absence d'une dynamique de groupe, des histoires explosives mais creuses, sans parler d'une valse d'artistes parce que Pepe Larraz était soi-disant très fatigué depuis Planet-Size X-Men (paru en... Juin 2020 !), il n'y avait presque rien à sauver dans ce début de run.
Je misais donc beaucoup sur ce sixième épisode, sans quoi j'arrêtai les frais. Déjà que ce qui est annoncé pour Destiny of X (la prochaine étape après Reign of X) n'a rien d'emballant (équipes créatives moyennes, séries renumérotées, direction nébuleuse), la suite de l'ère Hickman risquait de marquer la fin de mon retour au X.
Et puis voilà que Duggan dégaine une idée improbable : Cyclope est mort au combat et l'épisode démarre six jours dans le futur. Un nouveau héros mutant, Captain Krakoa, apparaît et a même pris la tête des X-Men. Il a des pouvoirs bio-technologiques, un casque qui lui couvre la moitié du visage, des fueilles qui lui sortent des oreilles. WTF ?
Du côté de Mars/Arakko, Feilong, le milliardaire chinois qui rêvait de coloniser la planète rouge et s'est depuis allié à Orchis, créé la zizanie en atterrissant sur le satellite Phobos. Il rit au nez de Sunfire et tue un guerrier Arakki et établit une énorme base avec vue imprenable sur les mutants de l'espace.
Je ne spoilerai pas l'identité secrète de Captain Krakoa, l'épisode suivant révélera ses origines. Mais il faut avouer que ce qu'a imaginé Duggan pique notre curiosité. Cyclope est-il vraiment mort ? Mais que veut dire "mort" pour des mutants qui peuvent ressuciter ? On sait cependant que justement Ben Urich a découvert que les mutants pouvaient ressuciter... Mais quand il reçoit un coup de fil au sujet de son futur article à ce sujet, il n'en a aucun souvenir et il couvre désormais l'affaire Feilong ! Un télépathe lui aurait-il lavé le cerveau ?
L'aspect pour le moins étonnant de ce Captain Krakoa provoque d'abord un sourire moqueur : comme je vous ai décrit son design, et notamment ses feuilles sortant de son casque au niveau des oreilles, il l'air d'un gag. Son pseudo ensuite sonne comme un pastiche de Captain America. C'est une créature typique de Gerry Duggan, au trait forcé. Mais jusqu'à ce qu'on découvre qui il est quand il rentre au QG des X-Men, la manoeuvre est très accrocheuse. Et maintenant, on a envie de comprendre pourquoi celui qui a endossé cette identité l'a accepté, quelle est la stratégie du conseil de Krakoa, combien de temps ce subterfuge va durer/fonctionner...
L'autre partie du récit est tout aussi prenante : ce Feilong ne me semblait pas une menace bien sérieuse depuis son introduction. Mais le voilà désormais établi sur Phobos avec vue imprenable sur Arakko, dans une base immense. Un pied-de-nez, une provocation d'Orchis. Mais surtout un défi pour les mutants martiens qui doivent respecter une des lois sacrées de Krakoa (ne tuer aucun humain) tout en sachant que c'est un ennemi déclaré qui est devenu leur voisin. Sans oublier que Feilong a maintenant des pouvoirs, et pas qu'un peu : il désintègre un guerrier Arakki d'un cri !
Enfin, la troisième bonne nouvelle, c'est le retour au dessin de Pepe Larraz. Si je me fie aux sollicitations des prochains épisodes, X-Men sera illustré en alternance par Larraz et son compatriote Javier Pina (qui m'avait fait belle impression sur le #4, avant d'avoir besoin d'aide sur le #5). Bon, au moins, on est fixé. Si on peut être légitimement déçu et frustré que Larraz n'enchaîne pas les épisodes, il sera suppléé par un artiste d'un bon niveau, évoluant dans un registre similaire au sien.
Pour en revenir à Larraz sur ce numéro précis, il livre une belle prestation. L'espagnol est excellent, ça ce n'est pas un scoop, et l'énergie qu'il infuse dans ses planches en plus du trait racé qui lui appartient et des couleurs superbes de Marte Gracia, permettent d'apprécier le spectacle proposé.
Si, encore une fois, l'apparence de Captain Krakoa peut prêter à sourire, Larraz réussit à le représenter avec suffisamment de charisme et d'autorité pour que le lecteur adhère au personnage. La longue séquence sur Arakko et Phobos est encore meilleure puisque Larraz démontre une fois de plus son talent à animer une bagarre avec des forces en puissance spectaculaires. Le coup de force de Feilong est une démonstration très convaincante et l'image de sa base est époustouflante, renvoyant à la station Orchis.
Bref, c'est un rebond aussi inattendu que musclé auquel on assiste dans ce numéro. Et si c'était maintenant que X-Men redémarrait vraiment ? On le souhaite, à la fois pour le plaisir de la lecture. Mais aussi pour Duggan, pilote de ce vaisseau-amiral et qui va devoir se préparer pour l'event de l'été 2022 (Judgment Day), véritable épreuve du feu.
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