jeudi 23 septembre 2021

X-MEN #3, de Gerry Duggan et Pepe Larraz


Quelle déception que ce troisième épisode, qui concentre tous les défauts d'écriture de Gerry Duggan et donne à voir un Pepe Larraz en roue libre ! Il est impossible de cacher le sentiment de gâchis qu'on peut éprouver après avoir lu X-Men #3, somme de tout ce que je déteste dans les comics de super-héros, baclage en règle, foutage de gueule XXL. Sortie de route ponctuelle ou dérapage total ?


Le Maïtre de l'Evolution et sa fille, Lumineuse, se présentent devant les X-Men avec un présent. Admiratifs après leur action sur Mars, ils leur offrent de quoi sauver la Terre en éradiquant l'homo-sapiens. Mais le passif entre Malicia et ces visiteurs fait rapidement dégénérer la situation.


Lumineuse appelle la garde de son père en renfort et les X-Men sont rapidement mis en difficulté. Marvel Girl doit sécuriser le "cadeau" du Maître de l'Evolution pour ne pas provoquer un désastre tandis que les autres membres de l'équipe affrontent leurs adversaires.


Conscient du potentiel immense des pouvoirs de Synch, le Maître de l'Evolution est prêt à une trêve si Everett Thomas lui donne une simple goutte de son sang. Il y  consent si c'est le seul moyen de stopper cette bataille, malgré les réticences de Wolverine.


Le Maître de l'Evolution reparti, Marvel Girl explique à Cyclope qu'elle a pu lire les pensées de leur ennemi et découvrir le jeu lancé par Cordyceps Jones sur Gameworld. Ailleurs, Henry Gyrich offre à Kevin Heng/Feilong d'intégrer Orchis tandis que le Dr. Stasis remet à Ben Urich des documents compromettant sur les mutants...

Je crois, mais je peux me tromper, qu'il existe des scénaristes avec l'étoffe nécessaire pour conduire une série exposée, sur laquelle un éditeur compte pour représenter une franchise ou son catalogue, et d'autres qui ne font pas le poids. Pour cela, il me semble indispensable de confier ce genre de séries à un auteur qui a un propos, un objectif, et l'inspiration pour les formuler.

Parfois cette vision pour une série ne plaît pas à tous, mais est-ce important ? Non. Au contraire, cela démontre que l'auteur raconte quelque chose qui ne laisse personne insensible, qu'il a un style bien à lui, et l'imprime à des personnages, leur univers. Au lecteur d'y adhérer ou non. Mais ce lecteur ne pourra pas dire, sauf avec de la mauvaise foi, que ladite série manque de personnalité.

Lorsque Jonathan Hickman a procédé à la refonte des X-Men, via HoX-PoX et la série-titre, il a fait des choix, pris des partis qui ont dérouté, surpris, agacé, choqué même. Mais au moins il est arrivé avec des propositions fortes qui ont suscité des réactions alors que les lecteurs des X-Men paraissaient depuis longtemps assoupis, n'attendant plus grand-chose d'une franchise où, depuis Grant Morrison, on n'avait plus renversé la table.

Préparant sa succession en même temps que son départ, quand Hickman a légué X-Men à Gerry Duggan en Juillet dernier, on savait que plus rien ne serait comme avant car, en termes d'écriture, on ne peut faire plus différent que les deux scénaristes. Hickman est l'archétype de l'architecte, avec une propension à considérer les personnages comme les instruments pour raconter une histoire au long cours (d'où le reproche d'être trop froid, trop distancié qu'on lui fait souvent). Duggan est quelqu'un qui pense davantage en termes de divertissement, dont les ambitions paraissent moins évidentes (ce qui ne signifie pas qu'il n'en a pas), et chez qui, au contraire, les personnages semblent passer avant tout "gand plan".

Hickman avait certainement la tête ailleurs en Juillet dernier : ce n'est pas un mystère, il s'en est ouvert dans des interviews depuis. La pandémie en 2020 l'a forcé à modifié ses intrigues, suggérant même à Marvel de développer des idées via des publications numériques, puis finalement il a préféré planifier le troisième et dernier acte de son run dans un event, Inferno (dont la parution débute la semaine prochaine). Dans ces conditions, continuer à s'occuper des X-Men n'avait pour lui plus de sens : entre une série régulière mensuelle et un event configuré pour contenir son propos terminal, le choix s'imposait de lui-même.

Gerry Duggan en trois épisodes de X-Men a complétement changé de braquet : adieu les histoires concentrées en un ou deux épisodes, la représentation du conseil de Krakoa, le rôle de guide (pour les lecteurs) de Cyclope, le casting incessamment changé. Place à une équipe de mutants en bonne et due forme, place à l'action, au grand spectacle. Une formule beaucoup plus classique et efficace, pour en mettre plein la vue, avec la contribution de Pepe Larraz, le dessinateur ébouriffant par excellence.

Nous avons eu successivement les X-Men contre un kaiju extra-terrestre, contre la lavague d'annihilation, et cette fois contre le Maître de l'Evolution, avec pour les relier Cordyceps Jones, le maître de Gameworld, un casino spatial qui joue le destin de l'humanité, et qui est explicitement dans cet épisode décrit comme un dérivé du Mojoverse. Ce n'était pas déplaisant, ces grosses bastons, surtout aussi puissamment mises en images, même si du côté de la psychologie des personnages, c'était le néant et la dynamique du groupe reposait beaucoup sur Synch, sorte de génie dans la bouteille, couteau suisse de l'équipe, avec Sunfire et Polaris en soutien. Malicia, Marvel Girl, Cyclope et Wolverine (Laura Kinney) devaient se contenter de faire de la figuration.

Mais le ver était dans le fruit, on s'en rend compte à présent qu'on a lu ce troisième et calamiteux épisode qui ne ressemble à rien. D'abord, si vous n'avez pas lu le bref volume 2 de Uncanny Avengers de Rick Remender et Daniel Acuña (en... 2015 quand même !), vous n'aurez aucune idée du contentieux qui existe entre le Maître de l'Evolution et Malicia, le personnage de Lumineuse vous sera complétement inconnu. Et ne comptez sur Duggan pour vous résumer le passif de ces trois-là. Mais ce qui frustre encore plus, c'est de constater avec quelle désinvolture Duggan gâche le potentiel de la rencontre entre le Maître de l'Evolution et les X-Men, la réduisant à une bataille une nouvelle fois bien bourrine et résolue de manière expéditive (bien entendu, ça n'en restera pas là, on nous le fait comprendre à gros traits, mais bon, ça n'ôte pas cette impression de baclé). Encore une fois, Synch est au centre de tout, encore une fois Malicia et Wolverine (pourtant sur la couverture) ne servent à rien, Polaris à pas grand-chose, Cyclope et Marvel Girl à guère plus et Sunfire ne fait que passer. Lumineuse passe pour une gourde (alors qu'elle a les pouvoirs cumulés de Vif-Argent et de la Sorcière Rouge). Tout se finit avec des selfies où les X-Men grimacent derrière Lorna Dane entourée de gamins, avant deux scènes supplémentaires jouant le rôle de subplots téléphonés au possible.

Pepe Larraz va être absent les deux prochains mois de la série car il serait épuisé après avoir produit les trois épisodes de X-Men et le numéro de Planet-Size X-Men. C'est entendu, il n'a pas lésiné sur les moyens et nous a régalés visuellement. Mais bon, désolé si je radote, mais quand je vois Stuart Immonen, Chris Samnee, Jorge Jimenez enquiller des épisodes de folie sans prendre de retard, je soupire toujours quand un artiste est déjà rincé si vite (surtout que Larraz depuis deux ans n'a pas été super sollicité, ménagé par Marvel qui a pris conscience du talent et de l'attractivité du dessinateur).

Surtout, j'ai trouvé sa prestation sur cet épisode en deçà des précédentes. Quand un dessinateur commence à tirer la langue mais cherche à le dissimuler, il existe des indices faciles à déceler : d'abord la dimension des cases commence à s'agrandir, ça permet de moins travailler le découpage, les enchaînements, les transitions. On va à l'essentiel pour taper dans l'oeil du lecteur qui réclame d'abord de l'image cooup de poing. Ensuite, les décors commencent à être moins précis, quand ils ne disparaissent pas complètement, masqués par de la fumée (provoquée par les effets de la bataille... C'est bien pratique, la fumée...). Enfin, l'artiste s'emploie à favoriser les angles de vue qui lui permettent de s'économiser sur ce qui lui prend du temps : par exemple, une contre-plongée évite d'avor à représenter des éléments de décors qu'il ne pourrait pas évacuer en plongée ou avec des plans en pied, et puis ça facilite surtout des formes de cases un peu baroques mais qui rognent sur tous les arrière-plans au profit de la représentation des pouvoirs (et quand vous avez dans une équipe de super-héros un type en feu - Sunfire - , qui tire des rayons par les yeux - Cyclope - , une fille qui fait du découpage en gros - Wolverine - , etc, hé bien, ça simplifie énormément la tâche puisque ce sont des personnages qui détruisent et donc qui ôtent du taf au dessinateur).

La palette de couleurs de Marte Gracia étant plutôt sombre, c'est l'ultime atout pour accentuer les contrastes, favorisant naturellement le premier plan à tout ce qui trouve derrière, masqué par des camaïeux certes jolis mais surtout habiles.

Autant la décontraction de Gerry Duggan est symapthique sur Marauders qui n'a pas ce rôle d'étendard pour la franchsie que X-Men doit posséder, autant là j'estime que c'est à la limite de l'escroquerie. Il se repose sur le talent de Pepe Larraz, visiblement en panne d'inspiration pour compenser visuellement un script vite torché. Ceux qui aiment les comics popcorn seront ravis. Ceux qui préférent quand les X-Men racontent quelque chose de consistant regretteront les aventures moins stéréotypées de Hickman. Attention donc.

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