vendredi 17 septembre 2021

THE UNBELIEVABLE UNTEENS #2, de Jeff Lemire et Tyler Crook


Comme je savais que cette semaine n'était pas riche en sorties, j'avais gardé en réserve une parution du Mercredi précédent pour avoir au moins une bonne lecture. C'est pourquoi je ne vous parle qu'aujourd'hui du deuxième épisode de The Unbelievable Unteens de Jeff Lemire et Tyler Crook. C'est un de mes coups du coeur du moment, et à l'heure où l'avenir des X-Men s'annonce incertain (une fois Hickman parti), cette série constitue une excellente alternative pour les amateurs de freaks.


Ses pouvoirs réactivés suite à ses retrouvailles avec Jack Sabbath, Jane Ito/Strobe se souvient des séances d'entraînement des Unbelievable Unteens. L'équipe faillit être victime des pouvoirs mal contrôlés de Snapdragon.


Mais le père de celle-ci, leur mentor, le Dr. Moniker, refusait d'admettre sa dangerosité et d'entendre les remarques de Kid Boom à ce sujet. De nos jours, Strobe et Jack Sabbath se lancent à la recherche de Karl alias Straka pour recomposer l'équipe et se lancer à la recherche de Snapdragon.


Straka a refait sa vie, en ayant comme Strobe, tout oublié de son passé héroïque. Marié et père de famille, il travaille dans le bâtiment lorsque ses anciens partenaires le retrouvent, de nuit, sur un chantier. Se rappelant qu'il était amoureux de Strobe, il accepte de l'aider.


Grâce à l'aide de Lucy Weber, Jack Sabbath sait où trouver Carlos Vasquez/Kid Boom. Il est infirmier dans un hôpital de Spiral City. Mais surprise : il se souvient d'eux. Mieux : il sait où se trouve Snapdragon...

Comme je l'ai expliqué le mois dernier dans ma critique du premier épisode de The Unbelievable Unteens, Jeff Lemire a écrit brièvement une série X-Men. Tout l'univers de Black Hammer est construit sur les réinterprétations de héros de Marvel et DC par le scénariste canadien, qui s'arrange souvent pour en livrer des versions plus inspirées que les originales.

Il faut considérer cela non comme une démarche proche du plagiat ou du pastiche voire de la parodie, mais plutôt comme un cycle perpétuel. En effet, Stan Lee et Jack Kirby, en créant les premiers X-Men, s'inspirèrent largement de la Doom Patrol d'Arnold Drake et Bruno Premiani, publiée par DC. Il s'agissait d'une équipe non pas de mutants mais de héros bizarres, des individus accidentés par la vie (un pilote de course dont le seul le cerveau fut sauvé et implanté dans une enveloppe métallique - Robotman - , un aviateur irradié - Negative Man - , une comédienne exposée à une substance chimique - Elasti-Girl - , puis plus tard un homme doué de télépathie grâce à un casque - Mento - et un jeune garçon capable de se changer en animal - Beast Boy), sous l'autorité du Chef (qui les avait "réparés" et recueillis, lui-même étant paraplégique).

Dans les comics, "rien ne se perd, rien ne se créé : tout se transforme" (dixit Lavoisier). Aussi que Jeff Lemire invente à son tour une équipe de néo-mutants, ultimes rejetons de la Doom Patrol et des X-Men, est finalement naturel. Et plus franc que les tentatives d'Image Comics et de ses auteurs qui, à leurs débuts, copiaient sans le dire aussi clairement leurs glorieux aînés (avec des équipes comme WildC.A.T.S., Youngblood, etc).

La différence, c'est le coeur qu'y met Lemire. Et ce subtil décalage dans l'angle d'attaque pour aborder le sujet et les personnages. Dans le premier épisode, Jane Ito, une auteur de comics, rencontrait Jack Sabbath, un de ses héros de fiction, avant de comprendre qu'elle s'était inspirée de son propre passé de super-héroïne, complètement oublié. Dès lors, dans ce nouveau chapitre s'engage une quête pour retrouver leurs anciens acolytes afin de prévenir une catastrophe dont l'une de leurs camarades serait la cause.

Le premier tiers de l'épisode surprend car il est dessiné par Tyler Crook à la manière d'un vieux comic-book, avec un trait cerné de noir et des couleurs volontairement criardes, avec un effet d'impression daté. C'est saisissant. On assiste à une séance d'entraînement dans un environnement virtuel, qui renvoie à la salle des dangers des X-Men. Tout dérape quand Snapdragon, la plus puissante membre du groupe des Unbelievable Unteens, déraille et risque de tuer ses partenaires en voulant se défendre. Le Dr. Moniker, mentor de l'équipe (comme le Pr. Xavier ou le Chef Niles Caulder), abrège la séance mais se refuse à débattre de la dangerosité de sa fille avec ses autres élèves.

Puis Crook renoue avec son style habituel, avec des couleurs directes à l'aquarelle, une palette plus terne, conforme à l'état d'esprit de personnages qui évoluent désormais loin du cadre super-héroïque de leur jeunesse. La transition est encore une fois très efficace. Nous allons bientôt faire plus ample connaissance avec Straka, dont nous apprendrons que lui et Strobe étaient amoureux quand ils faisaient partie de l'équipe. leur romance inspirait à Kid Boom des farces dont il rejetait la faute sur Snapdragon, fragilisant encore plus l'état mental de cette dernière.

Par petites touches, habiles, Lemire introduit de la conflictualité dans les rapports d'un groupe de jeunes héros obligés de cohabiter, de former une famille dysfonctionnelle, sous les ordres d'un chef, Moniker, qui les menait à la baguette tout en fermant les yeux sur la dynamite qu'il maniait. En fait, on devine que les Unbelievable Unteens n'étaient pas faits pour durer et peut-être que Moniker a mis un terme à cette expérience en lavant le cerveau de ses recrues (ce qui expliquerait leur amnésie). Mais ce n'est qu'une hypothèse à ce stade. D'autant que le cliffhanger de l'épisode suscite de nouvelles interrogations...

Lemire mentionne au passage Lucy Weber avec laquelle Jack Sabbath est en contact et qui lui fournit des renseignements pour localiser Carlos Vasquez/Kid Boom. Comme l'action de The Unbelievable Unteens se situe en 1997, pour se repérer on est donc un an après que Lucy Weber est devenue Black Hammer (succédant ainsi à son père Joe). Lemire établit donc discrétement un lien entre Black Hammer (l'héroïne) et les Unbelievable Unteens, ou au moins Jack Sabbath, et on peut déduire que Joe Weber a, lui, vu l'équipe du Dr. Moniker à l'oeuvre avant que le premier Black Hammer ne meurt (en 1986). Toutes ces précisions ne sont pas nécessaires pour comprendre et apprécier la série, mais pour les fans de l'univers de Jeff Lemire, c'est savoureux de s'amuser à placer les pièces sur une frise chronologique. C'est une continuité qui commence à être riche sans être écrasante (comme pour Marvel ou DC, où elle finit parfois par obliger auteurs et lecteurs à une gymnastique laborieuse).

L'avantage, en tout cas, c'est que Lemire est seul maître à bord. C'est comme si Hickman écrivait toute la franchise X-Men ou dirigeait très fermement les scénaristes des séries X. En Décembre prochain, la "Head of X" va laisser, de ce point de vue, un grand vide, que je redoute). Tandis que l'avenir du Black Hammer-verse inspire plus d'optimisme, à l'image de ces jubilatoires Unbelievable Unteens.  

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