mercredi 29 septembre 2021

SEX EDUCATION (Saison 3) (Netflix)


La troisième saison de Sex Education est celle de tous les risques pour la série produite et diffusée par Netflix. C'est sans doute pour cela que Laurie Nunn, sa créatrice et showrunner, après s'être faite désirer, a mis le paquet. Quitte à  en faire trop ? Il y a en tout cas à boire et à manger dans ces huit nouveaux épisodes où le meilleur côtoie le pire (surtout à la fin...)
 

Les vacances estivales touchent à leur fin. Sans nouvelles de Maeve à qui il avait envoyé un message d'excuses, Otis Milburn s'est consolé dans les bras de Ruby, la fille la plus populaire de Moordale, mais qui tient à ce que leur liaison reste secrète. Ensemble, en tout cas, ils découvrent Hope Haddon, qui remplace à la tête du lycée Mr. Groff, chargée par les investisseurs de restaurer la réputation du lieu. Otis n'hésite ainsi pas longtemps à dénoncer Kyle qui dispense de nouvelles consultations clandestines en y racontant n'importe quoi. De leur côté, Adam s'affiche désormais publiquement avec Eric.


Pour mettre fin aux consultations clandestines, Hope fait raser les anciennes toilettes du lycée et impose à l'intérieur de Moordale de nouvelles règles plus strictes. Jackson Marchetti et Viv représentent les élèves mais Jackson s'oppose à Hope quand elle oblige Cal, une nouvelle élève non-binaire à se changer dans les vestiaires des filles. Jean Milburn révèle enfin à Jakob qu'elle est enceinte de lui et Maeve demande à Otis que sa mère reçoive Aimee en thérapie (suite à l'agression sexuelle qu'elle a subie l'an dernier dans le bus). Isaac avoue à Maeve avoir effacé le message d'excuses que lui avait envoyé Otis.


Jakob et sa fille Ola s'installent chez les Milburn, à l'invitation de Jean, qui reçoit Aimee en consultation. Le port de l'uniforme devient obligatoire à Moordale et les cours d'éducation sexuelle sont supprimées : Hope préfère inciter les élèves à l'abstinence, ce qui créé des remous - et provoque une vraie fièvre hormonale auprès des lycéees et de leurs profs. Otis et Ruby dînent avec Adam et Eric et sympathisent. Ruby s'attache à Otis au point d'accepter, quoique à contrecoeur, de l'inviter chez elle : sa maison est modeste et son père paralytique. Touchée par la tolérance d'Otis, Ruby lui dit qu'elle aime et le laisse sans voix.


Jakob accompagne Jean à une échographie mais avoue avoir des doutes sur sa paternité, sachant qu'à l'époque de leur relation, elle avait recouché avec Remi, son ex-mari. Il demande un test. Ruby boude Otis, vexée par son manque de réaction après qu'elle lui ait ouvert son coeur. Rahim demande à Eric qu'il lui restitue des livres et des poèmes qu'il lui avait remis, ce qui provoque la jalousie d'Adam, par ailleurs inquiet à la perspective du voyage que Eric va faire au Nigeria (où l'homosexualité est désapprouvée) avec sa famille. Lorsqu'elles se croisent en allant voir Elsie, Maeve et sa mère, Erin, ne se parlent toujours plus depuis que la première a dénoncé la seconde à la police et bien que Erin ait suivi une cure de désintoxication.


Eric part au Nigeria avec sa famille assister au mariage d'un cousin. Sur place, il est attiré par le photographe de la cérémonie, homosexuel comme lui, et qui le traîne dans un club gay à l'abri des regards. Ils échangent un baiser sur la piste de danse. Pendant ce temps, les élèves de Moordale font un voyage éducatif dans la Somme, sur le théâtre des combats menés par l'armée britannique durant la première guerre mondiale. Otis s'excuse auprès de Ruby. Adam sympathise avec Rahim. Cal et Jackson se rapprochent. Mais Maeve et Otis, lors d'une halte dans une statio-service, sont oubliés par leurs accompagnateurs : ils profitent de l'occasion pour s'expliquer sur ce qui s'est passé avant les vacances et échangent un baiser - avant d'être récupérés par leurs encadrants.


Après avoir postulé à un concours pour un programme aux Etats-Unis sur l'idée de Hope, Maeve apprend qu'elle est acceptée - hélas ! Hope n'a pu lui décrocher une bourse. Aimee offre de lui payer cet enseignement mais Maeve refuse par fierté. Une nouvelle écrite par Lily et publié dans la gazette locale oblige Hope à infliger de nouvelles sanctions et elle humilie cette dernière ainsi que Cal et Jackson devant les autres élèves. Erin kidnappe Elsie mais Maeve rejette l'aide d'Isaac comme celle d'Otis qui cherchent surtout à s'attirer ses faveurs. Mr. Groff se rend chez Jean à qui il rend son carnet de notes et demande de l'aide pour reconquérir sa femme. Alors que Viv négocie plus de clémence envers les élèves auprès de Hope, elle découvre que celle-ci se sert d'elle pour réhabiliter l'image de Moordale au mépris de ceux qui y suivent des cours et de leurs problèmes d'adolescents. Viv conspire alors avec Jackson et Cal pour organiser le renvoi de Hope.


Le théâtre de cette vengeance a pour cadre une journée portes ouvertes à laquelle Hope et son mari, banquier, ont invité les investisseurs qui financent l'établissement et de futurs parents d'élèves. Après une visite des lieux, tout ce beau monde est attiré dans la salle des fêtes où les lycées de Moordale donnent un spectacle célébrant la liberté sexuelle et d'expression. Hope est atterrée et impuissante. Cependant, alors qu'elle donne une interview à la télé pour promouvoir son livre sur son expérience avec les élèves de Moordale, Jean perd les eaux et est conduite à l'hôpital pour accoucher. Maeve retrouve avec l'aide d'Aimee Erin et Elsie, sur le point de prendre un ferry pour la France, et elles récupèrent la fillette. Otis, mis au courant, rejoint Maeve et ils s'embrassent. Jean donne naissance à une fille mais des complications surviennent...


Otis, soutenu par Eric, et Jakob avec Ola veillent Jean puis font connaissance avec le bébé. Eric rejoint Adam au lycée après une nuit blanche passée à l'hôpital et le mari de Hope réunit les élèves pour les informer que tous les investisseurs se retirent par leur faute : Moordale est condamné à la fermeture et ils devront achever leur année scolaire dans un autre établissement. Jean sort du coma et découvre son enfant qu'elle et Jakob sur l'idée de Ola baptisent Joy. Otis croise dans les couloirs de l'hôpital Hope, qui entreprend des démarches pour une F.I.V., et apprend son renvoi et le sort du lycée. Aimee aide Maeve à s'installer chez la mère adoptive de Elsie puis la convainc d'aller suivre ce programme en Amérique qu'elle veut lui payer. Maeve rejoint Otis chez lui et lui annonce la nouvelle de son départ.

Presque deux ans se sont écoulés entre la diffusion de la saison 2 et celle-ci. La production a bien sûr été troublée par la crise sanitaire. Mais il est aussi vraisemblable que Laurie Nunn a cherché à se renouveler et que l'écriture de ces huit nouveaux épisodes a dû être plus difficile.

La créatrice et showrunner de Sex Education a du coup mis les bouchées doubles et assumé complètement le côté feuilletonnesque de son projet, multipliant les subplots, ne se refusant aucun coup de théâtre, et intégrant ce qui manquait depuis le début : un vrai antagoniste, un vrai méchant, pour dynamiser l'ensemble.

D'emblée, donc, nosu faisons connaissance avec le personnage que tout le monde va adorer détester : la nouvelle directrice de Moordale, Hope Haddon (Jemima Kirke, extraordinaire). Sous une apparence jeune et cool, il s'agit d'une femme qui, pour avoir suivi ses études dans ce lycée, et constaté le parfum de scandale qui l'entoure désormais, est résolue à rétablir l'ordre, par les grands moyens. En quelques épisodes, qui vont crescendo, les élèves doivent maintenant se déplacer en respectant chacun une moitié de chaque couloir, puis revêtir un uniforme strict, ne plus parler de sexe (et encore moins le pratiquer dans l'enceinte du lycée) - d'ailleurs les cours d'éducation sexuelle sont supprimés au profit de discours édifiants sur l'abstinence et de vidéos dégoûtantes sur l'accouchement.

Cette crise remet tout en cause car les lycéens ne peuvent rien faire contre la directrice, au risque d'être renvoyés. Quand bien même de fortes têtes persistent à se dresser contre ce nouveau régime, Hope Haddon n'hésite pas à mettre en scène des sanctions de manière théâtrale et humiliantes dans la grande salle de réunion où elle convoque tous les élèves pour des speechs édifiants. 

Mine de rien, Laurie Nunn révèle un visage du système éducatif anglais méconnu puisque Moordale est financé par des investisseurs privés qui réclament que l'établissement ait une réputation impeccable. Dans ces conditions, Hope Haddon se comporte comme un bon soldat, veillant aux bons comptes mais aussi à un retour d'un ordre moral qui ne dit pas son nom. Impensable en France ? Pas si sûr quand des sondages fréquents expriment le souhait de parents qui aimeraient le retour de l'uniforme et plus de fermeté disciplinaire. Sans parler des profs régulièrement pris à parti par des parents mécontents ou carrément menacés pour leurs enseignements.

Tous les personnages voient leurs situations remises en question, parfois de manière cruelle (le calvaire de Lily serre le coeur). Mais en préférant le plan d'ensemble à l'auscultation de ses personnages principaux, Laurie Nunn choisit aussi de prêter moins d'attention aux vedettes de sa série, Otis et Maeve. Eric en profite le plus avec Adam, dont la romance va connaître une issue poignante. D'autres, comme Ruby, jusqu'ici caractérisée comme une pimbêche, gagne en épaisseur dès lors qu'on découvre sa vie privée. La nouvelle venue, Cal, permet d'évoquer la non-binarité et par extension la question du genre dans un cadre désormais corseté par des règles qui refusent de distinguer les individus. En revanche, je suis plus réservé sur le temps occupé par les atermoiements sentimentaux de quelques profs, et même par le parcours de Mr. Groff qui se découvre une passion pour la cuisine, ose dire à son frère qu'il l'a harcelé pendant toute leur enfance, et veut reconquérir sa femme.

C'est que la série se heurte aussi à des intrigues qui se prennent inutilement les pieds dans le tapis : toutes les simagrées du couple Jean-Jakob par exemple lassent vite (entre elle qui cache un temps sa grossesse, puis lui qui doute d'être le père de l'enfant à venir, puis les complications mélodramatiques de la fin, et la jalousie déplacée de Ola). Pire : les chassés-croisés entre Maeve et Oris aboutissent à une conclusion complètement grotesque - comment croire que Maeve parte de si bon coeur étudier en Amérique alors qu'elle vient juste de retrouver Elsie et de renouer avec Otis ? La servilité de Viv est aussi maladroite et du coup sa rebellion (et la manière dont elle découvre avoir été utilisée par Hope) est mal mise en scène.

La distribution est quand même excellente : Asa Butterfield, Emma Mackey, Ncuta Gatwa et surtout Aimee Lou Wood et Connor Swindells (de loin celui dont le personnage, Adam, a connu la plus belle progression en trois saisons) sont épatants, d'autant qu'ils doivent se dépatouiller parfois avec des péripéties pas très subtiles. Gillian Anderson est un peu plus en retrait mais reste irrésistible, règnant sur le show avec une classe et un humour imparables (même si, du coup, le suspense final sur sa possible mort devient caduque : impossible d'imaginer Sex Education sans elle !).

C'est donc une saison inégale, aussi jouissive par moments que too much par d'autres. Netflix a officialisé la production d'une saison 4, qui promet beaucoup mais gagnerait à être recentré. En tout cas, il sera intéressant de découvrir comment Laurie Nunn rebondira après avoir autant secoué sa série.   

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