mercredi 17 mars 2021

JUSTICE LEAGUE #59, de Brian Michael Bendis et David Marquez / JUSTICE LEAGUE DARK, de Ram V et Xermanico


Après Scott Snyder, c'est donc à Brian Michael Bendis que DC a choisi de confier la direction de Justice League. Un choix assez logique puisque le scénariste a connu un succès certain chez Marvel en pilotant la franchise Avengers durant de longues années. Il est accompagné par David Marquez, son partenaire sur Ultimate Spider-Man et Defenders. Et cette reprise ne perd pas de temps en ronds de jambes : c'est bourré d'action, avec quelques additions surprenantes.


Au Khandaq, Black Adam affronte un alien surgi de nulle part alors qu'il se receuillait sur la tombe d'Isis, sa bien-aimée. Mais il est en difficulté face à cet adversaire qui a décrété que la Terre serait sienne.
 

L'ambition de Brutus, l'alien, est quelque peu refroidie quand la Justice League arrive sur place et que Superman lui administre une raclée. Interrogé à ce sujet, Black Adam répond, énigmatique, qu'une invasion commence...


Aquaman prend la relève pour maîtriser Brutus, sans succès. Hawkgirl lui vient en aide mais sa masse en Nième métal se met à irradier après avoir frappé l'alien. Brutus décide de battre, provisoirement, en retraite et se téléporte ailleurs.


Black Adam prend congé de la League qui, elle, rentre à sa base pour tenter d'en savoir plus au sujet de Brutus. Kelex, le robot de Superman, établit une correspondance entre l'alien et la jeune Naomi MacDuffie, à Prot Oswego, Oregon... Où Black Adam se trouve déjà.

On notera d'abord l'ironie de la situation : DC Comics vient de casser le contrat d'exclusivité qui les liait à Brian Michael Bendis et pourtant c'est à lui que l'éditeur confie la reprise en main de Justice League, une de ses séries-phares. Ne cherchez pas de logique dans la politique contractuelle de DC, qui devait surtout trouver un remplaçant fiable et stable à Scott Snyder.

Bendis incarne, il est vrai, un gage de sécurité : il a bâti une grande partie de son succès chez Marvel avec la franchise Avengers qu'il a redynamisée bien avant le triomphe du MCU pendant plus de dix ans. Il semblait donc inévitable qu'un jour ou l'autre il hérite de Justice League, et Jim Lee en aurait fait son candidat idéal (on ne refuse rien à Jim Lee, désormais seul à la barre depuis le licenciement de Dan Didio). Faut-il y voir aussi une explication à la fin du run un peu abrupte de Bendis sur les séries Superman/Action Comics ? En tout cas, ce premier épisode de l'ère Bendis renoue avec des éléments posés précédemment dans ses titres.

Bien que leur lecture n'ait pas été désagréable, les épisodes de Superman (et d'Action Comics, même si j'ai lâché plus rapidement cette dernière série) m'int laissé sur ma faim. Bendis semblait incapable de donner à son héros autre chose que des ennemis stéréotypés (Rogol Zaar, Mogul) dans des arcs laborieux. Périphériquement, il était plus à son aise, osant davantage de choses avec Jon Kent (quitte à s'attirer l'ire de quelques fans) ou en mettant en scène l'outing de Superman (qui lui survivra puisque Philip Kenendy Johnson, le nouveau scénariste, a confirmé qu'il ne reviendra pas là-dessus).

Toute compte fait, Bendis chez DC s'est employé à aller là où on ne l'attendait pas, y compris stylistiquement (puisqu'il a renoncé à ses dialogues souvent abondants ou parce qu'il laissait à Snyder la charge de sagas influençant tout le DCU). Mais donc, en acceptant d'écrire Justice League, il revient un peu à ses fondamentaux et reprend une place plus centrale, car la série et l'équipe sont naturellement l'axe autour de laquelle gravite l'univers des héros DC.

L'intrigue qui débute avec ce n°59 ne perd pas de temps pour démarrer : le méchant débarque de nulle part, s'en prend à Black Adam, s'autoproclame nouveau maître du monde, tient tête à la Justice League, et finalement aurait un lien avec Naomi (la jeune héroïne créée par Bendis dans la mini-série qui porte son nom - et pour laquelle une suite est toujours prévue, dés que Jamal Campbell, le dessinateur, sera libre). C'est un vrai page-turner, qui ne laisse guère le temps de se poser pour réfléchir, un peu comme si Bendis ne voulait pas laisser de chances à ses détracteurs de se poser de questions et embarquer tout le monde dans une aventure trépidante et mystérieuse à la fois. C'est réussi.

Comme tout épisode de ce genre, tout reste à dire. Si vous êtes curieux, alors vous vous jetterez sur la suite. Si cela vous a laissés de marbre, vous attendrez le prochain arc (ou pas). Pour ma part, je me range plutôt dans la première catégorie tout en restant prudent car si j'espère le meilleur, je sais aussi que mes attentes se sont relevées avec Bendis depuis qu'il a changé de crémerie. Néanmoins, le scénariste a annoncé des choses alléchantes, notamment en ce qui concerne la relation de sa série avec celle de sa back-up, la Justice League Dark de Ram V, et la formation de l'équipe elle-même.

La couverture est à ce titre évocatrice puisque, outre Black Adam, on assiste à l'arrivée de Naomi donc, mais aussi d'Hippolyte (la mère de Wonder Woman, qui est actuellement morte et séjourne au Valhalla - voir ma critique de Wonder Woman #770) et le retour de Green Arrow (qui devrait diriger l'équipe !) et Black Canary (alors qu'il n'y a plus de Green Lantern ni de Flash ou de Martian Manhunter). Cette composition a beaucoup suscité de commentaires et d'interrogations, surtout à cause de Black Adam (un personnage que voulait absolument intégrer Bendis). Mais le scénariste a aussi prévenu, qu'en fonction des histoires, cela bougerait beaucoup car il entendait que la Justice League devienne une équipe d'experts dans chaque domaine rencontré (donc n'importe qui est susceptible d'être appelé, ce qui rappelle son approche avec les Avengers). J'aime bien cette perspective, mouvementée.

Contrairement à Snyder, Bendis bénéficie d'une parution mensuelle et d'un artiste capable de tenir les délais. Justice League marque ses retrouvailles avec David Marquez, discret depuis son transfert chez DC (un arc de Batman/Superman et des covers). Marquez est réputé pour sa ponctualité et il accède enfin à une série exposée chez l'éditeur.

Avec un scénariste qui le connaît par coeur et qui écrit sur mesure pour lui, l'épisode met en valeur les atouts de Marquez. Sa manière de découper une longue séquence de baston montre son aisance dans l'exercice. Immédiatement, on apprécie la puissance des adversaires, donc on mesure la dangerosité réelle de Brutus quand il domine Black Adam, mais aussi la force tranquille de Superman qui, lui, éloigne le méchant sans se forcer. La composition des plans permet aussi de visualiser la particularité de chacun, comme la silhouette aîlée de Hawkgirl, ou celle, gracile, de Naomi. Les angles de vue sont variés, tout est follement dynamique.

Reste que cet épisode ne permet pas de voir toute l'équipe au complet et il faudra donc attendre pour savoir comment Marquez va animer Black Canary, Batman, Green Arrow ou Hippolyte en comparaison avec les big guns que sont Superman, Aquaman, Black Adam. A priori on va rester dans une BD très centrée sur l'action, sans à-côtés sur la vie privée des héros. Comme le laisse entendre Green Arrow, cette Justice League doit faire plus que se charger de super-vilains, symboliser l'ordre et la justice. Quelle forme prendra ce supplément d'âme ? Et si la formation évolue en fonction des histoires, commencela se traduira visuellement autant que narrativement ? C'est en tout alléchant car Marquez est vraiment un dessinateur apte à traduire tout ça sur la page.

C'est frustrant juste ce qu'il faut. Puissant graphiquement. Bendis a toutes les clés en main. 

*


Le sorcier Merlin rentre dans un château et descend dans une salle où se trouve le gardien endormi de l'épée Excalibur. Il le réveille pour le tuer et s'emparer de l'arme dont il extrait du manche un rubis magique, avec lequel il compte purger le monde.


Cependant, au Mexique, John Constantine et Zatanna enquêtent sur une étrange affaire en relation avec l'apparition d'un ange et d'un démon, ayant entraîné un délire collectif et violent. Sur place ils trouvent Jason Blood qui les met en garde contre une guerre imminente déclenchée par un puissant ennemi...

Justice League Dark aura donc fait les frais de la restructuration des titres DC, qui a décidé d'en faire une simple back-up story à Justice League. C'est toujours mieux que rien, mais c'est tout de même ingrat pour Ram V qui avait déjà été obligé de boucler les intrigues laissées en plan par James Tynion, et pensait certainement pouvoir développer ses propres plans en 2021.

Toutefois le scénariste a assez de talent et de ressources pour ne pas pleurer sur son sort et lâcher l'affaire. Il n'a que dix pages à sa disposition ? Qu'à cela ne tienne ! Fameux pour son aptitude à poser une histoire et des personnages à toute vitesse sans sacrifier leur caractérisation, Ram V prouve une nouvelle fois sa souplesse et sa solidité.  

Surtout il a l'air de bien s'entendre avec Bendis, au point que les deux hommes ont convenu que leurs séries se croiseraient bientôt pour un crossover et donc qu'il faudrait les lire pour se préparer à cette rencontre. D'ailleurs cet épisode semble déjà installer les fondations d'une saga.

Et ceux qui n'ont pas zappé Future State : Justice League Dark devineront tout de suite d'où part Ram V puisqu'il signe le retour menaçant de Merlin et de Jason Blood, déjà au coeur de ses épisodes futuristes. Les fans d'Etrigan le démon (comme moi) seront aux anges.

Pour l'épauler, Ram V bénéficie de Xermanico, qui n'est pas encore une star mais qui va certainement le devenir cette année. Cet artiste, excellent, livre des planches superbes, qui elles-même profitent des la colorisation somptueuse de Romulo Fajardo. Lui aussi n'a pas besoin de beaucoup de pages pour nous en mettre plein les yeux. Toutefois, il convient d'être prudent car Xermanico va également signer les dessins des prochains numéros d'Infinite Frontier : sera-t-il capable de cumuler les deux ? (Si Infinite Frontier ne paraît pas mensuellement, comme je l'ai compris, c'est faisable.)

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