vendredi 26 mars 2021

CATWOMAN #29, de Ram V et Fernando Blanco


Ram V revient à sa version actuelle de Catwoman après l'intermède Future State. Il renoue aussi avec son dessinateur, Fernando Blanco. L'habilité des deux partenaires leur permet de revenir sur le titre comme s'ils l'avaient quitté le mois dernier et surtout au lecteur de s'y retrouver sans aucune difficulté. L'intrigue qui démarre est haletante et promet beaucoup pour la suite.


Alleytown, Gotham. Au Nid, le détective du GCPD Dean Hadley est reçu par Selina Kyle à qui il remet un dossier sur une affaire qui est susceptible de l'intéresser et où elle pourrait l'aider. Une fois son invité parti, Selina se plonge dans le compte rendu et reconnaît un logo...


Ailleurs, à Gotham. Des laborantins s'activent autour d'un réservoir vitrée dans lequel se trouve, sans connaissance, Poison Ivy, et l'un d'eux, au téléphone, confirme que son équipe a réussi à synthétiser une drogue à partir de leur prisonnière. Il reçoit l'ordre d'incinérer Ivy.


La nuit venue, Catwoman enquête et se rend chez le Sphinx. Elle pénètre dans son appartement par effraction et trouve sur un document le logo qu'elle a reconnu dans le rapport d'enquête de Hadley. Mais dans la pièce voisine, Edward Nygma est aux prises avec une mystérieuse tueuse.


Catwoman intervient et permet, difficilement, au Sphinx de fuir. Elle le suit et essuie des tirs de fusil avant de semer la tueuse. Nygma et Catwoman se jettent dans la baie et se mettent à l'abri. Le Sphinx sort de l'eau, blessé par balles, et avoue à Catwoman que Poison Ivy a été enlevée...

Le premier arc de Catwoman écrit par Ram V fin 2020 a permis de constater que ce scénariste avait spectaculairement redressé cette série après le run calamiteux de Joelle Jones. En quelques épisodes, sous l'influence assumée de Ed Brubaker (dont il est fan), Ram V a donné un nouvel élan au titre grâce une intrigue efficace, qui a également resitué le rôle de son héroïne tandis qu'elle et Batman font une pause pour éprouver leurs sentiments.

Catwoman est devenue une sorte de protectrice de Alleytown, le quartier où elle a grandi et où elle s'est établie avec sa soeur Maggie. Elle recueille dans le Nid, un immeuble qu'elle a acquis en escroquant le Pingouin, des enfants à la rue. Elle a également dû imposer sa loi à plusieurs gangsters qui profitent de la misère de l'endroit pour faire prospérer leurs traffics. Dans l'ombre, un tueur, recruté par Oswald Cobblepot (le Pingouin), le Père Vallée veille sur Catwoman en attendant de l'éliminer car il ne veut pas qu'un autre le fasse. Enfin, un flic, Dean Hadley, qu'elle a croisé lors de son séjour à Villa Hermosa, n'hésite pas à composer avec elle pour assainir ce coin de la ville, couvert par des policiers corrompus.

Ce 29ème épisode s'ouvre par l'assassinat sauvage d'un des caïds de la drogue que Catwoman s'est mise à dos. On retrouvera plus tard la tueuse qui lui a réglé son compte mais on mesure tout de suite la dangerosité qu'elle représente et donc la menace pour Catwoman. Comme à son habitude, Ram V sait poser rapidement une situation, un personnage, qui marque le lecteur.

Une autre scène revient sur un point entreveu avant la coupure Future State : on avait aperçu Poison Ivy détenue par une bande de scientifiques sans trop savoir comment elle était arrivée là et ce à quoi elle servait. Le mystère reste bien entretenu mais on apprend quand même qu'on a fabriqué une drogue à partir de ses pouvoirs sur les végétaux et que celui qui a procédé à l'opération ordonne désormais qu'on se débarrasse de Pamela Isley.

Ram V développe ces pistes narratives sur un rythme soutenu mais toujours dans une narration claire. On saisit les enjeux, on identifie les protagonistes. C'est grisant à lire car on est captivé par ces péripéties et la manière avec laquelle le scénariste implique Catwoman. Surtout il conserve précieusement l'ambiguïté de cette dernière en la montrant comme la protectrice de Alleytown mais usant de méthodes qui lui sont propres et continuant de fréquenter des acolytes que n'apprécierait pas Batman. 

S'il y avait une scène à retenir pour saisir le brio de l'écriture de Ram V, ce serait celle où Catwoman s'introduit chez le Sphinx : chez lui, elle avait déjà vu un étrange logo en relation avec l'enquête sur laquelle Dean Hadley travaille et lui demande son aide. Mais alors qu'elle fouille les papiers d'Edward Nygma, celui-ci est sur le point d'être exécuté dans la pièce voisine par la tueuse vue au début de l'épisode. Catwoman ne peut laisser un crime être commis mais surtout risquer que le Sphinx soit éliminé au moment alors qu'il détient sûrement des infos préciseuses sur l'affaire qui intéresse Hadley. La voilà donc obligée de s'interposer et de protéger cette canaille de Nygma, qu'elle a précédemment roulé en escroquant le Pingouin. Ce retournement de situation est savoureux et scelle l'affrontement à venir entre l'Atout (le surnom de la tueuse) et Selina Kyle.

La partie graphique est toujours assurée par l'épatant Fernando Blanco qui produit une fois de plus des planches extraordinaires. Il soigne particulièrement les décors, ce qui est appréciable, car ils ont une importance majeure, non seulement pour savoir où on se trouve dans la progression de l'histoire, mais aussi parce que chaque site de l'action est au service d'une ambiance. Le laboratoire où on pratique des expériences sur Poison Ivy est glaçant à souhait. L'appartement en désordre du Sphinx indique immédiatement que quelque chose de dramatique va s'y jouer car on imagine mal un control freak comme Nygma habiter dans un endroit mal entretenu. Le temps d'une pleine page fantastique, on a aussi une vue sur Alleytown la nuit, un plan d'ensemble merveilleux sur l'environnement urbain, les lumières artificielles, la silhouette de Catwoman qui se détache dans le ciel tandis qu'elle accomplit une acrobatie entre deux immeubles.

Blanco croque les personnages d'un trait vif et flatteur. Il saisit Selina Kyle dans sa piscine dans un maillot de bain une-pièce qui met en valeur sa plastique irréprochable. Ce qui pourrait passer pour plusieurs cases un peu racoleuses sur l'héroïne en petite tenue devient ensuite le véhicule à un dialogue entre Selina et sa soeur Maggie qui a trouvé Hadley séduisant et soupçonne qu'il n'est pas insensible au charme de Selina. Comment pourrait-il être indifférent devant cette femme splendide, si sûre d'elle ?

Une nouveauté cependant s'est invitée dans la série sur le plan visuel et elle de taille puisque Jordie Bellaire a trouvé du temps (dans son agenda pourtant bien rempli) pour en devenir la coloriste. Si FCO Plascencia ne déméritait vraiment pas, Bellaire livre une contribution si fine, si nuancée qu'il est impossible de nier sa plus-value. 

Bref, Catwoman poursuit sur sa belle lancée. Une reprise de première classe pour une des meilleures séries DC (et séries tout court) actuelles.

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