jeudi 25 mars 2021

GUARDIANS OF THE GALAXY #12, de Al Ewing et Juann Cabal


Ce douzième épisode de Guardians of the Galaxy marque nettement la fin d'un cycle, c'est la conclusion d'une "saison" (comme on le dit pour une série télé). Al Ewing a, mine de rien, reconfiguré le titre et l'équipe, de manière inégalement inspirée, mais avec beaucoup de bonne volonté. Juann Cabal fait ses adieux à la série qui en a fait une star, en produisant une nouvelle fois des planches ahurissantes.


Les Olympiens affrontent les Gardiens de la galaxie. Zeus s'en prend à Peter Quill qui les avait exilés dans une dimension parallèle en se sacrifiant. Mais qui les en a sortis en ressucitant. Cette fois, les dieux entendent bien avoir leur revanche en éliminant tous ceux qui se dresseront sur leur passage.
 

Leur vaisseau détruit par Zeus alors qu'ils atterrissaient pour se préparer à la bataille, Rocket et Hercule ont échappé à la mort grâce à Marvel Boy qui les a isolés dans une bulle temporelle. Rocket a sauvé un morceau de Groot que le Prince du Pouvoir réussit à faire croître.


Surplombant les affrontements, Athéna comprend que ses pairs sont en difficulté. Moondragon ne doit son salut qu'à l'intervention de Phyla-Vell qui l'aide à invoquer le Dragon de la Lune. La bataille bascule alors en faveur des Gardiens de la galaxie.


Noh-Varr, Moondragon et Star-Lord unissent leurs pouvoirs, après que les dieux aient été terrassés, pour renvoyer Zeus et Athéna dans une dimension déserte. Le Super-Skrull et son armada arrivent lors pour annoncer à Nova que le Conseil Galactique dissout l'équipe...

Dans l'existence éditoriale des Guardians of the Galaxy, on peut distinguer quatre époques. La première a vu la naissance du titre créé par Roy Thomas en 1969. La deuxième en 2008 quand Dan Abnett et Andy Lanning le relance lors de la saga Annihilation. La troisième en 2012 lorsque Brian Michael Bendis le reprend en main. Enfin la quatrième en 2014 avec l'adaptation au cinéma par James Gunn. Ces quatre temps montrent comment, depuis une douzaine d'annéesl es Gardiens de la Galaxie sont devenus une équipe qui compte chez Marvel.

Les fans adorent l'ère Abnett-Lanning, mais sans Bendis la popularité de ces héros n'aurait pas été suffisante pour avoir les honneurs du grand écran. Jusqu'en 2017, Bendis portera la série, son dernier grand run sur un titre Marvel, avec une formation proche de celle des films de James Gunn.

Hélas ! après Bendis, la succession n'a pas été très satisfaisante : Gerry Duggan a fait ce qu'il a pu et a surtout convaincu dans des épisodes auto-contenus ; Donny Cates a animé le titre pendant un an sans éclat. Al Ewing, auréolé de son succès sur Immortal Hulk, avait fort à faire pour redresser le cap mais il pouvait compter sur un dessinateur qui allait transcender ses scripts, Juann Cabal. Toutefois, l'artiste s'investissait tellement dans ses planches qu'il ne pouvait tenir un rythme mensuel et, quand il était absent, on constatait que ce n'était plus tout à fait la même chose.

Cependant, on ne peut pas retirer le mérite d'Ewing dans l'entreprise. Il a hérité d'une série dont il n'avait pas choisi le casting et de choix opérés par ses prédécesseurs (comme le fait que Groot pouvait désormais s'exprimer normalement). Il a composé, et plutôt bien, même si comme Cates, il a aussi échoué à faire vivre, à donner corps à certains personnages (Phyla-Vell en particulier). En revanche, il a durablement transformé des héros emblématiques (comme Star-Lord) et achève cette "saison" 1 sur un nouveeau statu quo, qui rétablit une crédibilité au titre même de gardiens de la galaxie.

Même si Ewing a parfois consacré des épisodes à des intrigues sans grand intérêt (la confrontation du groupe de Gamora et celui de Nova) ou dû faire de la place à un event (comme King in Black, de... Donny Cates), l'ensemble de son run a été écrit avec un fil rouge, celui des Olympiens, le panthéon des dieux grecs revenus dans notre univers pour y imposer leur ordre. Tout a démarré et se termine avec eux. On peut déplorer que Ewing n'ait pas développé un peu plus ces méchants, surtout en incorportant à l'équipe des Gardiens Hercule, le fils de Zeus, mais quand ils les a mis en scène, cela a donné des épisodes épiques, où la dimension sacrificielle,, jusqu'au-boutiste des deux camps électrisait la narration.

Ce douzième épisode est donc une grande bataille qui aurait mérité un épisode de plus pour montrer tous les personnages, donner plus de place et d'intensité au combat. Mais Ewing avait, semble-t-il, à coeur de conclure sur ce qui aurait dû être un numéro anniversaire (la parution de la série ayant été décalée au Printemps 2020 quand la crise sanitaire a commencé). Je pense que le scénariste a fait le choix de se cocnentrer sur ses héros favoris, ceux qu'il a vraiment mis le plus en avant dans son run, à savoir le trio Peter Quill/Star-Lord, Noh-Varr/Marvel Boy et Heather Douglas/Moondragon.

Ce sont ces trois-là qui, en effet, font la différence dans l'affrontement contre les Olympiens et Juann Cabal leur consacre lui aussi ses plus beaux efforts avec une fois encore une invention dans le découpage, la représentation des pouvoirs, la valeur des plans, sidérants. L'artiste espagnol et son coloriste Federico Blee sont déchaînés et quittent la série sur une note magistrale. Même si les décors sont réduits au strict minimum (mais l'arêne de la bataille n'est qu'un caillou désertique, stratégiquement choisi pour qu'il ait un minimum de dégâts collatéraux), on apprécie comment Marvel Boy sauve Rocket et Hercule, comment Moondragon réussit à prendre le dessus sur son adversaire, puis comment Star-Lord règle son compte à Zeus. Il y a là un côté David contre Goliath tout à fait jubilatoire et in fine, c'est l'esprit d'équipe qui a raison des plus forts.

Mais boucler une "saison", c'est aussi préparer la suivante. Je préviens tout de suite que je ne poursuivrai pas la lecture de cette série, à cause du départ de Juann Cabal qui m'a fait rester quand je doutais de la progression de la série écrite par Ewing. Juan Frigeri va le remplacer et je ne trouve pas qu'on y gagne au change. Ajoutez à cela que je crains que Ewing ne s'engage dans une direction trop ambitieuse...

Je suis obligé de spoiler à partir de maintenant, donc, arrêtez-vous là si vous n'avez pas encore lu l'épisode ou que vous ne consultez pas les news ses sites spécialisés ou des forums sur les comics.

Donc, à la toute fin de ce numéro, une fois la victoire contre les Olympiens acquise, le Super-Skrull et toute une armada débarquent et annoncent à Nova que le Conseil Galactique a décidé la dissolution des Gardiens de la Galaxie. Ewing écrit ça proprement en soulignant que les membres de l'équipe sont tous des marginaux, des vétérans de guerre, souffrant tous de problèmes mentaux, avec parfois des casiers judiciaires bien remplis, ne répondant de leurs actes à aucune autorité. Ce n'est plus supportable.

A  moins qu'ils ne se réforment, en profondeur. Une ellipse a alors lieu et trois mois plus tard, Nova répond à une alerte et les Gardiens de la Galaxie repartent au combat. Une pleine page, la dernière de l'épisode, nous dévoile alors l'équipe au grand complet (ou presque) et on remarque alors qu'il ne s'agit pas d'une simple brigade mais bien d'un petit régiment. Pour qui a lu les annonces de Marvel et les solicitations pour Avril, le plan du scénariste est bien d'avoir à disposition non pas une mais deux, voire trois équipes, et donc une flopée de personnages, de tous horizons.

Cela m'a rappelé les Avengers de Hickman, une petite armée, capable d'agir sur un plan cosmique, avec des mutants, des Shi'ar, des dieux, des surhommes, etc. Mais je suis plus perplexe ici parce que Ewing a déjà eu du mal à animer les Gardiens en formation serrée durant douze épisodes, privilégiant ostensiblement un ou deux personnages au détriment des autres, alors imaginez une vingtaine. Si le scénariste fait des merveilles avec SWORD, c'est parce qu'il emploie chacun de ses membres selon leur spécialité, c'est un groupe d'experts, avec des doublures et des adjoints, mais le coeur du SWORD tient en six protagonistes. Plus on dirige des personnages, plus on risque d'en négliger, et un épisode ne fait que vingt pages. Ecrire, c'est forcément choisir, et là, Ewing prend le chemin inverse : je lui souhaite de réussir, mais c'est un pari excessivement casse-gueule qu'il fait.

Cela dit, ces douze numéros se lisent comme un ensemble cohérent et solide. Marvel (et Panini) serai(en)t inspiré(s) de sortir un jour un recueil de ces douze épisodes, qui permettrait d'apprécier cet acte I des Guardians of the Galaxy selon Ewing (et Cabal).

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