vendredi 27 mars 2020

X-MEN #9, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Le précédent épisode de X-Men tranchait avec le format mis en place par le scénariste Jonathan Hickman puisque la fin était ouverte et appelait une suite. On reprend donc là où on avait laissé l'histoire avec l'Oeuf Roi, les Broods, les Shi'ar, les Starjammers et les Kree. Mais en vérité Hickman surprend encore, déplaçant subtilement le coeur de l'intrigue. Au dessin, Leinil Yu revient et confirme qu'il est de plus en plus en forme.


Il y a huit milles ans, les Kree ont capturé des spécimens Broods pour les étudier. Ils comprennent leur structure sociale matriarcale et leur capacité de nuisance. Afin de contrôler cette race et de s'en servir plus tard, ils conçoivent un Oeuf Roi.


Aujourd'hui. L'accusateur Kree qui détient les Starjammers en otage marchande avec Sunspot pour récupérer cet Oeuf Roi. Mais Roberto da Costa lui envoie la garde impériale Shi'ar, contre laquelle les Kree ont conspiré.


Gladiator tue l'accusateur Kree. Les X-Men approchent au même moment du vaisseau de ce dernier, poursuivis par les Broods, à cause de l'Oeuf Roi qu'ils ont récupéré. Alors qu'ils demandent l'aide des occupants du vaisseau, le leur est touché par les Broods.


La garde impériale et les Starjammers se crashent avec les X-Men sur une planète proche et se réfugient dans une grotte. Les Broods atterrissent et leur armée investit la cachette de leurs cibles. Jean Grey prévient que les extraterrestres feront tout pour récupérer l'Oeuf Roi.


Shi'ar, Starjammers et X-Men sont unis dans la bataille qui s'ensuit. Malgré leur puissance de feu, ils sont submergés par le nombre des Broods. Pourtant le combat cesse brusquement lorsque Broo, l'allié des X-Men, avale le contenu de L'Oeuf et devient de facto le Roi des Broods.

Avec le diptyque qui s'achève dans ce numéro, Jonathan Hickman s'inspire largement de la saga des Broods, écrite par Chris Claremont et dessiné par Paul Smith et Dave Cockrum dans les années 80. Les aventures spatiales des mutants devenaient alors un classique du genre, même si la référence aux films Alien était flagrante. 

Sur ce plan, ces deux épisodes forment un tout très agréable et efficace car tous les ingrédients y sont réunis. Il y a un casting abondant, de l'action, du grand spectacle, des ramifications profondes. Hickman pioche dans tous les compartiments en convoquant les Shi'ar, les Kree, les Starjammers et une frange bien particulière des X-Men (les trois frères Summers, Jean Grey). Difficile de faire la fine bouche.

Il y a fort à parier que Hickman se resservira de tout cela (le prochain event Marvel suggère même, dans des visuels en forme de teasers, que les mutants vont s'allier aux Skrulls et aux Kree contre les humains dans ce récit cosmique).

Pourtant, si tout l'épisode se déploie pour aboutir à l'ultime page et à un savoureux retournement de situation, qui fait de Broo un personnage incroyablement important désormais, la manoeuvre de Hickman est intéressante d'abord pour ce qu'elle raconte dans la marge, voire hors champ.

Le flash-back qui ouvre ce numéro, situé huit mille ans dans le passé, révèle comment les Kree ont oeuvré pour, le moment venu, bouleverser la société des Broods et les manipuler contre leurs adversaires Shi'ar. Tout cela impacte la suite de l'épisode où, en fin de compte, les X-Men impliqués sont davantage spectateurs qu'acteurs. Car en vérité l'affaire les dépasse en les précédant.

C'est assez culotté mais en même temps habile car, après avoir, durant sept épisodes, présenté les mutants comme une force nouvelle, mieux organisée, avec un poids inédit sur l'échiquier terrestre, cette histoire les redéfinit comme des pions dans une stratégie à très long terme chez les Kree. C'est cela aussi qui autorise à penser que Hickman reviendra sur ce point car on imagine mal Charles Xavier négliger sa communauté sur un plan extra-terrestre (et certainement est-ce pour cela que l'event à venir, Empyre, communique sur l'alliance des X-Men avec les Kree et les Skrulls contre les héros humains - à moins, bien entendu, qu'il ne s'agisse d'une ruse pour neutraliser ces deux peuples s'ils agressent Krakoa).

Même si j'ai d'abord regretté que Mahmud Asrar ne dessine pas la seconde partie de ce récit, je dois reconnaître que Leinil Yu livre une très bonne prestation. Il est, c'est vrai, à son aise dans ce registre, habitué à l'exercice après avoir illustré des sagas (cf. Secret Invasion). D'une certaine manière, les contraintes de ce type d'histoire lui permettent de compenser ses faiblesses habituelles.

Ainsi, on reproche souvent à Yu (avec raison) de ne pas rendre ses personnages très expressifs. Mais dans ce contexte, où le plan large l'emporte franchement sur le plan rapproché, il est inutile d'être subtil. Ce qu'on attend de l'artiste, ce sont des images puissantes, grandioses, et le scénario lui en fournit. 

Par ailleurs, Yu excelle dans le dessin des Broods, qui, sous son crayon, apparaissent vraiment terrifiants, et plus encore quand ils évoluent en nombre. On saisit sans effort la menace terrible qu'ils sont, et lorsque, dans la dernière partie de l'épisode, les héros sont acculés dans une grotte par ces affreuses bestioles, le danger est sensible.

Grâce aux couleurs de Sunny Gho, Yu peut alors lâcher les chevaux et produire une pleine page spectaculaire où la bataille fait rage. Gho utilise à bon escient une palette variée pour que le lecteur apprécie les pouvoirs en action des Shi'ar, des X-Men, des Starjammers. Le plan est redoutablement efficace et concis, tout en restant lisible.

Il y a un vrai plaisir à lire cette histoire, qui ne traîne pas en longueur tout en étant remarquablement dense. Hickman donne une sorte de masterclass express sur la géopolitique galactique, quitte à reléguer au second rang les X-Men. Mais gageons que cela portera ses fruits dans le futur car le scénariste ne fait jamais rien au hasard (même si on espère qu'il reviendra, le moment venu, sur le personnage de Vulcain dont la présence n'émeut guère Gladiator alors que Gabriel Summers a autrefois mis à genoux l'empire Shi'ar en tuant sa reine). 

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