Avec ce cinquième épisode s'achève Folklords... Quoique, à l'évidence, une suite serait dans les tuyaux quand on considère la fin de chapitre, qui, comme une boucle, renvoie le lecteur au début de l'aventure à la faveur d'un twist malicieux. Matt Kindt et Matt Smith concluent en beauté, mais forcément aussi de manière frustrante ce tour de piste.
Ansel, accompagné de Vilaine, retrouve l'elfe Archer dans une des parties de la Bibliothèque des Livres Bannis. Les deux amis se disputent, Ansel estimant que Archer l'a trahi en le livrant à Greta dans la forêt. Mais Vilaine les interrompt.
En effet, les bibliothécaires viennent les arrêter et les conduisent dans une grande salle où ils sont reçus par John Ronald, le Folklord. Originaire de la même dimension que Ansel, il est celui qui a créé celle où il a grandi et en a rédigé les lois.
Ronald entend maintenant corriger cet anomalie que représente Ansel. Il abat Vilaine avant d'être assommé par Demure, l'amie d'Ansel qui l'a suivie en secret et s'est infiltrée parmi les bibliothécaires. Mais Ronald se ressaisit et lui tire dessus.
Ansel se jette sur Ronald mais il échoue à le vaincre. Il faut l'intervention opportune de Sal, le bibliothécaire banni, qui brise le cou du Folklord, pour le sauver. Vilaine, grâce à sa côte de maille, et Demure, grâce à son armure, ont survécu.
Sal se proclame nouveau directeur de la Bibliothèque en dénonçant les mensonges de Ronald, puis livre l'adresse des autres Folklords à Ansel, qui a pour mission de les éliminer. Dans notre monde, une jeune fille, habillée comme dans la dimension de Ansel, se précipite dans une bibliothèque pour trouver un moyen de le rejoindre dans sa quête...
Parfois il est bon d'être frustré par une lecture : c'est le signe qu'on en veut davantage, qu'on souhaite une suite, et cela, Matt Kindt l'a bien compris en concluant cet épisode de Folklords. Nous quittons Ansel, Vilaine et Demure alors qu'ils s'engagent dans une nouvelle quête tandis que dans notre monde, une autre héroïne veut les rejoindre.
Cela suggère qu'il y aura un Acte II à cette histoire. Mais surtout, la composition du récit prend la forme d'une boucle en nous montrant un personnage inédit démarrer la même démarche que celle empruntée par Ansel dans le premier épisode.
Entre temps, le périple de Ansel a atteint son pic : nous l'avions laissé, il y a un mois, dans le labyrinthe de la Bibliothèque des Livres Bannis, perdu dans les tranchées où il retrouvait son ami, l'elfe Archer. Kindt semblait dire que se perdre dans les fictions revenait à se perdre tout court, à ne plus distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux. C'était une sorte d'épreuve de vérité ultime.
Mais le commentaire méta-fictionnel prend une tournure à la fois plus convenue et plus efficace quand on apprend avec le héros et ses compagnons que le maître d'oeuvre est un auteur mégalomane, échappé de la même dimension que Ansel, et qui entend réparer le déraillement de sa fiction en éliminant ce dernier (et tous ceux qui l'ennuient). John Ronald, c'est à la fois la figure du scénariste tout-puissant et un fantoche, un marionnettiste et le pantin de sa propre comédie : il s'est, lui, littéralement perdu en se croyant immortel, en s'arrogeant le droit de vie et de mort non pas sur des personnages imaginaires mais des êtres de chair et de sang (puisque Matt Kindt a réussi à nous les rendre attachants).
Il faut, de façon quasi-freudienne, tuer le père en tuant John Ronald, qui ressemble plus à un tyran, un chef de secte (formée par les bibliothécaires) qu'à un aimable conteur, ménageant une belle fin aux protagonistes. Ceux-ci sont les grains de sable qui ont provoqué l'enrayement de sa belle machine fictionnelle. Il est ironique que ce soit de la main d'un bibliothécaire banni que Ronald trouve la mort - bien qu'on puisse douter que Sal soit un meilleur chef que lui.
Matt Smith illustre cela avec sa facilité habituelle. Pour moi qui ne connaissait pas cet artiste, c'est une révélation et j'espère, dans l'avenir, pouvoir me procurer d'autres de ses livres. Il a un trait simple mais expressif, et un vrai talent de narrateur. Son découpage est limpide, fluide, ses finitions soignées.
Surtout, ce qui épate, c'est la modestie de Smith. Il sert le récit, humblement. Pourtant, si vous en avez l'occasion ou la curiosité, allez visiter son compte Twitter : il y poste en abondance ses recherches pour trouver le look des personnages, le design des décors. On peut alors constater avec quelle minutie il prépare son ouvrage et surtout mesurer que derrière cette simplicité, il y a un travail fourni.
Souhaitons en tout cas que notre intuition se confirme et que les deux Matt concoctent une suite à cette mini-série très bien fichue.
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