Ce quatrième de Thor par Donny Cates et Nic Klein est dans le droit fil des précédents : il y a dans la série un vrai souffle épique. Mais aussi une construction un peu maladroite, où le scénario s'arrête trop longtemps sur des péripéties alors que l'intrigue gagnerait à être plus serrée. Toutefois, on aura tort de trop se plaindre car, dans ses ultimes pages, ce nouveau chapitre annonce une suite dramatique à souhait - et, avant cela, une surprise de taille...
Asgard. L'arbre de vie, Yggdrasil, se meurt, contaminé par l'Hiver Noir. Thor est loin de son royaume et l'ignore. Il fait face à Lady Sif, venue s'interposer entre son roi et Beta Ray Bill. Mais rien ne semble pouvoir raisonner le dieu du tonnerre qui envoie son marteau contre la gardienne du Bifrost.
Elle convoque justement le passage magique et expédie Mjolnir dans le royaume de Jotunheim, territoire de Loki. Contre toute attente, celui-ci se montre capable de soulever le marteau enchanté. Pendant ce temps, Lady Sif contraint Thor, désarmé, à se calmer.
Il accepte que Lady Sif rapatrie Beta Ray Bill à Asgard puis récupère Mjolnir. Galactus, qui s'impatiente de ces querelles, presse Thor qui se recharge en énergie cosmique en la drainant directement du dévoreur de mondes.
La mission peut reprendre et Galactus consomme trois nouvelles planètes, absorbant avec elles les pouvoirs de leurs habitants évacués sur Asgard. Sa puissance augmente de plus en plus mais il reste insatiable.
Thor se pose sur Cryo où une délégation l'attend, au courant de sa venue et de son rôle mais décidée à ne pas servir de repas à Galactus. Celui-ci se passe de leur permission, d'autant que l'Hiver Noir est aux portes de ce monde. Thor ne peut sauver personne et doit à présent se préparer au combat...
Ce nouvel épisode de Thor présente surtout ce qui ne fonctionne pas dans l'écriture de Donny Cates. Mais cela ne signifie pas que c'est mauvais - au contraire on passe encore un bon moment, très efficace. Simplement le scénariste est maladroit dans la construction de son récit, une maladresse récurrente en vérité.
Si on compare cet arc de Thor, on retrouve le même défaut qui déséquilibrait le premier arc des Guardians of the Galaxy de Cates : un démarrage en force puis un rebondissement qui ralentit considérablement le déroulement de l'histoire et oblige ensuite à une accélération brusque.
Ici, on peut en effet s'étonner que Cates consacre un épisode et demi à l'affrontement entre Thor et Beta Ray Bill puis Lady Sif alors que le dieu du tonnerre, nouvellement élu héraut de Galactus, doit quand même se préparer à stopper l'Hiver Noir. Il s'est acharné contre Bill au point que Sif ait dû s'en mêler et tout ça pour quoi ? Parce qu'en fait Thor n'assume pas réellement sa charge nouvelle de roi d'Asgard, craint de répéter les erreurs de son père. Il se montre irascible, impatient - exactement comme Odin.
On comprend que Galactus s'irrite de le voir perdre son temps contre Beta Ray Bill et Lady Sif quand l'urgence est clairement ailleurs. Le lecteur aussi peut légitimement s'agacer du comportement du héros, franchement déplacé dans de telles circonstances...
Résultat : après avoir mis quasiment en pause son intrigue, Cates donne le sentiment de vouloir rattraper le temps perdu à toute vitesse dans la seconde partie de l'épisode. En une double page, on voit alors Galactus, guidé par Thor, engloutir quatre planètes. C'est qu'il est obligé de se dépêcher car l'Hiver Noir est aux portes du dernier monde dévoré. Plus le temps de tergiverser. C'est heureux mais on aurait aimé que Cates comme Thor s'en rendent compte plus tôt.
Malgré cette réserve, le résultat reste malgré tout très plaisant. C'est ce qui sauve Thor du naufrage que furent les premiers épisodes des Guardians of the Galaxy version Cates (avec des personnages fantomatiques, une tension en chute libre et des coups de théâtre téléphonés). Les caprices de Thor révèlent, via Lady Sif, un personnage effrayé par la perspective de son échec de nouveau roi, et en arrière-plan la hantise de ressembler à un père avec lequel il a toujours entretenu des rapports compliqués. Tout cela n'est pas exprimé de manière très subtile, mais peut aboutir à des développements intéressants, qui expliqueraient les difficultés de Thor avec Mjolnir par exemple.
Car, entre deux explications laborieuses, Cates glisse une scène vraiment surprenante et prometteuse : Lady Sif convoque le Bifrost pour priver Thor de son marteau, qui atterrit à Jotunheim, chez Loki. Et celui-ci, inexplicablement, arrive à soulever l'arme de son demi-frère ! Plusieurs interprétations sont ouvertes alors et il est évident que Cates sème là un subplot pour ce qui se passera après l'affaire de l'Hiver Noir.
Enfin, l'autre élément qui sauve Thor, c'est son dessin : Nic Klein est un artiste bien plus régulier et solide que ne le fut Geoff Shaw sur Guardians of the Galaxy. Depuis le début sa prestation est un sans-faute, il est vraiment chez lui.
La manière dont il découpe les scènes d'affrontement est à la fois simple et très dynamique, l'électricité qui règne entre les personnages est constante grâce à l'expressivité qu'il réussit à insuffler aux protagonistes. J'aime particulièrement la façon dont il anime Lady Sif, qui a longtemps été confiné au rôle de fiancée de Thor ou d'acolyte des trois guerriers (Frandal, Volstagg, Hoggun) : désormais en charge du Bifrost, elle a gagné en puissance, en autorité et tient tête sans trembler à Thor tout en incarnant une voix de la raison face au dieu du tonnerre.
Mais surtout, c'est avec Galactus que Klein donne la pleine mesure de son talent. Ce personnage vraiment hors normes n'est pas facile à diriger, or il parvient à lui donner une vraie personnalité, une voix. Sans Klein pas sûr que le script de Cates seul aurait réussi à si bien servir le géant dévoreur de mondes, devenu une sorte d'ogre insatiable et de dernier rempart face à la menace.
Ce qui est certain, c'est que la fin de cet épisode ne laisse plus de délai au récit : l'Hiver Noir contre Galactus et Thor sera au menu du chapitre du mois prochain et la bataille promet beaucoup, surtout en fait parce que l'ennemi dans son aspect informe est plus effrayant qu'un énième adversaire classique.
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