L'ARNACOEUR est un film réalisé par Pascal Chaumeil, sorti en salles en 2010.
Le scénario est écrit par Laurent Zeitoun (d'après son idée originale), Jeremy Doner et Yoann Gromb. La photographie est signée Thierry Arbogast. La musique est composée par Klaus Badelt.
Dans les rôles principaux, on trouve : Romain Duris (Alex Lippi), Vanessa Paradis (Juliette Van Der Beck), Julie Ferrier (Mélanie), François Damiens (Marc), Helena Noguerra (Sophie), Andrew Lincoln (Jonathan), Jacques Frantz (Van Der Beck), Jean-Yves Lafesse (Dutour).
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Alex Lippi est un briseur de couples professionnel : avec l'assistance de sa soeur aînée, Mélanie, et de son beau-frère, Marc, il est engagé par la famille ou les amis de jeunes femmes sur le point de se marier avec un homme avec lequel elles ne sont pas vraiment heureuses ou qui déplaît à leurs proches. Ses seuls interdits : ne pas coucher avec la "cible" ni détruire un couple sincèrement amoureux.
Juliette Van Der Beck et Alex Lippi
(Vanessa Paradis et Romain Duris)
Mais les mises en scène et le train de vie d'Alex et son équipe coûtent cher, il a dépensé sans compter et accumulé les dettes, aujourd'hui son principal créancier réclame l'argent avancé. Alex n'a pas le choix : il doit décrocher une mission, même si elle paraît a priori impossible.
Juliette et Alex
Sa nouvelle cible s'appelle Juliette Van Der Beck, oenologue réputée, sur le point d'épouser Jonathan, jeune et bel aristocrate anglais, et en froid avec son père, un homme d'affaires douteux, depuis la mort de sa mère. Les noces sont prévues dans une dizaine de jours.
Alex et Juliette
A ce délai très court vont s'ajouter d'autres problèmes : d'abord, Juliette est vraiment amoureuse ; ensuite, elle est immédiatement exaspérée par Alex qui se fait passer pour un garde du corps engagé par son père prétendument victime de menaces ; la meilleure amie nymphomane de la future mariée débarque et jette son dévolu sur Alex ; son usurier le menace sans arrêt via son homme de main...
Alex et Juliette
Mais le plus embêtant pour Alex, c'est qu'il est de plus en plus troublé par Juliette et qu'elle aussi se met à douter, charmée par ce garçon maladroit mais aux goûts si semblables aux siens tout en notant les réserves de sa future belle-famille.
Alex, Mélanie, Marc et Juliette
(Romain Duris, Julie Ferrier, François Damiens et Vanessa Paradis)
Ces hésitations suffiront-elles pour la détourner de l'autel ? Et pour convaincre Alex de laisser parler ses sentiments au détriment de son business ?
Dans une dizaine de jours sortira en salles un film intitulé Un Petit Boulot, adapté du roman de Iain Levison, réalisé par le même Pascal Chaumeil aux commandes de cet Arnacoeur : ce sera aussi son dernier opus, puisqu'il est mort à la fin de cet ultime tournage. Sans préjuger des qualités de cette oeuvre posthume, il est fort probable que le cinéma français ait perdu un des rares bons filmmaker de comédie de ces dernières années, qui aura fait l'essentiel de sa carrière à la télé (pour des séries comme Fais pas ci, fais pas ça ou Engrenages).
Il y a six ans donc sortait son premier long métrage : une réussite, quasi-unanimement saluée par la critique et un énorme succès public (près de quatre millions d'entrées), dont la qualité tranchait singulièrement avec les productions de piètre niveau formatées pour les prime times des grandes chaînes télé. Une authentique comédie romantique française, ciselée et soignée, avec un casting quatre étoiles. Ce coup d'essai sera suivi par Un plan parfait en 2011, avec le couple Dany Boon-Diane Kruger, un peu moins entraînant mais très divertissant et encore joliment emballé.
En le revoyant en DVD, et donc en visionnant également les bonus (un lot de scènes judicieusement coupées pour préserver le rythme, un bêtisier classique, et un making of instructif), on mesure cependant le malentendu qui s'est établi entre quelques analyses et l'intention de l'équipe : on a ainsi beaucoup cité Belmondo (pour l'interprétation il est vrai pleine d'énergie et de gouaille de Romain Duris en Heartbraker, le titre anglais du film), mais il est évident aussi que beaucoup d'articles ont été rédigés par des journalistes ou blogueurs qui avaient l'air de se pincer le nez (réflexe fréquent en France où avouer aimer la comédie, a fortiori romantique, est comme une maladie honteuse) en insistant bien sur le fait qu'on n'était pas là chez Lubitsch (mais plus personne ne fait de comédies comme Lubitsch : Billy Wilder l'avait annoncé dès la mort de son mentor).
Pourtant, L'Arnacoeur ne mérite ni dédain ni tiédeur : c'est un excellent film, très efficace, sans être vulgaire ni grossier, et surtout plus intelligent que ces pisse-froid prétendent. J'ai fait des études de philosophie durant mon laborieux passage à l'université et, si ça ne m'a donné ni un métier ni même de quoi faire croire que je suis plus intelligent que les autres, j'en ai retenu au moins quelques leçons dont le propos resurgit parfois de manière inattendue quand je lis ou regarde quelque chose d'étonnamment léger.
En l'occurrence, je me suis souvenu ici du Journal du séducteur de Kierkegaard dans lequel il résume parfaitement l'argument de L'Arnacoeur en expliquant qu'exploiter les manques d'une femme vous assure de lui devenir indispensable, puis que la repousser alors, c'est en faire une femme amoureuse de vous. C'est imparable et c'est justement la méthode qu'applique Alex Lippi en mentant aux filles qu'il séduit. Juliette ne craquera pas pour le vrai Alex mais pour celui qu'il prétend, comme d'habitude, être pour elle. Seulement, cette fois-ci, il a aussi craqué pour sa proie et, s'il la repousse pour l'épargner, le mal est fait : leurs comptes sont bons, ils s'aiment et rien n'y pourra rien changer.
Le scénario de Laurent Zeitoun, peaufiné par Jeremy Doner et Yoann Gromb, joue sur cette idée qu'aimer quelqu'un, c'est se projeter en lui, c'est voir en lui ce qui nous manque, même si ce reflet est trompeur, illusoire, fabriqué pour la circonstance. En l'exprimant aussi franchement, le film acquiert une force détonante.
La contribution active de Romain Duris, pour que Alex Lippi ne se résume pas un "James Bond de la séduction", un tombeur facile et suffisant, et de Vanessa Paradis (rayonnante de charme et d'élégance, même quand son personnage est d'abord cassant), pour que Juliette ne soit pas qu'une chipie dissimulant une âme de midinette, a été essentielle aussi pour aboutir à ce résultat. Chaumeil et Zeitoun voulait ces deux-là pour des raisons évidentes bien traduites à l'écran : le mouvement perpétuel et inquiet pour lui, la grâce malicieuse et un peu hautaine pour elle (après l'avoir vue dans le film sur les coulisses de son Divine idylle Tour).
Les éléments les plus simplement comiques du film sont fournis par les seconds rôles, campés par des comédiens au jeu volontairement plus appuyés : l'épatante Julie Ferrier en grande soeur raisonnable, l'hilarant François Damiens en technicien balourd mais attachant, Helena Noguerra en copine déchaînée prête à sauter (sur) tout ce qui bouge.
Tournée à Monaco, l'histoire s'amuse aussi avec des références aux années 80 (riches en comédies romantiques) : un clin d'oeil fameux porte sur la chanson Wake me up before you go-go du groupe Wham ! (délicieuse scène dans la voiture où Alex et Juliette se cachent de l'autre pour fredonner le refrain), et une séquence mémorable reproduit la chorégraphie de Dirty Dancing - un numéro longuement préparé et parfaitement exécuté.
Tout cela, les allusions, le genre lui-même, est traité avec dérision mais sans condescendance, et c'est ce dosage parfait entre distance ironique, charme irrésistible et respect tonique qui aboutit à la réussite de L'Arnacoeur.
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