mercredi 23 mars 2016

Critique 847 : THE AMERICAN, de Anton Corbijn


THE AMERICAN est un film réalisé par Anton Corbijn, sorti en salles en 2010.
Le scénario est écrit par Rowan Joffé, adapté du roman A Very Private Gentleman de Martin Booth. La photo est signée Martin Ruhe. La musique est composée par Herbert Grönemeyer.
Dans les rôles principaux, on trouve : George Clooney (Jack / Edward), Violante Placido (Clara), Thekla Reuten (Mathilde), Johan Leysen (Pavel), Paolo Bonacelli (Père Benedetto).
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Jack est un assassin professionnel et un armurier. Il s'est réfugié dans une maison isolée en compagnie d'une femme, lorsque deux tueurs à gages le surprennent et tentent de l'abattre. Il les supprime et doit aussi tuer sa maîtresse qui pourrait devenir un témoin compromettant pour lui.

Jack et Pavel
(George Clooney et Johan Leysen)

Après avoir contacté et rencontré son agent, Pavel, Jack se rend dans un village perdu des Abruzzes, en Italie. Il s'y fait passer pour un photographe, mais le Père Benedetto devine qu'il ment sur sa profession et sur la raison de sa présence.
Jack/Edward et le Père Benedetto
(George Clooney et Paolo Bonacelli)

Jack, qui se fait désormais appeler Edward, rencontre aussi une belle prostituée, Clara, dont il s'éprend progressivement. Ces sentiments sont partagés par la jeune femme, séduite par cet homme mystérieux mais amant ardent et attentionné, qui refuse de coucher avec d'autres filles de la maison close où elle travaille.
Jack/Edward et Clara
(George Clooney et Violante Placido)

Pavel confie une nouvelle mission à Jack/Edward en le mettant en relation avec une femme qui dit se prénommer Mathilde : il doit lui fabriquer un fusil de précision selon des instructions très détaillées.
Mathilde
(Thekla Reuten)

Cependant qu'il met cette arme au point, Jack/Edward remarque qu'il est suivi par un homme, vraisemblablement complice avec les tueurs suédois qui l'ont déjà attaqué. Il le sème puis finit par l'éliminer en maquillant la scène comme un accident de voiture.
Jack/Edward

Les journaux locaux relatent les meurtres commis contre des prostituées de la région. Jack/Edward soupçonne Clara de vouloir aussi l'abattre quand il découvre qu'elle a un pistolet automatique dans son sac à main : fausse piste - Clara a ce calibre sur elle car elle craint d'être agressée par le meurtrier des prostituées.

Clara

Les soupçons de Jack/Edward se reportent sur Mathilde, dont il ignore toujours quelle est sa cible, et, méfiant, sabote le fusil qu'il lui a confectionné avant de le lui remettre.
Jack/Edward

Clara invite Jack/Edward à assister à une procession religieuse dans le village où il réside. Il la retrouve dans la foule et lui propose de partir avec lui. Mathilde tient l'américain dans sa ligne de mire. Pavel est également présent dans les parages...  
Jack/Edward

Hier soir, France 4 rediffusait The American, deuxième long métrage de fiction réalisé par Anton Corbijn : ce magnifique polar est devenu en quelques années un film souvent programmé à la télévision - et pour une fois, on ne s'en plaindra pas car cela permettra sans doute à de nouveaux amateurs de bon cinéma de le (re)découvrir après sa sortie en salles en 2010.

Anton Corbijn est un des plus grands photographes contemporains et il doit une bonne partie de sa renommée aux clichés qu'il a pris de nombreuses rock-stars (en premier lieu le groupe U2, dont il a signé de nombreuses photos de pochettes d'albums), d'acteurs et de top models. Ses images, souvent en noir et blanc rehaussé de sépia, sont magnifiques, possédant une intensité, soulignant des ambiances mémorables.

Le risque quand un esthète de ce niveau devient un cinéaste est qu'il mette en scène des films où la qualité visuelle l'emporte sur l'intérêt des histoires. Dans le cas de The American, Corbijn a trouvé un matériau lui permettant de confirmer son génie graphique avec un récit accrocheur à l'atmosphère puissante.

L'intrigue est minimaliste et se place sous l'influence manifeste de Jean-Pierre Melville : le héros est un solitaire peu loquace qui ne peut que rappeler l'inoubliable Samouraï (1967), incarné par Alain Delon. Le poids de la fatalité domine dès le début de son aventure quand, rattrapé par son activité coupable, autant dire son destin personnifié par deux tueurs à gages, il doit se réfugier dans un village perdu en Italie, en attendant que son agent le tire de cette mauvaise passe.

Mais le script de Rowan Joffé, adapté du roman de Martin Booth, ne se contente pas de copier la cosmétique "Melvillienne" : l'histoire rend fabuleusement compte de l'attente à laquelle est soumis Jack puis de ce qu'il fait de ce temps. La sensualité s'invite dans cette cavale avec l'apparition de deux femmes : Clara, la sublime prostituée, et Mathilde, un archétype de femme fatale.

Avec la première, c'est la figure de l'amour, d'abord physique, sexuel, puis romantique, qui s'immisce dans le quotidien du héros : la romance a quelque chose de fulgurant, d'inattendu, tout en s'intégrant harmonieusement à la narration. Jack peut-il s'abandonner dans les bras de cette femme qu'il se met à aimer et qui va l'aimer aussi ? Ou cela le fragilise-t-il ? La menace qui plane sur lui ne nuira-t-elle pas inévitablement à cette belle putain, déjà inquiète à cause d'une affaire de serial killer qui attaque ses collègues dans les environs ?

Avec la seconde, c'est un autre jeu qui se déroule : dès qu'ils se rencontrent, Jack/Edward et Mathilde savent très bien qui ils sont, on devine même qu'il sait qu'il est la cible qu'elle va toucher avec le fusil qu'elle lui demande de lui fabriquer. Le film montre longuement l'ouvrage, le processus de la confection de cette arme et qui révèle l'américain non seulement comme un tueur mais aussi un armurier génial, méticuleux à l'extrême. Le voyant assembler l'outil qui sera peut-être celui qui servira à le supprimer est une idée brillante et troublante. Le spectacle de cet artisanat mortel est aussi envoûtant, le fusil étant construit à partir d'une majorité de pièces détachées, récupérées notamment dans un garage, et aboutissant pourtant à un instrument très affûté.

Corbijn mène si bien son affaire, qu'on ne voit pas le temps passer tout en en ressentant pourtant toute la dilatation. La photographie du film est somptueuse, sans que sa beauté ne parasite la lecture du récit : bravo à Martin Ruhe. Les mouvements d'appareil sont sobres, précis, et la composition des plans est tellement intelligente qu'on y reconnaît la "patte" d'un artiste rompu à l'exercice.

Ayant participé au financement de la production via sa société Smokehouse, George Clooney a bien sûr le rôle principal et sa prestation est tout à fait exemplaire. L'acteur, qui a été révélé par la série Urgences, et qui est depuis régulièrement cité comme un sex symbol, est aussi un interprète dont la filmographie confirme les exigences, alternant des films d'auteurs et des longs métrages plus commerciaux, devenu aussi un fidèle des frères Coen ou de Steven Soderbergh.
Il en impose ici dans une composition minérale impressionnante, tout à fait crédible en assassin en bout de course tout en campant parfaitement cet armurier si méticuleux. Connu pour son jeu expressif, il épate en étant impassible, tendu, inquiet, à peine moins sur ses gardes lorsqu'il est en galante compagnie.

On mesure quel "dur" métier c'est que celui d'être comédien quand on voit les deux créatures de rêve à qui Clooney donne la réplique dans The American, et il faut commencer par évoquer Violante Placido : la fille de l'acteur Michele Placido n'est cependant pas seulement l'une des plus belles femmes que nous ait donnés à voir le cinéma ces dernières années (même si je ne l'ai pas revue dans un rôle aussi marquant depuis), elle campe avec une ambiguïté maline le personnage de Clara.

Thekla Reuten est aussi fabuleuse en flingueuse aussi peu bavarde que Clooney : à chacune de ses scènes, la voilà avec un look différent (tour à tour blonde puis brune, élégante puis vêtue en mode casual), mais elle a un charisme fou, digne des femmes fatales les plus mémorables du film noir.

Johan Leysen et sa gueule taillée à la serpe est également saisissant dans la peau de Pavel, et Paolo Bonacelli fait un prêtre cherchant la confidence autant que veillant sur ses propres secrets très habilement placé.

Contrairement à deux films que j'ai vus récemment - Blood Ties, qui ne parvenait pas à se démarquer des ses écrasantes références, et Trance, qui noyait sous des effets grossiers son manque d'inspiration - , The American est un exemplaire réussite dans le cadre du polar de série B qui en respecte les codes avec raffinement tout en sachant lui donner une ambiance intense. 

1 commentaire:

Arion a dit…

Looks like the kind of movie I usually enjoy.

By the way, I just read your post about Kurt Busiek and it was great, I'm actually a big fan of his work. In fact, I've written about Superman: Secret Identity in my blog (wich I encourage you to visit):

www.artbyarion.blogspot.com

I hope you enjoy my review, and please feel free to leave me a comment over there or add yourself as a follower (or both), and I promise I'll reciprocate.

Cheers,

Arion.