mardi 1 mars 2016

Critique 828 : ZIZI CHAUVE-SOURIS, TOME 1 - CHEVEUX RESTER, de Lewis Trondheim et Guillaume Bianco


ZIZI CHAUVE-SOURIS : CHEVEUX RESTER est le premier tome de la série, écrit par Lewis Trondheim et dessiné par Guillaume Bianco, publié en 2012 par Dupuis.
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Suzie Wendel vit seule avec sa mère, Clara, à la campagne. Elève dissipée à l'école, elle est régulièrement envoyée dans le bureau du directeur et collée. Elle aime parler de la mode des vedettes de Beverly Hills avec sa meilleure amie, plus sage qu'elle, et partage avec Hugo Mercier, un petit garçon un peu simple d'esprit, une fascination pour les monstres imaginaires.
L'existence de Suzie va changer lorsqu'une chauve-souris, Zizi, vient se prendre dans son abondante tignasse rousse après un coup de vent. La cohabitation est délicate entre ces deux fortes personnalités.
Mais une amitié se lie entre la fillette et la bestiole après qu'elles aient tué le Gobeur d'yeux, devant lequel Hugo a fui. Une vieille dame, professeur de Yan-Chi, un curieux art martial, repère Suzie et lui propose de la former pour qu'elle terrasse n'importe quel adversaire.
Après avoir croisé une nuit l'horrible Falquenin, mi-chien mi-chat, Suzie apprend par Zizi l'existence du Grand Garou dont la morsure permet de devenir adulte à la pleine lune, l'occasion pour la fillette de connaître de nouvelles expériences.
Mais pour approcher cette créature impressionnante et dangereuse, il lui faudra déjouer la vigilance de sa mère, qui essaie de retrouver l'amour en invitant des collègues, comme Nathan et Maxime, que Suzie prend un malin plaisir à décourager...

J'ai découvert Zizi chauve-souris dans les pages du journal de "Spirou" alors que le deuxième tome de ses aventures était pré-publié l'année dernière et je suis tout de suite tombé sous le charme de ce comic-strip réalisé par deux des auteurs les plus originaux de l'hebdomadaire, qui ont en commun d'être des scénaristes et dessinateurs.

L'expérience des deux collaborateurs dans les deux domaines de la bande dessinée garantit un équilibre de force et de talent et aboutit à une production tout à fait réjouissante et aboutie. Ce premier tome compte 45 planches et donc 137 strips, chacun proposant un gag autonome et tous ensemble composant une intrigue cohérente, avec un dénouement prometteur pour la suite (promesse tenue car la suite est effectivement aussi convaincante).

Pleine de fantaisie, cette série aborde l'enfance sous un angle fantaisiste, avec un accent fantastique prononcé. Le fait que la chauve-souris soit douée de parole et communique avec Suzie, qui la comprend, n'est que le premier élément d'une collection qui compte des créatures à la fois grotesques et inquiétantes : le Falquenin est un curieux hybride de chien et de chat, friand d'oiseaux en particulier (mais prêt à bouffer Zizi et Suzie aussi), le Gobeur d'yeux est un monstre digne de ceux que dessinait Franquin, et la révélation de l'aspect spectaculaire du Grand Garou (effectivement très grand et très effrayant) ne déçoit pas.

Mais Zizi chauve-souris n'est pas trop intimidant pour les plus jeunes lecteurs, même si Lewis Trondheim n'hésite pas à glisser quelques scènes mordantes (la chauve-souris et son goût pour les araignées, un écureuil qui glisse fatalement sur une branche sèche...). L'humour contrebalance cette noirceur : les dialogues sont enlevés, plein de piment, comme souvent chez le scénariste, avec des personnages aux caractères excentriques et bien trempées (Suzie n'a pas sa langue dans sa poche, sa professeure de Yan-Chi est loufoque à souhait). La relation entre Suzie et sa mère donne aussi lieu à des moments savoureux et des réflexions irrésistibles ("Envie de stress et d'ulcères ?... Devenez mère célibataire !", "Tu attends un nouvel invité ?  - Oui... Tu mangeras dans ta chambre, ce sera plus simple... - Yes ! - Quand je suis gentille avec elle, elle est insupportable, quand je la punis, elle est contente... J'ose pas imaginer lorsqu'elle sera adolescente...").

Visuellement, Guillaume Bianco, qui a été découvert avec sa propre série Billy Brouillard (publié chez Soleil), assume l'influence de Quentin Blake et Tim Burton. Son trait, parfois tremblotant, est très expressif et la forme contraignante du strip ne l'empêche nullement d'exprimer efficacement les gags du scénario.

Bianco est surtout un as de la composition : les éléments dans ses plans sont toujours merveilleusement disposés, avec une grande lisibilité, donnant un impact maximum à chaque réplique, chaque mimique. Les décors sont souvent minimalistes et pourtant très évocateurs, et quand il a la possibilité de dessiner une bande entière d'une case, il représente la campagne, la nature, avec brio.

Enfin, il est excellent pour imaginer les créatures extraordinaires du récit : la chauve-souris est drôlissime, le Falquenin affreux, le Gobeur d'yeux très moche, et le Grand Garou impressionnant. Et le running gag avec l'araignée dont Zizi se sert pour convaincre Suzie de la garder est imparablement mis en scène.

Inspirée, très amusante, graphiquement singulière, aussi jubilatoire pour les petits que pour les grands, Zizi chauve-souris a des airs d'amie pour la vie.  

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