VALERIAN : SUR LES FRONTIERES est le treizième tome de la série (et le huitième chapitre du CYCLE TEMPOREL), écrit par Pierre Christin et dessiné par Jean-Claude Mézières (avec la participation de Eric Wenger pour les images par ordinateur des pages 19, 34, 35, 36, 51 et 56), publié en 1988 par Dargaud.
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Jal est un agent du SST, désormais sans mission ni attache depuis la disparition de Galaxity (déplacée dans l'espace-temps par le Dieu d'Hypsis). Camouflé sous l'armure d'un extra-terrestre de Néferfalen, il séduit une native de cette région, Kistna, pour lui voler ses pouvoirs psycho-énergétiques, puis force le commandant du vaisseau-paquebot de croisière où il voyageait à lui donner une barge pour regagner, seul, la Terre du XXème siècle.
Sur Terre, au XXème siècle, Valérian et Laureline louent désormais leurs services comme des mercenaires en divers endroits du globe (Russie, Tunisie, Lybie) où plane la menace atomique (centrales nucléaires défectueuses, projets d'attentats), susceptibles de provoquer un cataclysme semblable à celui évité en 1986.
En compagnie de M. Albert, les deux ex-agents du SST traquent un mystérieux individu qui gagne de colossales sommes d'argent pour acquérir du matériel capable de déclencher une catastrophe. Cet homme, c'est Jal, qui espère restaurer la situation de Galaxity dans le continuum espace-temps...
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VALERIAN : LES CERCLES DU POUVOIR est le quinzième tome de la série (et le neuvième chapitre du CYCLE TEMPOREL), écrit par Pierre Christin et dessiné par Jean-Claude Mézières (avec la participation de Marc Tatou pour les images vidéo des pages 54 et 55), publié en 1994 par Dargaud.
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Leur astronef en panne et sans le sou, Valérian et Laureline échoue sur la planète Rubanis où ils retrouvent les Shingouz, qui leur proposent une affaire grâce à laquelle chacun d'entre eux gagnera beaucoup d'argent.
Ils rencontrent ainsi le colonel Tlocq, chef de la police, préoccupé par le désordre qui règne dans les cinq cercles de ce monde : le premier cercle est celui de la production lourde - où est remisé l'astronef des deux héros - ; le deuxième cercle est celui des affaires ; le troisième cercle est celui du commerce et des loisirs ; le quatrième cercle est celui de la haute administration, de l'aristocratie et des prêtres ; et le cinquième cercle est celui du pouvoir. A ce dernier, plus personne n'a accès !
Avec l'aide d'un chauffeur de taxi volant, S'tarks (appartenant à un gang de voyous et épris de Laureline), et face à Na-Zultra, une ambitieuse conquérante locale, Valérian et Laureline vont découvrir l'étonnante vérité sur les dirigeants de Rubanis, provoquant du même coup une lutte pour le contrôle de la planète... Dont ils repartiront indemnes et riches.
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VALERIAN : PAR DES TEMPS INCERTAINS est le dix-huitième tome de la série (et le dixième chapitre du CYCLE TEMPOREL), écrit par Pierre Christin et dessiné par Jean-Claude Mézières (avec la participation de Guillaume Ivernel pour les images infographiques des pages 1, 2 et 31), publié en 2001 par Dargaud.
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La mutlinationale Vivaxis s'attire la colère du Dieu d'Hypsis lorsqu'il découvre leurs projets de création de clones surhumains et immortels.
Ce concept intéresse aussi LCF Sat, archange déchu d'Hypsis, qui voit là une opportunité de régner sur la Terre.
Valérian et Laureline s'en mêlent et arbitre le conflit pour obtenir des réponses sur la situation exacte de Galaxity. Pour doubler Dieu, LCF Sat et Vivaxis, ils croisent des figures familières, rencontrées lors de précédents missions, comme le savant Schroeder, l'ex-pillard Sun Rae, les héros de l'équinoxe (Irmgaal, Ortzog et Blimfin, à partir desquels sont conçus les clones). M. Albert et les Shingouz sont aussi de la partie.
A l'issue de cette aventure, le couple comprend qu'il existe deux trames historiques - l'une basée sur le cataclysme causée sur Terre par Hypsis en 1986 ayant abouti à l'Âge Noir, l'autre basée sur une négociation entre la Terre et Hypsis ayant abouti à l'Âge d'Or. Galaxity n'a pas disparu mais a été déportée dans un super trou noir massif...
Ces trois aventures, bien que distinctes, forment l'avant-dernière saga de la série et de son Cycle Temporel. Après le tome 18, les deux auteurs concluront l'épopée de Valérian et Laureline dans un ultime cycle (tomes 19, 20, 21 : Au bord du grand rien, L'ordre des pierres, L'ouvre-temps) et un épilogue (tomes 22 : Souvenirs des futurs).
Bien que parus à plusieurs années d'intervalles (1988, 1994 et 2001), ces trois épisodes témoignent de la part de Pierre Christin d'une volonté évidente de faire, en quelque sorte, le ménage dans la série : des histoires antérieures y sont régulièrement citées et avec Par des temps incertains, il s'emploie même à en faire la synthèse puis à en dénouer les liens. On trouve même, dans le tome 18, une double page d'introduction avec un tableau permettant de visualiser les chronologies de la série, et l'ordre de lecture des albums, en les distribuant selon leur cycle (temporel et spatial) et leur trame (l'Âge Noir et l'Âge d'Or). Un louable effort qui montre à la fois la complexité narrative de Valérian et aussi sa singularité car la série est arrivée à un point où elle n'a plus de véritables début et fin.
Sur les frontières évoque par son titre Sur les terres truquées et pourrait presque appartenir au Cycle Spatial. Le récit est très efficace, mené sur un tempo alerte, en trois temps : pendant près de vingt pages, on y suit Jal, un membre du SST égaré, puis on retrouve Valérian et Laureline devenus des mercenaires, avant que ces deux lignes narratives ne se rejoignent. Christin mène son affaire avec une authentique maestria, qui fait oublier la décompression déplorable du diptyque précédent (Les spectres d'Inverloch / Les foudres d'Hypsis). Le plan de Jal a quelque chose d'à la fois insensé (provoquer un cataclysme pour rétablir la continuité spatio-temporel) et de poignant (le personnage a imaginé ce projet par désespoir) : il incarne une version extrémiste de Valérian, qui est dans la même situation que lui (plus de mission, plus de hiérarchie).
On retrouvera Jal dans le tome 16 (Otages de l'ultralum), appartenant lui au Cycle Spatial - une autre indication confirmant que Christin veut organiser la série.
C'est aussi dans ce tome 13 que sont introduits des gadgets, à la manière de ceux qu'on peut voir dans James Bond, comme le crétiniseur (sorte de lasso qui abrutit ceux autour duquel il tournoie), le tüm tüm de Lün (un petit alien-caméra), ou le tchoung traceur (qui deviendra un accessoire précieux pour Laureline quand elle sera séparée contre son gré de Valérian - voir tome 16 encore).
Les cercles du pouvoir est devenu remarquable pour sa couverture qui montre un taxi volant : ce véhicule inspirera Luc Besson pour son film Le cinquième élément en 1997 (trois ans donc après la sortie de l'album), auquel collaborera activement Mézières (mais aussi Moebius).
Malgré des séquences très bavardes, qui ralentissent le récit, l'album est très bon, révélant sa qualité au fil des pages : Christin y renoue avec un des motifs qu'il affectionne (et maîtrise), la description d'une planète avec des strates sociales bien définies mais en proie à un désordre grandissant. Les cinq cercles de Rubanis sont inspirés et fournissent un arrière-plan très dense à une intrigue dont le dénouement déjoue les attentes (une grande illusion) et nourrit une critique un peu simpliste mais amusante sur la télévision qui abrutit les masses (et les déforme même physiquement !).
Un autre élément divertissant réside dans le comportement de S'tarks, le chauffeur de taxi, qui s'éprend de Laureline, sans qu'elle éprouve les mêmes sentiments, et qui provoque la jalousie de Valérian : curieusement, la série n'avait jamais joué avec cette situation (un triangle romantique au centre duquel est la jeune femme), et Christin semble d'autant plus s'en amuser qu'il montre qu'un des Shingouz en pince lui aussi pour la belle héroïne (au point de lui donner des informations sans les monnayer !).
Une réplique résume non seulement cette histoire mais également la philosophie de son auteur et elle est prononcé par le colonel Tlocq : "personne ne comprend rien. C'est ça le mystère du pouvoir."
Enfin, Par des temps incertains est un formidable tour de force : Christin accomplit la prouesse de développer un scénario délirant, aux enjeux élevés (par moins que le combat entre Dieu, le Diable et une multinationale qui veut créer des clones surhumains et immortels, concurrençant ainsi les divinités, pour le contrôle de la Terre), et de boucler la boucle entamée 34 ans auparavant. Il arrive à accrocher le lecteur avec une intrigue dont les protagonistes tardent à s'affronter directement tout en citant abondamment des aventures précédentes, en convoquant des personnages antérieurs (qui ne se souviennent pas de leur première rencontre avec Valérian et Laureline puisque l'Histoire de La Terre a été altérée car le cataclysme nucléaire de 1986 ne s'est pas produit).
Bien entendu, il faut être familier de la série pour saisir les finesses de ce récit. En même temps, il semble entendu que les auteurs aient voulu solder tout ce qu'ils avaient bâti pour se lancer dans une ultime saga et, cette fois, clore toute leur série. C'est un plaisir de fan tout en demeurant un régal de lecteur : celui qui a lu les 18 tomes de Valérian a le sentiment d'arriver à la (presque) fin du voyage, celui qui découvrira Valérian avec ce tome aura certainement envie de lire toute la série, séduit par ses héros et sa galerie de seconds rôles impliqués dans une épopée d'une rare cohérence et d'une ampleur impressionnante.
La réussite de ces trois tomes, on la doit aussi au prodigieux Jean-Claude Mézières qui, à 50 ans (pour le tome 13) comme à 63 (pour le tome 18), est toujours aussi en forme : cet artiste surprend même encore en intégrant à ses planches des images infographiques, à une époque où la génération de celles-ci était encore balbutiantes. Il collabore donc avec, successivement, Eric Wenger, Marc Tatou et Guillaume Ivernel, et le résultat est très naturel, logique pour une série de science-fiction. Mézières a surtout l'intelligence de ne pas abuser de ces effets visuels : il les emploie à bon escient et à doses homéopathiques (moins expérimentalement que Druillet ou Moebius, toujours au service du récit).
L'imagination du graphiste pour concevoir des vaisseaux, des décors extra-terrestres, et leurs occupants reste sans limite, toujours aussi bluffant : le bestiaire, le "garage" et l'atlas galactique de Mézières seront même répertoriés dans des hors série (Les habitants du ciel 1 & 2, Les extras de Mézières).
Et il se fait plaisir (et nous avec) avec des morceaux de bravoure comme la course-poursuite sur Rubanis, découpé avec une vigueur imparable (que Besson n'avait plus qu'à transposer en "live" pour Le cinquième élément).
J'espère que je pourrais un jour (prochain, ce serait encore mieux) lire les quatre derniers épisodes de Valérian, ne serait-ce que pour retrouver moi aussi Galaxity - et compléter cette collection de critiques qui, je le souhaite, vous donnera envie de (re)lire cette série jubilatoire, ce titre précurseur.
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