VALERIAN : METRO CHÂTELET, DIRECTION CASSIOPEE est le neuvième tome de la série (et le quatrième chapitre du CYCLE TEMPOREL), écrit par Pierre Christin et dessiné par Jean-Claude Mézières, publié en 1980 par Dargaud.
Cette histoire est la première partie d'un diptyque qui se poursuit et se termine avec le tome 10 (Brooklyn Station, Terminus Cosmos).
*
*
VALERIAN : BROOKLYN STATION, TERMINUS COSMOS est le dixième tome de la série (et le cinquième chapitre du CYCLE TEMPOREL), écrit par Pierre Christin et dessiné par Jean-Claude Mézières, publié en 1981 par Dargaud.
Cette histoire conclut le diptyque débuté avec le tome 9 (Métro Châtelet, Direction Cassiopée).
*
1980, planète Terre, France. D'étranges créatures surnaturelles représentant les forces élémentaires (feu, eau, air, terre) se manifestent dans différents endroits. Galaxity a envoyé Valérian, agent du Service Spatio-Temporel, à cette époque pour neutraliser les monstres. A cette époque, son contact est M. Albert, un savant débonnaire, qui l'aide de son mieux mais la mission est rendue délicate car elle doit parfois s'accomplir dans des endroits fréquentés alors que le public et les autorités ne doivent pas s'en apercevoir.
En outre, deux multinationales - Bellson & Gambler (exploitant des mines, l'acier, les métaux non-ferreux, le pétrole et l'atome) et W.A.A.M. (pour World American Advanced Machines, spécialisé dans l'électronique, l'agrobiologie et l'agriculture) - s'intéressent de près aux capacités des créatures pour les acquérir.
Cependant, dans la constellation de Cassiopée, Laureline mène sa propre enquête sur l'origine des monstres et découvrent qu'il s'agit d'idoles du peuple d'une planète dépotoir. Les reliques ont été volés par deux pirates de l'espace, Crocbattler et Rackallist.
La jeune femme va s'efforcer de récupérer les cubes qui contenaient les puissances élémentaires pour les détruire avant qu'elles ne ravagent la Terre de 1980 où Valérian est de plus en plus désorienté...
Après une dizaine d'années d'édition, et quelques albums mémorables (dans ses deux Cycles), la série prend une dimension supplémentaire avec cette aventure qui, pour la première fois, se déroule sur deux tomes successifs. Cette ambition sera justement récompensée car ces épisodes figurent dans les préférés de nombreux fans, avec raison.
De mon point de vue, Métro Châtelet, Direction Cassiopée et Brooklyn Station, Terminus Cosmos sont restés des classiques : rien que leurs titres sont une invitation à l'épopée, au grand spectacle, à l'évasion, ce sont des programmes à la fois mystérieux et excitants.
Je n'étais pas bien vieux quand je les ai lus pour la première fois, et pour l'adolescent que j'étais, ils furent comme une révélation : c'était sans doute la première fois que je ressentais des frissons comparables à ceux que me procuraient habituellement les comics super-héroïques, avec ce mélange d'action, de suspense, de danger, et d'érotisme. Sur ce dernier point, la scène où Laureline se prépare à neutraliser Rackallist et Crocbattler à la fin du tome 10 représentait une sorte de sommet dans la sensualité : jamais, peut-être, Mézières n'a dessiné son héroïne de façon aussi suggestive.
Regardez-moi ça : Laureline n'a rien à envier aux bombes sexuelles de Marvel (Emma Frost, Carol Danvers...) et de DC (Wonder Woman, Catwoman...) !
Voilà pour le moment "vieux bédéphile nostalgique en plein éveil des sens"...
Ce qu'il faut souligner, c'est que Christin développe une intrigue passionnante, admirablement dosée : il exploite les ressources de ses personnages et les décors dans lesquels ils évoluent à merveille, de façon à ce que le lecteur soit en permanence accroché. Suivre Valérian dans les marais poitevins ou en plein Paris (dans le métro ou au centre Pompidou) en train de désintégrer des créatures ahurissantes, ou être dans les pas de Laureline au fin fond de l'espace en train de côtoyer de pauvres aliens perdus sur un monde poubelle puis traquant deux escrocs aussi bêtes que lubriques, est jubilatoire.
Comme à son habitude, le scénariste se sert du genre dans lequel s'inscrit la série - la science-fiction - pour épingler les travers de la société actuelle (et, finalement, ça n'a pas tellement changé depuis 1980), via le rôle qu'il fait jouer aux deux multinationales Bellson & Gambler et WAAM. Il ne s'agit pas d'ailleurs simplement d'une critique sur la course au profit, mais de considérations parfois plus symboliques sur ce qu'elles incarnent, chacune dans leur domaine : B & G est un conglomérat attaché aux forces de la terre et du feu, liées au passé, tandis que WAAM est un empire fondé sur l'eau et l'air, associés au futur.
Le rapport au passé et au futur, mais aussi à la Terre et au reste de l'univers, à l'homme et à la femme, aux éléments contraires (eau/feu, air/terre), beaucoup de ce qui constitue le récit (jusque dans sa composition en deux tomes) joue sur la symétrie et Christin, quelquefois s'en amuse (comme quand il montre Valérian de plus en plus déphasé, dépassé, faible, alors que Laureline est entreprenante, volontaire, décisive), parfois se fait plus grave (la morale de l'histoire ne saurait se résumer à une victoire des héros puisque les deux multinationales négocient un accord, ce qui donne à l'affaire un caractère plus ambigu et un goût plus amer).
Ce diptyque dépasse le simple divertissement pour s'engager dans une direction plus adulte à bien des niveaux, comme si la série prétendait à un autre stade, entrait dans sa maturité. De fait, ensuite, que ce soit dans les aventures du Cycle Temporel ou du Cycle Spatial, Valérian ne sera plus aussi léger, abordant plus frontalement des problématiques à peine filtrées par leur cadre futuriste et cosmique.
Graphiquement aussi, Mézières atteint aussi une sorte de plénitude : il y a souvent, chez les artistes attachés à une série ce moment spécial et reconnaissable par les lecteurs fidèles et attentifs où leur dessin semble faire feu de tout bois, sublimant le script, maîtrisant les personnages, exaltant les décors.
C'est d'autant plus remarquable que, comparé à d'autres tomes de la série, Mézières ne s'appuie pas ici sur la représentation d'éléments propres à la série, comme des bâtiments spatiaux, de multiples extra-terrestres, des planètes exotiques. Certes, les créatures que Valérian affronte sont une nouvelle fois extraordinairement designées et l'escale de Laureline sur la planète-dépotoir est saisissante, mais cela n'occupe pas tant de pages.
En revanche, le découpage est très efficace, d'une fluidité imparable, avec de beaux effets de montage (lorsque les deux héros communiquent par-delà le temps et l'espace). Mézières, avec la colorisation d'Evelyne Tran-Lé, soigne les ambiances, majoritairement nocturnes, et campe des personnages secondaires immédiatement mémorables (la pulpeuse Cynthia, et surtout l'irrésistible M. Albert, qui deviendra un personnage récurrent).
Assurément deux des meilleurs volets du titre, le chef d'oeuvre du Cycle Temporel. Une grande BD tout simplement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire