Après un premier arc gâché par la mauvaise gestion éditoriale de la ligne "The New Age of Heroes", résumé par l'incapacité d'Ivan Reis à assurer ses trois épisodes, et particulièrement la médiocrité du dernier, The Terrifics avait beaucoup à se faire pardonner. Si l'avenir proche nous dira si ce titre peut durablement se redresser, ce quatrième chapitre concrétise en tout cas un spectaculaire sursaut de la part de Jeff Lemire, cette fois soutenu par Evan Shaner.
Comme il le lui avait promis, Mr. Terrific, après avoir contacté Hal Jordan pour prévenir ses parents de son arrivée, emmène, avec Metamorpho et Plastic Man, Phantom Girl sur sa planète natale, BGZTL. La jeune femme consigne son voyage dans un journal.
Après avoir traversé une partie de l'univers en hyper-propulsion, le vaisseau sphérique de l'équipe est intercepté par un rayon tracteur qui l'oblige à atterrir sur une décharge spatiale. Très rapidement, les quatre acolytes sont séparés en deux groupes.
D'un côté, Mr. Terrific (privé de ses T-sphères) et Metamorpho : celui-ci demande si, une fois rentré sur Terre, son chef pourrait chercher un moyen de lui rendre son apparence humaine. Mais très vite, cette conversation est interrompue car ils tombent nez à nez avec des collecteurs pirates.
De l'autre, Plastic Man et Phantom Girl : elle culpabilise d'avoir entraîné l'équipe dans ce lieu inhospitalier mais son camarade la réconforte. Puis voyant passer les T-sphères de Mr. Terrific, ils les suivent. C'est ainsi qu'ils viennent en aide à Metamorpho et leur chef aux prises avec les pirates.
Cette péripétie a soudé l'équipe mais, à l'approche de BGZTL, Phantom Girl est anxieuse et elle va rapidement avoir des raisons de l'être : son séjour dans le Dark Multiverse a duré dix ans mais sur sa planète, trente-sept années se sont écoulées. Sa mère lui apprend que son père est mort mais la console en lui promettant que plus rien désormais ne les séparera.
Tout d'abord, le plaisir qu'on a à lire cet épisode provient des dessins, magnifiques, de Evan Shaner, qui devait ronger son frein depuis le lancement de la série car il s'y est investi particulièrement. Les uniformes que portent désormais tous les Terrifics (ainsi que Plastic Man baptise l'équipe) sont des designs de Shaner, par ailleurs grand fan de Plastic Man et Metamorpho en particulier. Il a aussi créé l'apparence de Lyanna alias Phantom Girl de manière à la distinguer de son homonyme dans la Légion des Super-Héros (dont DC préparerait le retour, comme la JSA).
Mais cela traduit aussi la mauvaise gestion éditoriale du titre (et de presque tous ceux de la collection "New age of heroes") qui voulait mettre en avant des dessinateurs vedettes tout en prévenant qu'il ne ferait pas plus que les trois premiers épisodes. Hormis l'inusable Romita Jr (sur The Silencer) et le médiocre Kenneth Rocafort (sur Sideways), aucun n'a été en mesure de tenir cette promesse. La question se pose alors : n'aurait-il pas été plus sage et logique de lancer ces séries avec des artistes capables de tenir les délais quitte à ce qu'ils ne soient pas des stars ?
Il faut savourer les épisodes de Shaner car il n'en fera finalement que deux, DC l'ayant réquisitionné pour un épisode de la mini-série hebdomadaire Man of Steel (écrite par Brian Michael Bendis - où il sera secondé par Steve Rude) et lui confiant les couvertures de rééditions de titres du "Silver Age". Le dessinateur, pourtant capable d'enchaîner les chapitres, mais ne pouvant pas être au four et au moulin, passera le relais à Dale Eaglesham (que j'apprécie, mais il n'empêche, quel défilé horripilant !).
Pourtant quand on lit ces vingt pages, Shaner s'impose comme une évidence : son style élégant, son affection visible des personnages, le soin apporté aux finitions, associés à la colorisation quatre étoiles de Nathan Fairbairn donne à The Terrifics un look à la fois rétro et tonique, collant idéalement au sujet.
Et ce sujet, Jeff Lemire le reprend vigoureusement en mains après s'être fourvoyé le mois dernier dans un épisode inhabituellement médiocre de sa part. D'abord il consacre ses efforts à la caractérisation du personnage le moins défini du groupe, Phantom Girl, en lui donnant directement la parole puisque l'aventure est relatée via son journal intime. On s'attache vraiment à la benjamine de l'équipe, longtemps éloignée de chez elle, en délicatesse avec ses pouvoirs, et soucieuse à l'idée de rentrer à la maison (tout en sachant qu'elle ne pourra y rester).
Ensuite, le scénariste, au gré des rebondissements qui émaillent le voyage des quatre héros, en profite pour "changer de cavalière", redistribuer les rôles. Vite séparés, les protagonistes sont obligés de s'appuyer sur un acolyte avec lequel il n'avait pas eu le temps de faire connaissance jusqu'à présent. Plastic Man fait moins le mariole et c'est reposant, pour se montrer attentionné et touchant avec Phantom Girl. Metamorpho est moins grognon et débute même une relation amicale avec Mr. Terrific très inspirée par celle qui existe entre la Chose et Mr. Fantastic (avec l'envie de recouvrer un aspect normal). Cette reconfiguration est d'autant plus efficace que Lemire la met en scène sans négliger l'action au cours de deux scènes très mouvementées.
Enfin, le dénouement de l'épisode est carrément une auto-citation de Lemire à son Doctor Star... quand Phantom Girl comprend grâce à Mr. Terrific, une fois chez elle, que le temps qu'elle a passé dans le Dark Multiverse ne s'est pas écoulée normalement par rapport à celui de BGZTL, aboutissant à des conséquences poignantes... Et à une promesse de sa mère que le lecteur (et le reste de l'équipe) sait intenable.
La série rebondit donc à point et on en sort ragaillardi, mais aussi déjà un brin nostalgique car le duo magique formé par Lemire et Shaner sera vite dissous. En définitive, l'avenir de la relation entre les fans et ce titre est à l'image de sa conception : alléchant et incertain. On verra s'il s'agit d'une glorieuse incertitude ou d'un fâcheux fiasco.
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Bonus : les characters designs d'Evan Shaner pour The Terrifics.
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