Etonnant découverte du troisième épisode de Doctor Star... après la lecture de Captain America #701 comme si les deux séries, et leurs auteurs, dialoguaient, se répondaient, rebondissaient sur les mêmes thèmes : il est là aussi question de paternité, d'enfant malade. Il y a peu de chances que Jeff Lemire et Mark Waid se soient concertés, mais, chacun à leur manière, il touche à une corde sensible avec une égale pudeur et un vrai sens de l'aventure.
Pour sauver son fils qui se meurt d'un cancer, Jim Robinson revient sur la Lune où il avait jadis installé un émetteur pour tenter d'entrer en contact avec des extra-terrestres. Il espère que, grâce à leurs pouvoirs guérisseurs, ils sauveront Charlie.
Mais les aliens ont d'autres projets pour le Dr. Star et l'entraînent sur leur planète où sont dressées des effigies à sa gloire. Pour perpétuer son oeuvre et saluer son inspiration héroïque, ils ont même formé le Star Sheriff Squadron, une force armée qui fait régner l'ordre et la justice dans l'univers.
1969. Jim Robinson rentre chez lui et retrouve Joan, sa femme, après une absence de dix-huit ans, consécutive à une erreur de calcul spatio-temporel. Devenue alcoolique, elle refuse de lui pardonner de l'avoir abandonnée. Et lorsqu'il lui demande où est fils Charlie, elle lui répond qu'il est parti à la guerre. Mais quelle guerre, demande-t-il ?
Son séjour loin de la Terre explique que Jim ignore tout du conflit au Vietnam. Charlie est sur le point d'être démobilisé après avoir été blessé au front, mais ses plaies les plus profondes sont psychologiques. Ce n'est pas le retour de son père qui va arranger les choses, ce père qu'il espérait mort après l'avoir longtemps attendu en vain.
Les extra-terrestres expliquent au Dr. Star qu'ils ne peuvent sauver son fils car le traitement qu'ils lui infligeraient serait trop extrême pour un terrien. En revanche, ils mènent leur "père" à la source du pouvoir cosmique, la Para-Zone - là où, peut-être, Jim trouvera d'autres réponses...
Après avoir déçu avec le troisième épisode de The Terrifics, Jeff Lemire prouve que, sur un projet qu'il maîtrise totalement pour l'avoir créé, il est à son meilleur. Pourtant, Doctor Star & the Kingdom of Lost Tomorrows n'est pas si éloigné d'une production digne de DC : comme tous les spin-off de Black Hammer, en effet, la série puise son inspiration dans l'univers de l'éditeur de Burbank.
Le titre fonctionne, on l'a compris maintenant, comme un reflet inversé du Starman de James Robinson (qui est aussi le nom du héros) et Tony Harris : ici, ce n'est pas le fils qui succède au père super-héros, mais le père qui a sacrifié sa vie familiale à sa carrière de justicier et voit aujourd'hui son fils mourir sans l'avoir vu grandir. Cela permet à Lemire d'évoquer la guerre du Vietnam en soulignant le décalage historique dont souffre Robinson, loin quand le conflit a démarré et a dégénéré en bourbier (nous sommes alors dans un flash-back en 1969). Les deux scènes des retrouvailles de Jim avec sa femme et son fils sont d'une intensité terrible, entre le regret du mari et du père et le rejet sans appel de son épouse et de son fils - on les comprend tout en mesurant bien le déchirement du Dr. Star.
Et puis, de nos jours, dans une tentative désespérée pour sauver Charlie en phase terminale, Jim fait appel à ses amis extra-terrestres et leurs pouvoirs de guérisseurs. Il découvre que les aliens pacifistes et primitifs qu'il avait autrefois rencontrés et sauvés sont devenus des êtres supérieurement avancés et rassemblés, au point d'avoir formé un escadron en son hommage, à lui, leur père spirituel.
La référence est explicite, Lemire ne cache jamais d'où il tire ses idées : c'est aux Green Lanterns Corps que le Star Sheriffs Squadron fait penser, et leur représentation est impressionnante. Les dessins de Max Fiumara, aussi à l'aise dans le registre intimiste que dans le grand spectacle, rend justice à cette découverte à la fois merveilleuse et cruelle - puisque les extra-terrestres ne pourront sauver Charlie Robinson (ou du moins, ils le peuvent mais expliquent que le traitement est trop radical pour qu'il y survive).
Lemire fait in fine la relation entre Doctor Star... et Black Hammer en évoquant la Para-Zone où, dans la série-mère, le colonel Weird effectue de fréquents et perturbants séjours. On sait que cette dimension permet à ceux qui s'y rendent permet de voir aussi bien le passé que le futur, on apprend que c'est aussi la source du pouvoir cosmique capté par Jim Robinson et ses émules. Sera-ce la solution au mal qui ronge Charlie ?
Divertissement magnifique, la série se révèle surtout comme une réflexion poignante sur la paternité, ses responsabilités, l'ivresse du pouvoir, l'héritage. C'est une merveille, porté par un auteur au top, bien accompagné par un artiste totalement investi.
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