J'ai attendu depuis Mercredi dernier pour rédiger cette critique : le temps de digérer le choc, d'assimiler cette expérience, bien que j'ai (enfin !) vu Avengers : Infinity War après deux semaines d'attente. Mais ce délai m'a permis de l'apprécier une fois l'événement un peu apaisé, bien que le film ait depuis conquis une large part de la critique et soit devenu un triomphe sans précédent au box office (je vous épargne la litanie des chiffres mirobolants). Point culminant de dix ans de production par les studios Marvel, le long métrage des Russo bros. mérite tout le bien qu'on dit de lui. Mais comment en parler sous un angle encore original et sans tomber dans la facilité des superlatifs ? Ce blockbuster pose finalement autant de problème au critique qu'à ses metteurs en scène.
Thanos (Josh Brolin)
L'espace. Après s'être emparé par la force de la Pierre du Pouvoir sur la planète Xandar (siège du Nova corps), Thanos croise la route de la nef des rescapés d'Asgard (détruite dans Thor : Ragnarok) et tue la moitié de ses passagers avec ses sbires de l'Ordre Noir - Corvus Glaive, Nain Noir, Proxima Minuit, Machoire d'Ebène et Supergéante. A bord le titan retrouve Loki qui lui remet le Tesseract contenant la Pierre de l'Espace. Hulk affronte Thanos qui a facilement raison de lui et que Heimdall, avec ses dernières forces, envoie sur Terre avant d'être exécuté comme Loki sous les yeux de Thor puis la nef asgardienne pulvérisée.
Dr. Strange, Tony Stark, Bruce Banner et Wong (Benedict Cumberbatch, Robert Downey Jr.,
Mark Ruffalo et Benedict Wong)
La Terre, New York. Hulk/Bruce Banner s'écrase dans le Sanctum Sanctorum du Dr. Strange qu'il avertit de l'arrivée de Thanos pour acquérir la Pierre du Temps du sorcier suprême et la Pierre de l'Esprit de Vision. Strange va chercher Tony Stark dans Central Park où il fait sa demande en mariage à Pepper Potts pour élaborer un plan. Mais Stark prévient tout le monde que les Avengers sont séparés (depuis Captain America : Civil War) et il ignore où se trouve Vision.
Spider-Man (Tom Holland)
Pendant ce temps, Peter Parker pressent une menace et voit dans le ciel de New York le vaisseau de Machoire d'Ebène. Il réussit, pendant que ses camarades de classe assistent à cette apparition, à leur faucher compagnie pour se changer en Spider-Man et prêter main forte à Iron Man et Dr. Strange aux prises avec Machoire d'Ebène et Nain Noir. Le sorcier est embarqué à bord du vaisseau auquel s'accroche Spider-Man et que prend en chasse Iron Man après avoir neutralisé Nain Noir. Spider-Man revêt grâce à Iron Man l'armure Iron Spider pour supporter le voyage dans l'espace. Banner tente alors de contacter Steve Rogers en renfort car il n'arrive plus à se transformer en Hulk.
Wanda Maximoff/Scarlet Witch et Vision (Elizabeth Olsen et Paul Bettany)
Ecosse. Wanda Maximoff/Scarlet Witch et Vision vivent secrètement leur idylle, bien qu'elle soutienne toujours le fugitif Steve Rogers et lui Iron Man. En se promenant au clair de lune dans une rue, ils sont attaqués par Proxima Minuit et Corvus Glaive et ne doivent leur salut qu'à l'intervention de Rogers, Black Widow et le Faucon. Glaive et blessé sérieusement et bat en retraite avec Proxima Minuit. Le Faucon, aux commandes d'un quinjet, embarque tout le monde, direction : le Q.G. des Avengers où les reçoit James Rhodes/War Machine en vidéoconférence avec le général Ross à propos des événements de New York. Banner est également là et résume la situation à Vision, prêt à se sacrifier en détruisant sa Pierre de l'Esprit. Mais Rogers connaît un endroit où, comme le suggère Banner, on pourrait la lui retirer sans le tuer.
Thor, Peter Quill/Star-Lord et Gamora (Dave Bautista, Chris Hemsworth,
Chris Pratt et Zoe Saldana)
L'Espace. Les Gardiens de la galaxie répondent à un appel de détresse en espérant en tirer une récompense et découvrent la nef des asgardiens. Thor percute leur vaisseau à moitié mort. Soigné par Mantis, il revient à lui et explique ce qui est arrivé aux siens, apprenant ainsi que Gamora est la fille adoptive de Thanos. Le dieu du tonnerre pense que leur ennemi va se rendre sur la station Knowhere pour arracher la Pierre de la Réalité au Collectionneur mais Thor veut d'abord se construire une nouvelle arme pour le tuer. Rocket et Groot décident de le conduire aux forges de Nivadellir pendant que Star-Lord, Gamora, Mantis et Drax partent pour la sation Knowhere.
Gamora et Thanos
Station Knowhere. Les quatre Gardiens de la galaxie arrivent trop tard : Thanos a dévasté l'endroit et le Collectionneur ne lui a pas fourni la Pierre de la Réalité. Détectant la présence de ses adversaires, il les neutralise facilement et capture Gamora avec laquelle il se téléporte dans son vaisseau où, détenant Nebula qui a déjà essayé de le tuer et la torturant, il obtient de savoir où se trouve la Pierre de l'Âme. Direction : la planète Vormir.
Peter Parker/Spider-Man, Tony Stark/Iron Man, Drax, Peter Quill/Star-Lord et Mantis
(Tom Holland, Robert Downey Jr., Dave Bautista, Chris Pratt et Pom Klementieff)
Spider-Man et Iron Man sauvent Dr. Strange des tortures de Machoire d'Ebène qui veut lui soutirer la Pierre du Temps (qu'il porte en pendentif à son cou). Le sorcier suprême et Stark s'entendent difficilement sur la stratégie à suivre : le premier veut rentrer sur Terre, dont il est le protecteur ; le second veut aller sur Titan pour y attendre et attaquer par surprise Thanos. Ce dernier plan est choisi et, une fois là-bas, les trois héros y trouvent et s'allient avec les Gardiens de la galaxie après que chacun ait pris les autres pour des agents de Thanos.
Thor, Rocket et Groot (Chris Hemsworth, Bradley Cooper et Vin Diesel)
Vormir. Thanos et Gamora partent à la rencontre du gardien de la Pierre de l'Âme, Crâne Rouge (exilé sur cette planète depuis son combat contre Captain America à la fin de la seconde guerre mondiale). Seule dans le vaisseau de son père, Nebula se libère et envoie un message aux Gardiens de la galaxie pour les prévenir qu'elle se rend sur Titan. Pour obtenir la gemme, Thanos n'hésite pas à sacrifier, comme c'est exigé, l'être qui lui est le plus cher, Gamora.
Thor
Nevadellir. Thor, Rocket et Groot arrivent aux forges où tous les ouvriers ont été décimés après avoir façonné le Gant d'Eternité pour Thanos, à l'exception d'Eitri. Réactivant le coeur de l'étoile qui alimente les forges, Thor permet à Etrei de mouler le marteau et la hache de Stormbreaker, qui pourra aussi réactiver le Bifrost (le pont arc-en-ciel par lequel on passe d'un royaume à un autre) auquel Groot fournit le manche avec une partie de son bras extensible en bois.
T'challa/Black Panther, Steve Rogers, Natasha Romanov/Black Widow et Bucky Barnes
(Chadwick Boseman, Chris Evans, Scarlett Johansson et Sebastian Shaw)
Steve Rogers atterrit avec le Faucon, Black Widow, Bruce Banner, War Machine, Scarlet Witch et Vision au Wakanda où T'Challa/Black Panther et Bucky Barnes les reçoivent. Shuri, la soeur cadette du monarque, examine l'androïde et entame la procédure complexe pour lui retirer la Pierre de l'Esprit. Dehors, Proxima Minuit et Nain Noir assiègent la capitale protégée par ses écrans. Les héros se préparent à les accueillir en ouvrant une partie du bouclier afin que l'ennemi n'en perce pas une section opposée et ne les encercle.
L'assaut final au Wakanda
La bataille qui suit est disputée. Banner s'est équipé de l'armure Hulkbuster de Stark, Black Panther et Steve Rogers mènent l'attaque, soutenus par Bucky et Black Widow tandis que War Machine et le Faucon ouvrent un feu nourri par les airs. Mais l'opposition les dépasse en nombre et réussit à atteindre le palais et le laboratoire de Shuri pour capturer Vision alors que Scarlet Witch est partie prêter main forte aux Avengers dehors.
Thanos
Titan. Thanos revient sur sa planète natale et désolée où il a localisé l'énergie émise par la Pierre du Temps du Dr. Strange qui l'attend, seul. Thanos lui explique la raison de son action en lui racontant comment son monde a péri après avoir épuisé ses ressources à cause de sa surpopulation : aujourd'hui, avec les six Pierres d'Eternité, il aura l'opportunité de corriger ce problème dans tout l'univers en sacrifiant la moitié des êtres vivants. Iron Man, Spider-Man, Star-Lord, Drax et Mantis l'écoutent, bien cachés et prêts à attaquer, lorsque Nebula débarque et déclenche les hostilités. Iron Man et Iron Man tentent d'ôter le Gant à Thanos que Mantis essaie de maîtriser mentalement et Dr. Strange d'immobiliser physiquement. Mais quand Star-Lord comprend grâce à Nebula que si Gamora est absente, c'est que son "père" l'a sacrifié, Peter Quill peermet à Thanos de se libérer et de se déchaîner. Pour qu'il épargne ses amis, Strange préfère alors lui donner la Pierre du Temps.
Groot, Thor et Rocket
La Terre. La situation est très compromise lorsque Thor, Rocket et Groot apparaissent et rééquilibrent les forces en présence. Proxima Minuit et Corvus Glaive sont tués et leur armée entamée sérieusement. Wanda a retrouvé Vision et ils se sont débarrassés de Nain Noir. Mais l'androïde, pris d'une violente et soudaine migraine, sent l'arrivée de Thanos. Rogers, Bucky, le Faucon, Banner, Black Panther, Black Widow tentent de l'empêcher d'atteindre Vision qui obtient de Scarlet Witch qu'elle détruise sa Pierre de l'Esprit. Mais ceci fait, Thanos, grâce à la Pierre du Temps, reconstitue l'androïde et lui arrache la gemme du front. Thor surgit alors et terrasse son adversaire en lui enfonçant la hache de Stormbeaker dans la poitrine. Thanos claque des doigts en indiquant au dieu du tonnerre qu'il aurait du le décapiter. La moitié des êtres vivants sur Terre et dans le cosmos se désintègre : sur Titan, seuls Iron Man et Nebula sont épargnés ; au Wakanda, Black Panther, le Faucon, Bucky, Groot tombent en poussière.
Thanos, lui, s'est volatilisé et reparaît dans la Pierre de l'Âme où il retrouve Gamora enfant puis s'assoit devant un paysage apaisant, symbolisant la réussite de son plan.
Une scène supplémentaire intervient à la toute fin du générique :
- New York. Nick Fury et Maria Hill assistent à la désintégration de plusieurs civils dans une rue avant de de se dissoudre à leur tour. Juste avant de disparaître complètement, Fury envoie un message sur émetteur. Sur le sol, après quelques instants, l'écran de l'appareil confirme la réception du S.O.S. avec l'image du logo de Captain Marvel.
"Thanos will return" : ce sont les derniers mots qui s'inscrivent sur l'écran et, mine de rien, ils disent tout de Avengers : Infinity War et du programme de Avengers 4 qui sortira en salles en Mai 2019. Pourquoi ? Parce que le méchant complexe du film en est le vrai premier rôle, celui par lequel tout arrive et tout finira dans un an. Il ne s'agit donc plus d'annoncer le retour, prévisible, des Avengers, comme cela était le cas dans les deux premiers films qui leur furent consacrés, mais celle de leur adversaire. D'autant plus, et c'est la surprise la plus spectaculaire, à plus d'un titre, du long métrage, que les héros perdent à la fin !
Depuis quand un blockbuster d'un budget voisin des 500 millions de dollars s'achève-t-il sur un échec ? Oh, bien entendu, c'est un revers provisoire et le match retour promet déjà une revanche épique, mais certainement disputée : n'empêche, quelle audace de conclure comme ça cette partie-ci !
En même temps, pour reprendre une expression désormais consacrée, le tout début de l'histoire laisse deviner la couleur : quand Thanos aborde la nef des asgardiens dont le monde a péri dans le cycle du Ragnarok, Hulk attaque par surprise le titan... Qui lui flanque une correction express et l'envoie au tapis, K.O. ! On comprend immédiatement que Thanos, qui ne faisait ici que des apparitions en fin de génériques, de plus en plus frustrantes, n'est ni là pour rigoler ni à prendre la légère : il vient de rétamer Hulk ! Qui peut arrêter l'individu capable de cela ?
C'est donc sur la figure, souvent prévisible et néanmoins sidérante, que le film se déroule, comme si une fatalité sourde, imparable, s'abattait sur la résistance des héros. Ils ne vont pas gagner, semblent nous glisser à l'oreille les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely, tout juste gagneront-ils du temps, placeront-ils quelques coups, réussiront-ils à terrasser les sbires de Thanos - l'Ordre Noir avec ses cinq membres - mais ils ne viendront pas à bout de la vraie menace, trop fort, trop déterminé, trop minutieux, trop bien doté - il réunit patiemment les Pierres d'Infinité, se renforce, voit son plan progresser inéluctablement, trop pour être contré.
Josh Brolin incarne vraiment Thanos, quand bien même il s'agit d'une performance en motion capture, où l'acteur bardé de capteurs a été ensuite recréé numériquement pour apparaître à l'écran comme le colossal titan à la peau violette. Mais les fans du comédien (dont je fais partie), habitué à sa gueule carrée, buriné, "Charles-Bronsonienne", le reconnaissent sans mal derrière les expressions mesurées de Thanos, sa démarche pesante, ses gestes lourds, sa puissance tranquille. Le jeu est d'une nuance épatante malgré l'artifice, à la mesure du personnage dont la psychologie est la plus soignée de tous les vilains du MCU : il ne s'agit pas d'un vilain classique qui agit par vengeance, ou soif de conquête, ou par goût du sang. Thanos est mû par un objectif, une mission, une vision (à plus d'un titre...).
En effet, comme il l'explique au Dr. Strange (Benedict Cumberbatch, génial évidemment dans une situation qui lui donne beaucoup de latitude) lors d'une scène superbement placée et orchestrée, déjouant le monologue du méchant tout fier de son stratagème avant de se prendre une branlée, Thanos a vu son monde, Titan, dépérir à cause de la surpopulation et de l'incapacité à faire subsister les siens. Depuis, rassembler les six Pierres d'Infinité n'est pas tant une volonté d'acquérir une puissance incomparable pour régner sur l'univers que pour remédier à une situation équivalente de manière radicale : cela lui permettrait de sacrifier la moitié des êtres vivants et donc de leur donner la possibilité de survivre avec ce que leurs planètes produisent.
On peut s'interroger sur une autre option : pourquoi Thanos, au lieu de désintégrer autant de monde, ne se sert-il pas de la puissance du Gant de l'Infini pour augmenter les ressources des êtres vivants ? Et on répondra que, de son point de vue, il s'agit d'un risque car les individus n'en ont jamais assez, ils finissent toujours par tarir leurs sources. En en éliminant la moitié d'entre eux, la solution est plus drastique et surtout elle a valeur d'avertissement : s'ils ne raisonnent pas ainsi, alors il ne restera plus qu'à tous les tuer.
Avengers : Infinity War n'est donc pas seulement culotté en termes de fin, il l'est aussi en termes de moyens, de formulation puisqu'il interroge les héros et les spectateurs sur la morale des gentils et du méchant. Le choix de Thanos est hautement discutable mais l'affronter uniquement comme un vilain, c'est passer à côté du problème, ne pas considérer son point de vue, son expérience, ce qui a formé sa résolution. Plusieurs super-héros font cette erreur et précipitent les hostilités en annonçant Thanos comme un destructeur sans considérer l'origine de sa logique.
Bruce Banner (excellent Mark Ruffalo dans une partition où il ne peut littéralement plus devenir Hulk, comme si son alter ego avait peur de réapparaître suite à la correction initiale qu'il a reçue) est le premier à communiquer ainsi sur l'ennemi en le réduisant à un tueur de masse. Thor (Chris Hemsworth, formidable sur une partition à la fois sensible et traduisant enfin toute la puissance de son personnage) veut lui aussi d'abord se venger (et venger Loki, Heimdall, son peuple) qu'arrêter Thanos - et il le fait si mal qu'il croit terrasser le titan en lui plantant sa hache dans la poitrine au lieu de le décapiter, ce qui aurait empêcher son terrible geste final. Star-Lord cède à la colère et au chagrin quand il comprend que Gamora a été sacrifiée par son "père" et, ce faisant, provoque l'échec des héros sur Titan en permettant à Thanos de se ressaisir. Même Vision (Paul Bettany, toujours bluffant dans son incarnation de l'androïde) se plante en ayant coupé les ponts avec Stark et Rogers, qui auraient pu, chacun de leur côté, ôter sa Pierre de l'Esprit bien avant l'invasion du Wakanda.
C'est donc autant un récit de failles tactiques que d'erreurs d'interprétation qui permet l'inévitable triomphe de Thanos. Film-somme de dix ans de production des studios Marvel et suite-conséquence tragique du schisme acté dans Captain America : Civil War (dont il est la sequel la plus directe avec la scène d'ouverture qui renvoie au dénouement de Thor : Ragnarok), Avengers : Infinity War impressionne par sa fluidité, quasi-organique, pour rassembler les pièces d'un puzzle patiemment monté, agréger des personnages, justifier leurs alliances, mais aussi situer leurs actions en différents points de la Terre (New York, l'Ecosse, le Wakanda) et de l'Espace (les planètes Vormir - où se joue un sacrifice poignant et stupéfiant pour Thanos et Gamora - , Nivadellir - avec une liaison très inspirée entre le façonnage du Gant de l'Infini et Stormbreaker - , Titan - site d'une bataille vraiment scotchante d'intensité).
On a beaucoup parlé du casting pléthorique en redoutant qu'il soit rassemblé avec de grosses ficelles qu'il faut saluer l'admirable travail des scénaristes pour justifier parfaitement comment et pourquoi les uns se retrouvent avec les autres, là et pas ailleurs, à ce moment et pas avant ou après, et tout cela en allant et venant d'un endroit à l'autre sans que jamais on ait l'impression de zapper au milieu d'une scène. Tout tombe exemplairement pile-poil, laissant deviner la suite tout en n'assurant pas qu'elle résoudra tout (ainsi le retour providentiel de Thor, Rocket et Groot en pleine guerre au Wakanda ne garantit que provisoirement un avantage aux héros sur place, mais le moment en lui-même est jubilatoire).
Et pour jubiler, il faut, quoi qu'en pensent les grincheux, un peu d'humour. L'intrigue n'incite pas à la rigolade, comme je le disais plus haut, mais là encore les frères Russo ont su aérer leur film de quelques bons mots, attitudes plus légères, histoire de rendre le spectacle respirable : les échanges entre Thor et les Gardiens de la galaxie (mention spéciale à Dave Bautista dont la bêtise cosmique de Drax est bien mieux exploitée ici que dans tout Les Gardiens de la galaxie, vol. 2, est irrésistible dans la scène dite de "l'homme invisible"), la remarque croisée entre Steve Rogers et Thor sur leur looks similaires désormais agissent en contrepoint à des moments vraiment émouvants, parfois bouleversants, quand, à la fin des personnages partent littéralement en poussière (Robert Downey Jr., impeccable, tenant dans ses bras Tom Holland alias Spider-Man qui se sent s'en aller, la mort de Vision, la disparition de Groot : on a rarement eu la gorge serrée comme ça dans un film de ce genre).
Bien entendu, on peut pester contre le fait que certains acteurs soient plus présents pour le nombre que pour l'enrichissement du récit (Anthony Mackie, Don Cheadle, Sebastian Stan, mais aussi Scarlett Johansson, Chadwick Boseman, voire Chris Evans qui ont peu de place et de poids en dehors des scènes d'action). Mais quelque chose me dit qu'au match retour, ils pourraient bien en profiter pour briller davantage (de même que le retour prévisible d'un géant vert...).
C'est que Avengers : Infinity War n'est pas qu'un film-anniversaire cataclysmique, c'est aussi la préparation programmée d'une nouvelle ère (d'une nouvelle "phase", comme les appelle le producteur Kevin Feige) du MCU : des acteurs voient leur contrat arriver à leur terme et si certains souhaitent poursuivre l'aventure (Hemsworth, Johansson - pour qui se prépare un film Black Widow - , voire Evans), d'autres vont certainement tirer définitivement leur révérence (on voit mal RDJ Jr. à 53 ans passés se contenter de jouer les seconds rôles de luxe par exemple).
L'arrivée de Captain Marvel (que jouera Brie Larson, première super-héroïne Marvel en vedette d'un long métrage et ultime recours contre Thanos dans Avengers 4), les suites prévues à Ant-Man (avec Paul Rudd, qui apparaîtra dans Avengers 4 comme l'autre grand absent, Jeremy "Hawkeye" Renner), Spider-Man (Tom Holland, désireux de s'inscrire dans la durée) et les annonces concernant de nouvelles franchises (Les Eternels, Moon Knight, Nova, Ms. Marvel, Fantastic Four...) ouvrent la porte à un agenda fourni (Feige a des projets au moins jusqu'en 2025 !).
A cet égard aussi, la défaite somptueuse contée dans Avengers : Infinity War sonne comme une victoire, ou un mouvement, une manoeuvre inspirés : elle nous comble en termes de spectacle, de divertissement, de surprises, tout en garantissant des lendemains sinon sommairement victorieux en tout cas sacrément alléchants. N'est-ce pas cela qu'on appellerait, à l'image de la marche triomphale de Thanos, avoir de la vista (avec ou sans Pierre du Temps) ?
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