Ici démarre l'ultime arc narratif écrit par Mark Waid pour Captain America et intitulé Promised Land (une référence à Springsteen et à une de ses plus belles chansons ?). Cette histoire sera aussi brève que les précédentes puisqu'en Juillet une nouvelle équipe créative prendra les rênes de la série. Mais en attendant, il s'agit de soigner sa sortie et pour cela Waid est aussi bien inspiré que bien entouré...
Haute-Vienne, France. 1944. Captain America et Bucky sauvent, dans des conditions difficiles, la dernière fiole contenant le sérum du super-soldat du Pr. Erskine détenue par le Dr. Straussen.
XXIVème siècle. Cette histoire est projetée à Steve Rogers, l'arrière-arrière-arrière petit fils de Captain America, malade et hospitalisé, dont son père, Jackson désespère de trouver le moyen de le guérir. Il en appelle au Président des Etats-Unis, Robbins, pour qu'il déclassifie les documents relatifs au sérum du super-soldat afin de trouver un antidote. Mais le général Pursur s'y oppose, malgré la prestigieuse lignée dont descend l'historien, car cela relève su secret défense.
San Francisco, Californie. 1968. Captain America déjoue un attentat fomenté par le Dr. Faustus dans les coulisses d'un concert de rock en se faisant passer pour un roadie, en mission pour le SHIELD sous les ordres de Nick Fury.
Jackson Rogers décide, lui aussi, d'agir en douce et s'introduit dans la Maison-Blanche de nuit. Il accède aux Archives nationales en piratant ingénieusement la sécurité et consulte les documents relatifs au sérum du super-soldat. Mais il découvre alors que son usage a été détourné par le général Pursur qui agit en qualité d'agent double auprès des alliés Kree pour qu'ils exterminent leurs ennemis - sans que Robbins le sache.
Mais l'intrusion de Jackson Rogers finit par être remarquée et il doit fuir. Le général Pursur, alerté, ordonne à ses hommes de le rattraper, de le capturer et de le lui ramener pour éviter qu'il ne divulgue ce qu'il a appris...
Le choix de Mark Waid de situer ses derniers épisodes dans le futur (un futur encore plus lointain que celui où le Rampart avait envoyé Captain America dans l'arc précédent) peut surprendre, mais seulement si on ne prend pas en compte deux éléments.
Le premier est que Waid sait que son successeur comme scénariste, Ta-Nehisi Coates, s'occupera d'animer le héros dans le présent où il est revenu (et, d'après les premières previews, il va à nouveau se confronter à des organisations fascistes, en relation avec la saga Secret Empire...).
Le second est que Waid aime voyager dans le temps et que Captain America est un véhicule idéal pour cela. La description du futur était d'ailleurs au centre de son chef d'oeuvre chez DC, Kingdom Come. Le rapport à demain chez le scénariste est ambigu, à la fois plein d'espoir et volontiers pessimiste. C'est encore une fois le cas ici, dans cet épisode rapide mais dense.
Au XXIVème siècle, la Terre est devenue une sorte de pays de Cocagne, pacifié mais aussi inspirateur pour d'autres mondes, grâce à la diffusion d'une médecine basée sur le sérum du super-soldat, dont le développement a été rendu possible à partir de la dépouille de Captain America. Pourtant, un grain de sable va perturber cette harmonie, précisément en touchant un des descendants du héros, son arrière-arrière-arrière petit-fils, également prénommé Steve, atteint d'un mal dont personne ne trouve le remède.
L'épisode s'ouvre par un flash-back en 1944, magnifiquement illustré par Adam Hughes, une des prestigieuses guest-stars invitées pour la dernière ligne droite tracée par Waid : c'est tout sauf gratuit puisqu'on y relate prestement comment Captain America et Bucky récupéra la dernière fiole du sérum du Pr. Erskine. Plus loin, toujours en quatre pages magnifiques, cette fois réalisées par J.G. Jones, nous voilà transportés en 1968 pour une opération du SHIELD où savoir opérer sous couverture sera précieux pour empêcher un attentat.
Ces astuces narratives, Waid s'en sert à chaque fois pour préparer le lecteur au problème et à la tactique que doit affronter Jackson Rogers auquel on refuse l'unique moyen de sauver son enfant. Et comme ce refus ne peut que dissimuler une vérité plus suspecte, nous allons découvrir avec lui un complot d'ampleur. Le récit est magistralement mené, tout en rythme et en rebondissements, en parallèles entre le passé et l'avenir. Waid nous donne une leçon.
Chris Samnee parti (bien qu'on ne sache toujours pas où...), c'est au formidable Leonardo Romero (le partenaire de Kelly Thompson sur Hawkeye) qu'échoit la lourde tâche de le remplacer. Il a douze pages pour prouver qu'il en est capable et il ne déçoit pas : son style est semblable à celui de son prédécesseur et on peut louer l'intelligence de l'editor de la série d'avoir pensé à lui. Même trait élégant et vif, des plans aux compositions efficaces et claires, des décors soignés, des personnages expressifs à l'allure immédiatement identifiables.
Ces pages sont superbes et n'ont pas à rougir d'être ponctuées par les participations de Hughes et Jones. Mais elles nourrissent des regrets car, une fois encore, si Waid avait eu l'opportunité de poursuivre son run, avec Romero il avait de quoi faire : l'intrigue qu'il débute est déjà tellement riche et trépidante qu'elle pourrait alimenter des mois la série (comme dans les arcs précédents).
C'est pour cela qu'au fond on lit ces épisodes avec plaisir mais aussi déjà de la mélancolie : ils présentent Captain America dans une vraie vision, originale et captivante, la promesse d'aventures parmi les plus singulières. A cet égard, la "Terre Promise" du titre de cette histoire résonne bien ironiquement comme si Mark Waid nous glissait à l'oreille les plans prometteurs qu'il avait et qu'on lui a confisqués.
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