jeudi 3 août 2017

MISSIONS (Saison 1) (OCS)


Une série télé française de science-fiction ? Diable, voilà un projet ambitieux et bigrement casse-gueule, mais excitant. C'est le pari qu'a accepté de produire OCS (Orange Ciné Série) sur la base du script de Julien Lacombe, showrunner de cette première saison de dix épisodes de 25 minutes chacun.

Alors ? Qu'est-ce que ça vaut ?
 Le vaisseau d'exploration martienne "Ulysse 1"

La première mission habitée vers Mars est lancée par le milliardaire suisse William Meyer en collaboration avec l'Agence Spatiale Européenne. L'équipage, outre l'homme d'affaires, est composé d'un commandant, son second, une femme médecin, une géologue, un informaticien, un ingénieur et une psychothérapeute.
L'équipage d'"Ulysse 1" : Eva Müller, William Meyer, Jeanne Renoir,
Yann Bellocq, Basile Verhoeven, Simon Gramat (Adrianna Gradziel
Mathias Mlekuz, Hélène Viviès, Jean Toussaint, Côme Levin, Clément Aubert

Alors que le vaisseau "Ulysse 1" se prépare à se poser sur la planète rouge, Meyer révèle à l'équipage qu'une mission concurrente, financée par la compagnie "Zillion", les a devancés d'une semaine. Mais un message leur parvient pour leur conseiller de ne pas les rejoindre à cause d'un mystérieux danger. 
 Vladimir Komarov (Arben Bajraktaraj)

Meyer, avec l'accord de son équipage, désobéit à cette recommandation, mais le vaisseau, en se décrochant mal de la station, oblige le commandant à effectuer une sortie - qui lui est fatale car le câble qui le retenait se détache. L'atterrissage s'effectue sous les ordres du second dans des conditions délicates : "Ulysse 1" manque de carburant pour redécoller, ses panneaux solaires sont endommagés, comme le diagnostique Irène, l'ordinateur de bord. Une sortie est organisée pour tenter de localiser les membres du vaisseau de la compagnie "Zillion".
Est-ce les terriens qui colonisent Mars ? Ou les martiens en sont-ils partis ?

Une épave est bien trouvée mais c'est une découverte encore plus extravagante qui attend les explorateurs : ils découvrent un cosmonaute russe, encore vivant - et pas n'importe lequel : Vladimir Komarov, porté disparu depuis 1967 lors du retour sur Terre dans la capsule de Soyouz 1 ! Que fait-il là ? Et comment s'y trouve-t-il ?  
Jeanne Renoir et Simon Gramat

Le russe, aussi méfiant qu'énigmatique, ne se confie qu'à Jeanne, la psy de la mission, qu'il semble connaître intimement et à qui il confie qu'elle a un lien spécial avec Mars et son passé. La jeune femme, intriguée, décide d'enquêter par elle-même,au péril de sa vie, tandis que la mission "Zillion", conduite par l'ex-assistante de Meyer, Gemma Andrews, apprend la découverte des membres d'"Ulysse" et veut s'en emparer. 
Les enjeux se multiplient alors : Komarov pourrait-il sauver le patron de "Zillion", gravement malade ? "Ulysse 1" réussira-t-il à redécoller pour rejoindre sa station ? Jeanne apprendra-t-elle la vérité sur une possible civilisation martienne disparue ? Les terriens sont-ils venus coloniser Mars ou les martiens sont-ils partis coloniser une autre planète, peut-être la Terre, depuis longtemps ?

Malgré un budget qu'on imagine fluet, la qualité du résultat de Missions se mesure à l'addiction que cette série engendre chez ses spectateurs. Avec ces dix épisodes au format court, et ces cliffhangers systématiques (plus troublants que spectaculaires), difficile de résister à la tentation d'enchaîner le visionnage de plusieurs chapitres.

Premier bon point : l'intrigue est très prenante et riche en rebondissements, habilement produits. Si certains rôles sont brossés un peu schématiquement, l'héroïne charrie un mystère passionnant et ses investigations sont terriblement prenantes. Avec une finesse qui en augmente la force de percussion, les révélations sont nombreuses et vraiment épatantes. Jérôme Lacombe sait que Mars reste un terrain propice aux fantasmes et parfois s'en amuse, mais il s'inspire aussi de mécanismes narratifs sophistiqués (évoquant Lost et sa construction en poupées russes) où chaque avancée pose de nouvelles interrogations plus excitantes que les précédentes.

Ensuite, la réalisation sait transformer son manque de moyens en force : l'action se déroule souvent dans le huis-clos du vaisseau "Ulysse 1" et souligne les sentiments de claustration, de tension. Chaque sortie agit à la fois comme une respiration (malgré le port obligatoire d'une combinaison) mais la narration continue à explorer ce qui agite ceux qui restent dedans pendant ce temps. Progressivement, subtilement, le personnage de Komarov entretient et enrichit ces rapports déjà fournis - et le scénario a l'intelligence de ne pas expliquer tout (peut-être en prévision d'une saison 2, mais aussi pour ne pas justifier à tout prix quelque chose qui est purement fantastique, injustifiable scientifiquement). Lorsque la mission "Zillion" se greffe à la trame principale, on pourrait craindre une surcharge, mais le dosage délicat reste préservé (tout juste s'étonnera-t-on des variations de l'état de santé du patron de "Zillion", tantôt mourant - avec un mal peu défini - , tantôt prêt à partir sur Mars comme s'il s'agissait d'une formalité).

Avoir choisi un casting d'inconnus (bien que tous acteurs professionnels) est judicieux car cela facilite l'identification. Si Hélène Viviès est l'héroïne principale, ses partenaires sont également excellents et importants et permettent de figurer des réactions que chacun aurait dans pareilles situations (lâcheté, courage, curiosité, attirance...). Dans le rôle de Komarov, Arben Bajraktaraj est impressionnant aussi.

Audacieux, singulier et original autant qu'ambitieux, Missions mérite (malgré quelques péripéties superflues - et grotesques - sur la toute fin) une deuxième saison.

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