Près d'un an après le lancement de "Rebirth", le nouveau reboot de DC Comics, les séries les plus emblématiques de l'éditeur sont publiées en France, dans trois revues mensuelles ("Justice League Rebirth", "Suicide Squad Rebirth" et "Batman Rebirth") plus quelques hors séries et bien entendu une offre abondante en librairie comme Urban Comics (le label Dargaud qui diffuse cette production) en a l'habitude.
Succédant à la période des "New 52" (2011-2016), controversée, "Rebirth" ambitionne d'opérer une synthèse entre ce qu'appréciaient les fans auparavant et les meilleures corrections récentes. Detective Comics est un des titres qui a immédiatement été accueilli, sous cette nouvelle formule (mais en renouant avec sa numérotation historique), avec le plus d'avis favorables. Et c'est mérité car c'est une authentique réussite animée désormais par James Tynion IV, sorti de l'ombre de Scott Snyder (précédent scénariste de Batman), accompagné de deux dessinateurs d'un niveau exceptionnel, Eddy Barrows et Alvaro Martinez.
Assistons donc à ce Rise of the Batmen, premier arc en sept épisodes.
Batman a remarqué la présence de drones miniatures dans le ciel de Gotham, qui surveillent les mouvements de ses disciples justiciers - et plus spécialement de Batwoman, laquelle est par ailleurs sa cousine, Kathy Kane. Pour résoudre ce mystère, ils décident de former une équipe et recrutent Stephanie Brown/Spoiler, Tim Drake/Red Robin, Cassandra Cain/Orphan et Basil Karlo/Clayface. Batwoman est chargée de les entraîner pendant que Batman commence à enquêter et c'est alors qu'il tombe dans un guet-apens, capturé par une milice sur-entraînée.
L'équipe, avertie par la vidéo-surveillance de Gotham, choisit d'appeler à la rescousse le père de Batwoman, l'ex-colonel Jacob Kane. Mais c'est justement lui qui est à la tête de la Colonie, une armée secrète, qui a maîtrisé Batman : son ambition est de remplacer ou d'enrôler les justiciers pour se préparer à affronter la mythique Ligue des Ombres. Trahie, Kate prend la fuite avec le groupe pour mieux préparer sa revanche et libérer Batman.
Cependant, Jacob, grâce aux drones conçus par Ulysses, un jeune surdoué, cible des agents supposés de la Ligue des Ombres. Spoiler, Clayface et Orphan sont chargés de les mettre à l'abri tandis que Batwoman permet à Batman de reprendre la direction des opérations et qu'elle affronte son père. Red Robin, lui, réussit à pirater les drones pour les attirer sur une cible unique : lui-même...
Comme je l'écrivais plus haut, Tynion IV a précédemment, durant la période des "New 52", souvent oeuvré dans l'ombre de Scott Snyder, signant des back-up issues à la série Batman ou des spin-off (le titre Talion). Un artisan discret, sans éclat, une petite main au service d'un auteur ayant gagné ses galons de star. C'est dire la surprise de le voir signer un récit aussi efficace, ne devant rien à son ancien partenaire en termes de style.
Car c'est là la première réussite de ces sept épisodes (#934-940) : l'intrigue est superbement ficelée, menée sur un rythme haletant, exploitant merveilleusement la dynamique d'un groupe. La "Bat-family" n'avait pas été si bien conduite depuis des lustres : ses membres avaient leur propre série, se croisaient parfois, mais il manquait à ces émules de Batman un liant véritable, une cause commune, et une occasion pour les moins populaires de se distinguer. Tynion a donc écarté Batgirl et Nightwing, ignoré Catwoman, pour redonner une chance à Spoiler, Orphan, Red Robin, et offrir une nouvelle existence au vilain Clayface. Sous la direction de Batwoman, qui est établie comme la véritable leader de l'équipe, ce deuxième cercle des disciples de la chauve-souris, ex-sidekick ou alliées eet adversaire occasionnels, forme un sextet enthousiasmant parce qu'aucun n'est à l'abri d'être sacrifié en mission (et c'est d'ailleurs le cas pour l'un d'eux à la fin de cet arc).
Ensuite, l'histoire est bien bâtie, solide, avec un adversaire étonnant, coriace, qui offre un vrai challenge aux héros aussi bien en termes de force de frappe qu'en termes de cause à défendre (et de moyens pour y parvenir). Jacob Kane n'est pas un méchant ordinaire, à sa manière il veut faire le bien autant que Batman, mais ses méthodes (radicales), son objectif (improbable) et ses connexions avec sa propre fille et Bruce Wayne donnent un supplément d'âme aux enjeux de la bataille.
Enfin, Tynion IV profite de deux dessinateurs excellents : puisque la série est bimensuelle aux Etats-Unis, il faut un effectif capable de tenir la cadence et DC l'a particulièrement gâtée. Il est difficile, pour ne pas dire injuste ou impossible, de préférer Eddy Barrows, dont le niveau n'a jamais été lui aussi épatant (un trait réaliste précis, soutenu par un encrage somptueux d'Eber Ferreira et la colorisation, parfois directe, de Adriano Lucas), à Alvaro Martinez (tout aussi juste, appliqué, fourni, épaulé par l'encreur Raul Fernandez et le coloriste Brad Anderson). Les pages sont superbement découpées, avec des décors très soignés, des jeux d'ombres et lumières fabuleux : on se croirait dans une sorte de version "Ultimate" (ou "All-Star") de Detective Comics, ce titre mythique de l'éditeur (puisqu'il lui doit ses initiales), désormais doté d'une vraie identité (et plus du tout une série "Batman-bis").
Si les deux épisodes suivants cet arc appartiennent à un crossover très médiocre (Night of the Monster Men, impliquant aussi les séries Batman et Nightwing), souhaitons que la prochaine intrigue confirme tout le bien que promet celle-ci.
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